Covid-19 : comment le gouvernement a délégué certaines missions essentielles de la politique vaccinale au cabinet de conseil McKinsey ou pour faire face à la pénurie de masques<!-- --> | Atlantico.fr
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Emmanuel Macron et Olivier Véran lors d'une visite dans un hôpital durant la crise sanitaire.
Emmanuel Macron et Olivier Véran lors d'une visite dans un hôpital durant la crise sanitaire.
©Ludovic MARIN / POOL / AFP

Bonnes feuilles

Matthieu Aron et Caroline Michel-Aguirre publient « Les Infiltrés. Comment les cabinets de conseil ont pris le contrôle de l'État » chez Allary Editions. Depuis vingt ans, les consultants se sont installés au cœur de l'État. Gestion de la pandémie, stratégie militaire, numérisation de nos services publics... : les cabinets de conseil, pour la plupart anglo-saxons, sont à la manœuvre dans tous les ministères. L'État a payé pour se dissoudre. Extrait 1/2.

Matthieu  Aron

Matthieu Aron

Matthieu Aron est chroniqueur judiciaire depuis vingt ans. Il est spécialisé dans la couverture des grandes enquêtes criminelles et judiciaires. 

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Caroline Michel-Aguirre

Caroline Michel-Aguirre

Caroline Michel-Aguirre est grand reporter à L'Obs.

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Les Français ont découvert le général Jean-Claude Gallet, son visage gris de fatigue, sa voix lasse mais ferme, le 15 avril 2019, au soir de l’incendie de Notre-Dame. Sanglé dans son uniforme orange des sapeurs-pompiers de Paris, le commandant de la brigade s’avance vers les micros et annonce au pays qui retient son souffle que la mythique cathédrale a échappé à l’effondrement. Ce jour-là, grâce à son sang-froid, son esprit de décision et sa lucidité, le général Gallet gagne un surnom : «le Sauveur de Notre-Dame ».

Près d’un an plus tard, le gouvernement le rappelle au chevet de la nation. La vague de Covid-19 menace de ravager les services de santé. Le général doit, en extrême urgence, trouver des masques, répertorier les respirateurs et décider dans quels hôpitaux les positionner au plus près des besoins. Au petit matin du 13 mars, le Sauveur de Notre-Dame débarque avenue de Ségur, au ministère de la Santé. «Effroi», racontera-t-il plus tard. Le pays traverse un tsunami sans précédent, les services de réanimation risquent la saturation, l’officier qui, sous l’uniforme des forces armées, a connu les points les plus chauds de la planète, s’attend à trouver une atmosphère de ruche bourdonnante, des fonctionnaires au garde-à-vous, prêts à combattre l’ennemi invisible. Il découvre des bureaux déserts, des couloirs silencieux. À la place des cadres qu’il espérait, on lui impose deux consultants d’un grand cabinet de conseil. Ils doivent l’accompagner dans sa mission, l’aider à établir l’ordre du jour de ses réunions. Leur présence est toute virtuelle, puisque les deux consultants ne sont pas là physiquement, ils doivent animer les réunions via l’application de visioconférence Teams.

Le militaire, déstabilisé par cette interférence, tente de résister à cette intrusion du secteur privé. «Et puis, nous raconte l’un de ses proches, il a fini par comprendre que c’était impossible. Il lui a semblé que dans ces conditions il ne pouvait se rendre utile, il a fini par partir.» Ce grand cabinet de conseil américain, positionné au cœur des décisions stratégiques de l’État français, c’est McKinsey. Son implication aux côtés du gouvernement va rester l’un des secrets les mieux gardés de la République pendant presque un an.

C’est le 4 janvier 2021 que l’information commence à fuiter, au détour d’un article publié d’abord en anglais par le site d’information Politico. On y apprend que McKinsey épaule les autorités françaises dans sa politique vaccinale. Mais le cabinet made in USA, fort de 33000 salariés et surnommé «La Firme », a beau être le leader mondial du conseil en stratégie, réputé pour son extrême efficacité, la France reste à la traîne, comptant seulement, en ce début d’année, quelques milliers de personnes vaccinées tandis que le Royaume-Uni en dénombre déjà un demi-million, l’Allemagne presque 320000 et l’Espagne près de 140000. Le gouvernement de Jean Castex peut bien convoquer les caméras pour filmer en direct la piqûre administrée à Mauricette, 78 ans, habitante de Sevran, entre Noël et le jour de l’An, il apparaît assez vite que rien n’est prêt.

«Les Allemands piquaient à tour de bras, et nous, on avait Mauricette. C’était ridicule et grotesque », se souvient le professeur André Grimaldi, fondateur du Collectif Inter-Hôpitaux. «Dans mon hôpital, poursuit-il, un jour on avait trop de vaccins, le lendemain on n’en avait plus. Les gens prenaient leurs rendez-vous via le site privé Doctolib, qui les envoyait à 200 kilomètres de chez eux. C’était une catastrophe ». Pourtant, à cette époque, les autorités ont déjà dépensé des millions d’euros en conseil...

Ainsi, à la veille de Noël, lors d’une réunion avec les directeurs des agences régionales de santé et les responsables de grands hôpitaux, le ministre de la Santé, Olivier Véran – rapporteront plus tard des participants – a confié à un consultant de McKinsey le soin d’exposer le plan de vaccination du gouvernement et son calendrier. Ce consultant s’appelle Maël de Calan. Diplômé d’HEC et de Sciences Po, fils d’une figure du patronat français, il a effectué une longue carrière chez les Républicains dans le sillage d’Alain Juppé, avant de rejoindre McKinsey dont il est aussitôt devenu «partenaire associé ». Ce CV semble avoir suffi à le transformer en expert de la vaccination. Plus que tous les fonctionnaires du ministère de la Santé réunis!

Extrait du livre de Matthieu Aron et Caroline Michel-Aguirre, « Les Infiltrés. Comment les cabinets de conseil ont pris le contrôle de l'État », publié chez Allary Editions.

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