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Corse : pourquoi la mafia reste particulièrement attentive aux victoires électorales des  indépendantistes
©PASCAL POCHARD-CASABIANCA / AFP

Île de beauté

La mafia corse reste très attentive à la situation politique sur l'île et regarde d'un oeil avide la montée des indépendantistes.

Jean-Michel Verne

Jean-Michel Verne

Jean-Michel Verne collabore à Paris-Match, La Tribune de Genève et a récemment publié Main basse sur Marseille… et la Corse (Nouveau Monde éditions).

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Atlantico : Quels sont les liens qui unissent aujourd'hui la mafia et les indépendantistes ou autonomistes ?

Jean-Michel Verne : Ce qu'on peut dire aujourd'hui, c'est que l'action de la JIRS, la juridiction interrégionale spécialisée de Marseille, qui est chargée de lutter contre le crime organisé a pris en main les affaires corses entre 2004 et 2006. Et, force est de le constater, de nombreux chefs de clans mafieux sont aujourd'hui sous les verrous. Historiquement en Corse, vous avez la Brise de Mer, du nom du bar où se rassemblait ce groupe dans les années 90, qui avait longtemps bénéficier de "passe droits judiciaires" si j'ose dire, et qui a été victime d'une opération mani pulite en son sein même. Cela a entraîné l'assassinat des principaux chefs. Puis vous avez eu le clan Federici, dit des Bergers-braqueurs, dont les principaux chefs sont en prison. Et il y a le "Petit bar", la troisième grande composante connue, qui est à Ajaccio, qui est aussi derrière les barreaux. Tout cela fait que le milieu est affaibli.

La question qui se pose aujourd'hui est celle effectivement des relations entre la mafia et les nationalistes. On peut considérer que les mafias se sont peut-être mises en sommeil en attendant de voir ce qui allait se passer avec justement cette mutation nationaliste. Ils se demandent si eux-mêmes vont profiter du gâteau qui semble se présenter à eux. Aujourd'hui, nous avons donc à faire à une période d'incertitude pendant laquelle les nationalistes vont d'une certaine façon bénéficier d'un appui tacite des systèmes mafieux. On va voir comment les choses vont se régler : on est cependant dans une période d'incertitude et étrangement de silence des mafieux. D'ailleurs, à ma connaissance, le dernier assassinat est celui d'un entrepreneur corse tué sur son tractopelle. C'est une petite entreprise et rien ne prouve aujourd'hui qu'il s'agit d'une affaire mafieuse. 

Quels sont les intérêts de la mafia dans une victoire des autonomistes et dans la potentielle autonomie à venir ?

Leur intérêt réside principalement dans la façon dont pourrait être distribués les marchés publics. Si la Corse va vers plus d'autonomie, elle ira vers plus de financements, plus de contrôle économique et plus de convoitises. C'est simple.

D'ailleurs dans le programme de Femu a Corsica, le parti de Simeoni, en le lisant rapidement, on voit ded mesures concernant le secteur du bâtiment, mais nettement moins en ce qui concerne la lutte anti-mafia...

L'intérêt est certain. Reste à définir en quoi il s'agit ou non d'une mafia. Une mafia réunit des gens venus de divers horizons : cela peut être des entrepreneurs, des politiques, des "soldats". Est-ce que cette alliance existe aujourd'hui en sous-main, c'est une question qu'on peut se poser. Et il faut se demander jusqu'à quel point une alliance avec le politique, avec les décideurs peut engendrer des convoitises. 

Pourtant, on a l'impression que tout l'objectif des nationalistes ou autonomistes ces dernières années est de montrer une certaine respectabilité, dans la continuité de la fin de la lutte armée. La mafia n'est-elle pas en quelque sorte le dernier boulet de la cause indépendantiste ?

La Corse ne se débarrassera jamais de la mafia! Il faut perdre cette illusion. La question concerne plus l'espace qu'elle compte prendre dans la nouvelle société corse. C'est ça l'inconnue.

Jusqu'à quel point le politique est-il orienté par la mafia ? S'agirait-il d'une entreprise finalement complètement guidée par le milieu ?

Non, je considère qu'il y a une vraie volonté politique. Mais attention, quand les nationalistes auront le pouvoir, il va se passer ce qu'il se passe aujourd'hui dans tous les pays du monde : certains politiques corrompus vont profiter de leur position pour donner tel marché public à telle entreprise. C'est difficilement évitable. Ceci dit, il y a des structures de contrôle de l'Etat français qui reste aux manettes de l'ordre public et qui va bien-sûr mettre son nez là-dedans. Il n'y aura pas d'"autonomie judiciaire" en plus de l'autonomie! On reste dans la République. 

Qu'en est-il des financements des réseaux internationaux corses ?

Il y a le dossier Corsafrique bien sûr qui a une influence réelle dans cette affaire. Je pense à Michel Tomi, dont l'un des proches a été grièvement blessé ce mardi 5 décembre à l'aéroport de Bastia. On sait que certains soutiennent clairement la cause politique. Mais quel jeux vont-ils jouer aujourd'hui dans cette Corse autonome, c'est une vraie question qui va se poser dans le futur. Ils espèrent en tout cas en tirer profit. En Sicile, région très autonome, la mafia a tout pris- marchés publics, formation, santé... ils sont partout. Cosa Nostra a soutenu le mouvement autonomiste sicilien. On peut envisager même procédure sur l'île mère. Même si la Collectivité territoriale n'a pas du tout autant de pouvoir que leurs équivalents en Sicile.

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