Contrôleurs aériens : les mauvaises et les bonnes raisons d'une grève<!-- --> | Atlantico.fr
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Le principal syndicat de contrôleurs aériens, le SNCTA, a décidé de se mettre en grève les 8 et 9 avril.
Le principal syndicat de contrôleurs aériens, le SNCTA, a décidé de se mettre en grève les 8 et 9 avril.
©Reuters

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Le principal syndicat de contrôleurs aériens, le SNCTA, a décidé de se mettre en grève les 8 et 9 avril, conduisant la Direction générale de l'aviation civile (DGAC) à demander aux compagnies d'annuler 40 % de leurs vols. Décryptage de leurs motivations.

Pascal Perri

Pascal Perri

Pascal Perri est économiste. Il dirige le cabinet PNC Economic, cabinet européen spécialisé dans les politiques de prix et les stratégies low cost. Il est l’auteur de  l’ouvrage "Les impôts pour les nuls" chez First Editions et de "Google, un ami qui ne vous veut pas que du bien" chez Anne Carrière.

En 2014, Pascal Perri a rendu un rapport sur l’impact social du numérique en France au ministre de l’économie.

Il est membre du talk "les grandes gueules de RMC" et consultant économique de l’agence RMC sport. Il commente régulièrement l’actualité économique dans les décodeurs de l’éco sur BFM Business.

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Atlantico : Le mouvement pourrait être reconduit les 16 et 18 avril, et du 29 avril au 2 mai. Pour les passagers qui se retrouveraient cloués au sol, pouvez-vous nous dire ce que demandent concrètement les grévistes ?

Pascal Perri : Les grévistes du syndicat majoritaire estiment que les propositions d’aménagement de leurs horaires et de leurs carrières sont floues. Le ministre de tutelle affirme que le dialogue a été engagé. Nous sommes à nouveau dans un jeu de rôles. Pendant les heures de pointe, les aiguilleurs du ciel sont soumis à des cadences de travail éprouvantes mais ils bénéficient de larges plages de récupération et de congés. Ils sont bien payés mais leur expertise est réelle. Les incidents ou les accidents sont majoritairement liés à des avaries machines ou à des erreurs humaines. Les aiguilleurs savent gérer les situations de pointe. Ils vivent toutefois sur un marché où c’est la demande qui vote. Les voyageurs veulent tous voyager dans les mêmes créneaux horaires. C’est ainsi. Le transport aérien est devenue une commodité sur le courrier européen. Il s’est beaucoup démocratisé et son marché s’est élargi. On connaît peu de marchands de jouets qui se plaindraient qu’il y ait du monde dans les magasins avant Noël !

Au regard de la réalité, leurs demandes sont-elles fondées ? (notamment sur les heures de travail en période de pointe et sur l'âge de départ à la retraite)

Le travail de contrôleur aérien est exigeant mais il n’est pas inhumain. Une fois encore, le cadre social est assez favorable. Sur l’âge de départ en retraite, le projet prévoit de le rallonger à 59 ans contre 57 actuellement. Toutes les catégories professionnelles sont appelées à faire des efforts. Celui-ci n’est pas le plus radical. Les contrôleurs aériens bénéficient d’une situation de monopole. Ils sont non substituables, à ce stade, et c’est un pouvoir économique décisif. Je regrette personnellement que le gouvernent n’ai pas été en mesure d’éviter une grève qui va d’abord pénaliser les consommateurs et les compagnies aériennes dont la situation financière est loin d‘être la plus favorable de l’écosystème aérien.

En 2013 déjà, les contrôleurs aériens faisaient grève pour protester contre les projets d'organisation d'un ciel unique européen. S'agissant d'un vaste mouvement d'harmonisation de la circulation européenne entre tous les Etats, ce mouvement de grève est-il vain ?

Sur les projets européens. Il y a deux dimensions dont une est inquiétante. 1er point : les projets de réorganisation du ciel européen entendent tenir compte non plus des frontières des Etats mais des flux de transport. C’est une bonne idée de s’adapter à l’évolution du trafic. Depuis le traité de Chicago, les Etats ont eu tendance à considérer que le ciel est aussi un territoire de souveraineté nationale. La guerre avait eu lieu dans le ciel comme sur terre. Ils se sont protégés. Cette organisation est caduque. Il faut l’amender dans un souci d’efficacité organisationnelle.

Le deuxième aspect du projet européen vise à créer un corps européen de contrôleurs. Les contrôleurs seront mobiles en application de la règle de libre circulation des personnes dans l’espace européen. Si l’enjeu est de déréglementer la profession pour importer de la main d’œuvre bon marché, il faut tout de suite crier garde. On sait ce que la déréglementation professionnelle a produit comme effets dévastateurs dans le transport routier. Protégeons le savoir faire et un certain modèle social, quitte à le faire évoluer.

Le corporatisme qui semble prévaloir chez les contrôleurs aériens se retrouve-t-il dans d'autres pays ?

Nous sommes un vieux pays. La crise radicalise les comportements. Chacun cherche à protéger son statut. Les nouveaux européens n’ont pas la même histoire. Il est logique que nos contrôleurs qui ont vécu dans un écosystème très protecteur soient inquiets. Le rôle du politique serait de les rassurer et de partager un accord d’évolution. Mais, nous avons un ministre qui est insuffisamment pro actif. La grève était prévue fin mars. Elle a été repoussée en raison de l’émotion suscitée par le crash de l’Airbus de Germanwings. On ne peut pas dire qu’elle est une surprise. De Radio France aux contrôleurs, c’est le même modèle de cogestion qui est remis en cause. Mais passer d’une époque à une autre implique qu’on ait des solutions à proposer.

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