"Le Coran, un texte opaque et obscur mais qui dégage une vraie force"<!-- --> | Atlantico.fr
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Du point de vue de l’islam, le Coran (« récitation ») est la « descente » des paroles divines qui ont été adressées par l’ange Gabriel au prophète Muhammad.
Du point de vue de l’islam, le Coran (« récitation ») est la « descente » des paroles divines qui ont été adressées par l’ange Gabriel au prophète Muhammad.
©Reuters

Dictée de Dieu ?

Du point de vue de l’islam, le Coran (« récitation ») est la « descente » des paroles divines qui ont été adressées par l’ange Gabriel au prophète Muhammad. Éclairage avec "L'unité cachée : Judaïsme, christianisme, islam" d'Antoine Schwarz (Extraits 1/2).

Antoine Schwarz

Antoine Schwarz

Ancien élève de l’École nationale d'administration, dirigeant de sociétés de l'audiovisuel public, magistrat honoraire à la Cour des comptes, Antoine Schwarz plaide pour un nouveau mode de travail et d'échange dans un esprit œcuménique. L'Unité cachée est l’œuvre d'une vie de recherche. Antoine Schwarz est décédé quelques jours après avoir achevé son manuscrit.

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Suivant la tradition musulmane, Muhammad aurait reçu en 610 au mont Hira, près de La Mecque, une communication de l’ange de la Révélation, Gabriel. Évoquant Gabriel, le Coran s’exprime ainsi :

C’est lui qui a fait descendre sur ton[1] cœur avec la permission de Dieu le Livre qui confirme ce qui était avant lui : Direction et bonne nouvelle pour les croyants[2]. (II, 97)

Le Coran est une Révélation du Seigneur des mondes – l’Esprit fidèle [Gabriel] est descendu avec lui sur ton cœur pour que tu sois au nombre des avertisseurs – c’est une Révélation en langue arabe claire. Ceci se trouvait déjà dans les Livres des Anciens. (XXVI, 192-196)

Du point de vue du Coran, Muhammad est pur messager, l’auteur du livre étant Dieu lui-même. Le Coran va plus loin encore en précisant que le livre ainsi transmis est « conservé au ciel » de toute éternité sur la « Tablette gardée » (LXXXV, 22).

Divers éléments de fait conduisent à mettre en cause le dogme d’une origine divine du Coran.

L’opacité du texte

Le texte du Coran dégage au premier abord une impression de confusion et d’obscurité, que renforce le classement des cent quatorze sourates[3] en ordre décroissant de longueur, ce qui n’obéit apparemment à aucune logique. Nous pouvons remarquer pourtant que les Épîtres de saint Paul sont classées dans un ordre analogue. Il est même possible de dire qu’on lit le Coran à l’envers, puisque les premiers textes – les plus longs – sont en général ceux qui ont été formés à partir des dernières révélations (à Médine).

Alfred-Louis de Prémare[4] explique l’opacité du texte original par plusieurs facteurs : langue archaïque, écriture consonantique donc sans voyelles, aléas de la graphie d’origine, mais peut-être aussi volonté des scribes. Ceux qui ont composé le texte finalement retenu auraient pu vouloir le « décontextualiser » en raison des conflits ou des schismes en cours, ce qui les aurait conduits à couper ou à remplacer des versets, provoquant le fouillis apparent du texte.

En toute hypothèse, le texte coranique regroupe des « corpus » fragmentés d’époques de rédaction et de transcription différentes. L’unité du Coran tient à son inspiration, exprimée par son style inimitable et aussi par les très nombreuses répétitions d’une sourate à l’autre et, parfois, à l’intérieur d’une même sourate. L’accès au Coran serait grandement facilité par une version condensée et réarrangée, qui serait l’équivalent de ce que fut le Diatessaron[5]des Évangiles (version abrégée) pour les premiers chrétiens. À quand la constitution d’un collectif d’universitaires pour s’y atteler ? Signalons du moins qu’il existe un index du Coran dans la collection « Folio ».

Le Coran est, comme l’indique l’origine même du mot, un texte de « récitation ». Il est constitué par une chaîne orale : transmission inspirée au Prophète[6], annoncé par le Prophète à son entourage, récitation des disciples de manière à conserver le message, récitation rituelle des fidèles.

Les traductions

Pour les fondamentalistes, l’arabe est « la langue de Dieu ». La traduction du Coran serait donc, dans son principe même, impossible. Une telle interprétation ignore que la majorité des musulmans ne sont pas arabes. En outre, les difficultés inhérentes au texte arabe expliquent que les traductions soient aussi différentes les unes des autres et, dans l’ensemble, aussi insatisfaisantes. C’est souvent en comparant plusieurs traductions que le sens apparaît.

Il existe en définitive un double paradoxe du Coran.

Premier paradoxe : ce texte qui se veut en « langue claire » est très souvent obscur. Second paradoxe : malgré ses obscurités et ses traductions hasardeuses, il dégage une force à laquelle un esprit ouvert ne peut pas être insensible et qui n’est pas sans rappeler le souffle biblique dont il est, quoi qu’on veuille, la continuité.

L’établissement du texte

La tradition musulmane[7] veut que Muhammad n’aitpas su écrire et qu’il se soit contenté de répéter les parolesque la Révélation avait fait « descendre » sur lui. Peu à peu,les compagnons recueillirent de sa bouche les paroles révéléeset les apprirent par cœur. Puis certains les notèrent parécrit sur des supports de fortune (des omoplates de chameau,par exemple). Une quinzaine d’années après la mortdu Prophète, le calife Uthman réunit une commission pourétablir un texte unique et définitif. Tout ce qui n’aurait pasété inclus dans le corpus de référence aurait alors été détruitde manière à éviter les problèmes qu’a connus le christianismeavec ses textes différents et les divergences d’interprétationqui en découlent. De ce point de vue, l’opération aparfaitement réussi[8].

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Extrait de L'Unité cachée: judaïsme, christianisme, islam, Editions François Bourin (20 avril 2012)



[1] Il s’agit ici de Muhammad.

[2] La traduction de Si Hamza Boubakeur évite toute ambiguïté : « [le message] qui confirme une [écriture] antérieure et servira de bonne direction et de bonne nouvelle aux croyants ».

[3] Il est étonnant que l’on n’ait guère remarqué, à notre connaissance, que le nombre de sourates était identique au nombre de logia de l’évangile de Thomas (114). En dehors de ce qui n’est peut-être qu’une coïncidence, notons que le Coran emprunte à Thomas l’histoire du miracle des oiseaux (III, 49).

[4]Aux origines du Coran, questions d’hier, approches d’aujourd’hui, Téraèdre, « L’islam en débats », Paris, 2004, p. 136.

[5] Du grec « un à partir de quatre ». Nom donné à la compilation des Évangiles faite par Tatien vers 170 en syriaque. Un équivalent moderne existe en français : abbé René Laurentin, Le Nouveau Diatessaron, Fayard, Paris, 2002.

[6] De nombreux versets du Coran commencent par « Dis ! » adressé par Gabriel/Allah au Prophète pour qu’il le répète aux hommes.

[7] On suit ici la présentation de Denise Masson dans l’introduction à sa traduction du Coran.

[8] En revanche, les hadith, paroles attribuées à Muhammad et servant de fondement secondaire à l’islam, ne font pas l’objet de consensus.

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