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Covid : Thanksgiving a-t-il causé une explosion des contaminations aux États-Unis ?
©ANGELA WEISS / AFP

Foyer de contamination

Les rassemblements sans gestes barrières pourraient expliquer ou non l'augmentation des cas.

Guillaume Rozier

Guillaume Rozier

Guillaume Rozier est data scientist. Il analyse quotidiennement les chiffres Covid19 et a fondé covidtracker. 

 
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Atlantico.fr :On craignait que la période de Thanksgiving aux Etats-Unis soit suivie d’une hausse forte du nombre de cas de coronavirus. Après observations des données du Covid tracking project, pouvons-nous dire que c’est imputable à Thanksgiving ? 

Guillaume Rozier : Non. J’ai été assez étonné lorsqu’en France des journalistes, des spécialistes et même Olivier Véran semblaient redouter un effet Thanksgiving. Quand on regarde les données américaines, il est difficile de voir les chiffres qui ont eu un tel effet sur les contaminations. 

Cela ne veut pas dire que Thanksgiving n’a eu aucun effet sur les contaminations mais, à mon sens, il n’y a aucune donnée qui permet de dire que celles-ci ont été importantes. Si on regarde tous les États qui étaient en croissance de cas avant Thanksgiving, 15 jours après ils ont atteint un nombre de cas qu’ils auraient atteints si la croissance avait continué sans la fête. 

Si l’on coupe la courbe trois jours avant Thanksgiving et qu’on la prolonge avec les mêmes taux de croissance, dans une forme d’exponentielle, on se retrouve peu ou prou au niveau effectivement atteint. Par ailleurs, un certain nombre d’états étaient en décroissance avant la fête et ont continué leur décroissance de manière assez similaire après. Quand il y a une décroissance elle est similaire partout et ressemble à une fin de courbe gaussienne. 

Si il y a eu un effet, il n’a pas permis d’enrayer la décroissance dans ces États-là. Ce qui est un peu plus complexe à analyser, c’est que deux semaines après on se retrouvait à des niveaux similaires aux prévisions qui ne tenaient pas compte de Thanksgiving. Pourtant, on ne sait pas ce qui ce serait passé sans Thanksgiving. Il aurait peut-être pu y avoir une stabilisation ou une baisse, mais c’est difficile à savoir. Personne ne peut dire si Thanksgiving a eu un effet sur les contaminations, mais il semble honnête de dire que si c’est le cas, il n’a pas été magistral. Au mieux cela n’a pas eu d’effet, au pire il a été relativement modéré. S’il y avait eu un effet fort, on l’aurait vraiment vu. 

Atlantico.fr : Pourquoi a-t-on cru à un effet Thanksgiving, si rien ne l’indiquait dans les chiffres ? 

Guillaume Rozier : Beaucoup de journalistes sont, je pense, tombés dans le panneau du sursaut juste après Thanksgiving. Il était dû à la fermeture des laboratoires aux alentours de cette date et au fait que les gens ne se sont pas fait tester ce week-end-là. Il y a donc eu un gros creux. Cela a créé un bouchon de tests non analysés ou qui se sont fait tester après les fêtes. Ce sursaut n’était finalement qu’un rattrapage. 

L’autre point, c’est qu’il y a pu y avoir une confusion avec le Canada. Thanksgiving y a eu lieu plus tôt, en octobre. Au Canada, les cas ont continué d’augmenter comme les prévisions l’estimaient, mais la différence notable avec les Etats-Unis, c’est que des mesures restrictives ont été prise autour de Thanksgiving et on s’attendait à une stabilisation voire une baisse dans les semaines qui suivaient et ce n’est pas ce que l’on a observé. Le Canada a connu un effet Thanksgiving sur les contaminations. Il y a donc pu y avoir une confusion entre les deux pays chez les politiques et les journalistes.

Atlantico.fr :Peut-on en déduire quelque chose pour les fêtes de Noël en France ? Doit-on s’attendre à un scénario plus américain ou canadien ?

Guillaume Rozier : Je n’en sais rien, parce que cela dépend de nos comportements. Je ne peux pas vous prédire la manière dont on va se comporter. On maitrise vraiment le destin de l’épidémie en grande partie par nos comportements. Ce n’est pas la même chose si tout le monde passe son Noël à vingt-cinq sans gestes barrières, ou à 3-4 en gardant le masque. On ne saura comment se sont comporté les Français que dans une semaine quand les gens raconteront.

De plus, ce qu’on n’avait pas vu dans les autres pays et qui a lieu actuellement, c’est un testing massif. On a atteint notre record, plus de 500.000 tests ont été réalisés vendredi 18 décembre dans une semaine déjà record. Si les gens se font massivement tester, ça peut casser des chaines de contamination.

Le nombre de cas ne veut absolument rien dire depuis une semaine et pendant encore au moins une semaine ou quinze jours à mon sens. Donc il ne faudra absolument pas conclure s’il y a un pic dans 2-3 jours, ce qui est possible, qu’il y a un effet Noël. La seule manière d’évaluer la situation épidémique c’est via les admissions. Elles ont à peu près 15 jours de retard sur l’activité épidémie. Il y a un angle mort de quinze jours et on ne sait pas ce qui se passe depuis la mi-décembre. Cela complexifie encore plus la tâche de prédiction de l’effet de Noël. 

Le réseau Aubépine qui analyse les eaux usées a installé dans 150 stations d’épuration des capteurs pour analyser la présence de coronavirus. Mais leur modèle n’est pas encore finalisé car ils doivent corriger des effets comme la pluie. Dans quelques rares stations en région parisienne, l’activité épidémique remonte. On peut donc penser que l’on est sur un plateau montant, avec une circulation du virus similaire à mi-septembre et fin février, mais ce ne sont que des signaux faibles d’après les eaux usées dans quelques stations. Leurs données ne permettent pas encore de dire si l’activité du virus a repris. 

Atlantico.fr : Peut-on utiliser les modélisations actuelles de trajectoire du virus, sans effet Noël, pour essayer de déterminer la situation des prochaines semaines, comme ça a finalement été le cas aux Etats-Unis ?

Guillaume Rozier : C’est complexe car on ne part pas du même point, aux Etats-Unis et au Canada on était sur une phase ascendante, au premier quart de la vague. Et les vagues se ressemblent donc il est facile de projeter. En France on est dans une situation imprévisible qui est ambiguë : un entre deux vagues, plutôt stable. C’est un état transitoire. Avec les modélisations, on peut faire différentes hypothèses selon le taux de reproduction du virus mais il faudrait un écroulement massif de ce taux pour que l’épidémie ne reprenne pas en janvier ou février. Ça me semble probable d’avoir une nouvelle vague qui débuterait entre le 15 janvier et le 15 février, mais je ne peux pas m’avancer plus.

Propos recueillis par Guilhem Dedoyard

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