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Coronavirus : le gouvernement rattrape son retard conceptuel mais pas son retard opérationnel
©Geoffroy VAN DER HASSELT / POOL / AFP

Rétropédalage

La conférence de presse de Premier ministre et du ministre de la Santé a donné le ton : l’exécutif a enfin abandonné le confinement indifférencié. Le gouvernement vient de réaliser que les résultats ne sont pas différents d’autres pays moins ou pas confinés.

Guy-André Pelouze

Guy-André Pelouze

Guy-André Pelouze est chirurgien à Perpignan.

Passionné par les avancées extraordinaires de sa spécialité depuis un demi siècle, il est resté très attentif aux conditions d'exercice et à l'évolution du système qui conditionnent la qualité des soins.

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Enfin ils font demi-tour. L’exécutif a abandonné le confinement indifférencié; on va vers du sélectif on va mettre les porteurs du virus en quarantaine, on va différencier suivant la géographie et tout se déclinera à l’échelon local. Cela fait six semaines que les français sont tous en confinement quel que soit leur région, leur statut vis à vis du virus, leur fragilité. Le gouvernement vient de réaliser que les résultats ne sont pas différents d’autres pays moins ou pas confinés. 

La dynamique de l’épidémie est complexe

En dehors des caractéristiques intrinsèques de contagiosité du virus dont on sait qu’elles sont élevées et en l’absence de tests pour déterminer qui est porteur ce sont les rassemblements et les transports qui activent la contagion et font l’activité d’un foyer épidémique. Le confinement sans testing des personnes a simplement réduit la contamination à la famille qui partage le même domicile. L’arrêt de tous les rassemblements et la diminution drastique des transports ont cassé la transmission de manière indifférenciée c’est à dire que leur effet est réel mais limité par son caractère non sélectif. D’autre facteurs jouent un rôle. La saison, le caractère très hétérogène de l’épidémie sur le territoire, l’immunisation des personnes dans les foyers très actifs, l’observance des comportements anti-transmission dans ces zones, la disponibilité du matériel de protection et surtout le testing suivi de la quarantaine dont on sait qu’il a très peu été utilisé. Il est frappant d’observer cette diagonale des plages du Nord à Montpellier avec à l’ouest peu d’intensité épidémique et à l’est les foyers connus depuis le début qui prospèrent. Dans sa présentation le PM a habilement évité de détailler ce qui est efficace de ce qui l’est moins dans le confinement indifférencié imposé depuis le 17 mars 2020 à 12 heures. Pour autant il a tenté d’apporter des preuves de son efficacité avec des cartes de simulation (Figure N°1). Ces cartes apportent en réalité un seul élément de preuve:  un arrêt des transports et des déplacements à partir des foyers initiaux connus depuis le début a permis de limiter l’extension de l’épidémie. Mais aucunement le confinement des populations des zones non actives. Ni l’arrêt de l’activité économique hors de ces zones épidémiques. 

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Pourquoi ce demi-tour est utile pour les français ? L’intelligence collective joue un rôle important dans le comportement grégaire. 

Dans une épidémie le comportement grégaire apparaît quand les citoyens décident d'imiter les actions des uns et des autres en matière d’éloignement interpersonnel, de protection de la transmission aérienne, de l’hygiène des mains et d’autres. Conceptuellement le fait de reconnaître que le confinement indifférencié est globalement inefficace voire délétère pour ceux qui sont dans des zones non épidémiquement actives est un pas important qui appelle d’autres étapes dans la compréhension de l’épidémie sur le long terme. Car il va en effet falloir vivre avec l’épidémie en attendant des traitements. Et donc surveiller d’éventuels foyers épidémiques de résurgence et les circonscrire non par un nouveau confinement généralisé mais par des mesures ciblées et agir vite.

Les tests et la quarantaine

Pour cela les tests de portage viral sont indispensables. Mais en aval la quarantaine est indispensable c’est à dire qu’il faudra sans se lasser expliquer que la quarantaine c’est un isolement de trois semaines et non pas une circulation limitée de la personne infectée avec une autorisation “dérogatoire”. Cette faille aura coûté très cher en terme de transmission. Cette quarantaine sans surveillance de son observance (oui, il est potentiellement très dangereux d'infecter par transmission une personne âgée ou un immunodéficient par sa présence dans un magasin fut il d'alimentation ou autre, même muni de l’autorisation “dérogatoire”) est un coup d’épée dans l’eau. Avec le coût du test en plus. C’est pourquoi la logistique est d’importance.

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Le confinement sélectif des personnes fragiles est aussi à l’ordre du jour. 

Soyons explicites, alors que déjà certains veulent tirer un parti politique de la différenciation nécessaire dans les mesures de protection. La différenciation est indispensable pour être efficace. L'égalitarisme fantasmé des situations comme des individus est un mythe tenace mais dangereux. Les personnes fragiles ne doivent pas être interdites de sortir se promener dans un parc (il est curieux qu’ils soient fermés) , dans la rue, dans un jardin,  mais elles doivent éviter de fréquenter des endroits où l’éloignement interpersonnel est impossible à respecter c’est à dire tous les magasins et endroits clos, demain les transports en commun. Pour cela il est urgent de leur apporter leurs courses dans l’urgence et ensuite qu’elles se les fassent livrer. Cela peut durer longtemps c’est pourquoi cette organisation est utile à mettre en place. Il ne s’agit pas de discrimination (le mot fourre tout de ceux qui voient l’épidémie dans leur lorgnette idéologique) mais de mesures ciblées dont l’efficacité peut être mesurée.

Figure N°1: Le confinement dans sa forme française au sens de la limitation extrême des déplacements des personnes physiques n’est pas le facteur décisif de l’affaiblissement de la transmission. L’arrêt des transports des déplacements à partir des foyers de haute activité vers le reste de la France certainement car l’épidémie avait, au départ, un caractère très hétérogène.

Les moyens sont ils au rendez vous?

Le matériel est disponible il faut le produire ou l’acheter. Compte tenu de l’expérience accumulée en Europe la réponse est assez facile à paramétrer mais comme depuis le mois de janvier la question est la vitesse de l’action publique. C’est pourquoi il faut libérer les acteurs économiques de la supply chain plutôt que de vouloir faire du tout état. L’impulsion par contre peut venir de l’exécutif notamment dans un compromis d’intérêt national avec nos entreprises pour produire des tests. L’offre doit être la plus diversifiée possible pour réussir vite. La première ligne est celle des médecins généralistes, des infirmières libérales, des laboratoires d’analyse médicale. Laissons les acheter le matériel dont ils ont besoin et tester la population. Chaque fois que des préemptions ont été pratiquées elles ont aggravé la pénurie.

L’organisation et la logistique disposent de moyens immenses

L'exécutif a admis que la déclinaison et l’adaptation de la réponse à l‘épidémie devaient se faire localement. Mesures ciblées, différenciées et donc logistique sur mesure. Cette organisation est la responsabilité des administrations des collectivités. Nous avons des ressources immenses mais elles sont à l’arrêt en dehors du front office des pompiers, policiers et autres acteurs de terrain. L’autre ressource est celle des entreprises qui n’ont pas été incluses dans cette logistique ce qui est regrettable. Il faut rouvrir toutes les entreprises qui le peuvent et les inciter à s’organiser pour ce faire (donc les commerces). L’administration doit simplement contrôler que des mesures cardinales, simples et en nombre limité ont été prises par l’entreprise, l'administration ou le commerçant. Faire du lieu de travail, de commerce l’endroit le plus sûr est un objectif atteignable à court terme qui peut contribuer fortement au contrôle ciblé de l’épidémie. Ce n’est pas le cas après six semaines de confinement.


Nous sommes dans une pandémie. Elle se décline en France et l’Europe a des résultats très contrastés dans le contrôle de la Covid-19. Ce que les politiciens appellent la crise est en fait les conséquences de l’épidémie et des politiques mises en oeuvre pour y répondre. Si le virus est le même partout, ces réponses politiques sont manifestement différentes. La capacité à tirer parti des expériences des autres pays peut éviter de terribles erreurs et épargner des vies. L’exécutif est apparu plus pragmatique hier en conférence de presse, en tous cas beaucoup plus que le président qui a fixé un cap très lointain et imprécis (peut être pour le rapprocher après une réévaluation de la situation dans l’intervalle?). Ne plus parler de confinement indifférencié, de déconfinement du jour au lendemain, mais entrer dans le détail de notre vie dans la pandémie en insistant sur la responsabilité de chacun est un pas de géant. Il reste à ce gouvernement à obtenir des résultats. Et là l’incertitude reste grande.

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