Contrôle social et restrictions de liberté : cet héritage tragique du Covid qui nous aveugle sur la meilleure des stratégies face au dérèglement climatique<!-- --> | Atlantico.fr
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Des militants d'Extinction Rebellion lors de l'une de leurs manifestations pour alerter sur l'urgence à agir face au réchauffement climatique.
Des militants d'Extinction Rebellion lors de l'une de leurs manifestations pour alerter sur l'urgence à agir face au réchauffement climatique.
©Tobias SCHWARZ / AFP

Liberté pour les élites, communisme pour les masses

Alors que la planète compte désormais 8 milliards d’habitants, il est important de rappeler que jamais il n’y a eu si peu de pauvreté, de famines, de morts liés aux conflits ou aux catastrophes naturelles. Grâce au… développement économique.

Vincent Bénard

Vincent Bénard

Ingénieur et économiste, Vincent Bénard analyse depuis plus de 15 ans l’impact économique et sociétal des décisions publiques, pour le compte de plusieurs think tanks et partis politiques promouvant les libertés économiques et individuelles.
 
Il est l'auteur de deux ouvrages “Logement, Crise Publique” (2007) et “Foreclosure Gate, les gangs de Wall Street” (2011).
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Drieu Godefridi

Drieu Godefridi est juriste (facultés Saint-Louis-Université de Louvain), philosophe (facultés Saint-Louis-Université de Louvain) et docteur en théorie du droit (Paris IV-Sorbonne).

 
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Atlantico : Dans son émission d’anticipation pour 2050, BFM saluait hier le succès du « pass carbone ». Un sondage montre que près d’un français sur deux y serait favorable. Sommes-nous devenus, à la faveur du Covid, plus ouverts au contrôle social et aux restrictions de liberté au nom d’une juste cause ?

Vincent Bénard : Ce mouvement est bien réel. Quand on réussit à faire croire aux gens que nous sommes au bord d’une crise climatique cataclysmique, ils sont enclins à accepter des solutions extrêmes qu’ils n’accepteraient pas en temps normal. 

Le problème est que la crise qu’on leur vend n’est peut-être pas exactement la réalité. Par exemple, l’Union Européenne émet aujourd’hui 2,9 gigatonnes de CO2 chaque année. L’Asie environ huit fois plus. L’Europe a baissé ses émissions de 23% en 30 ans, quand l’Asie les a augmentées de 228%. Et cet écart va se creuser à l’avenir. La baisse des émissions se joue d’abord en Asie. 

Les pays émergents disent que leur priorité n’est pas 0,5°C en plus ou en moins, mais de permettre aux très pauvres d’avoir l’électricité ou d’être mieux protégés contre les catastrophes naturelles, grâce à de meilleures infrastructures, de meilleures maisons, etc. Tout cela demande de l’argent, donc ils privilégient le développement économique, et ils utilisent des énergies fossiles car elles sont le seul moyen pratique d’agir rapidement. Le Nigeria, l’Inde ou la Chine ont fait savoir qu’ils n'accepteront des solutions alternatives aux fossiles que quand elles leurs seront économiquement supérieures. 

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De plus, selon les données de sensibilité thermiques fournies par le  GIEC (dans son 6e rapport, synthèse pour décideurs, sous groupe 1), si l’Europe continuait de produire autant de CO2 d’ici à 2100, cela représenterait au grand maximum un dixième de degré celsius de signature thermique en plus au niveau mondial. Toutes les politiques coercitives comme un pass carbone, ou la fermeture autoritaire de secteurs entiers de l’économie, comme on le voit avec l’élevage au Pays-Bas, auront de toute façon un impact inférieur à ce dixième de degré. Et avec un progrès technologique normal, nous réduirons à peu près de moitié cette signature thermique, sans avoir à instaurer de mesures coercitives aux citoyens d’aujourd’hui ou de demain. 

Drieu Godefridi : J’ai toujours résisté à cette assimilation des dossiers COVID et climat, qui me paraissent en tous points distincts. Le COVID est un problème sanitaire ponctuel, qui a été traité, et dont la science occidentale est venue à bout. Bien sûr, on peut discuter des modalités, qui trop souvent relevaient de l’amateurisme — songeons au ‘confinement préventif’ face à Omicron décrété par le Premier ministre autoritaire des Pays-Bas, Mark Rutte, ou les incantations haineuses et menaçantes en plein Parlement canadien de Justin Trudeau ! — mais ce n’est pas mon sujet. Le ‘climat’, en revanche, plus exactement l’idéologie politique totalisante venue s’y greffer, inspire des politiques liberticides dans tous les domaines depuis trente ans et ne cesse de renchérir dans l’extrémisme de ses revendications comme de ses moyens d’action. Le COVID appartient au passé ; l’écologisme n’est malheureusement pas près de s’y retirer. L’écologisme est le totalitarisme du XXIème siècle, au moins en Occident.

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Dans notre logique actuelle de lutte contre le dérèglement climatique oublie-t-on trop souvent l’importance de l’adaptation au changement climatique et du développement économique ?

Vincent Bénard : La résilience, nous la pratiquons depuis longtemps. Car si le réchauffement climatique est nouveau, la variabilité du climat, elle, a toujours existé. Mais les événements météo défavorables sont bien moins dévastateurs aujourd’hui qu’autrefois. Ceci dit, nos vulnérabilités évoluent. Prenons l’exemple de la sécheresse de cet été: on nous a dit, “c’est la preuve du réchauffement climatique”. 

Mais en 1949, nous avons connu une sécheresse bien pire d’un point de vue hydraulique. Les records de bas débit des bassins de la Loire ou de la Garonne établis à cette époque n’ont pas été approchés cette année. Par contre, aujourd’hui nous prélevons bien plus d’eau de nos rivières qu’en 1949 (2,7 fois plus pour être exact). Changement climatique ? Non. Changement de profil de vulnérabilité, oui !

Et donc nous aurions eu peut-être plus de mal à gérer un épisode aussi dur que celui de 1949 s’il s’était à nouveau produit. Donc ce sur quoi nous devons travailler, c’est notre résilience à ce genre de sécheresse. Utiliser des ressources coûteuses pour réduire la signature thermique de l’UE de moins de 0,1°C en 2100, n’a aucune utilité, une sécheresse de type 1949, ou une tempête de type 1999, peuvent survenir à nouveau même si le climat ne change pas. Améliorer notre résilience est un meilleur usage de notre argent.

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Drieu Godefridi : En Occident et en Europe occidentale en particulier, oui, sans aucun doute. Quand l’Europe brandit la diminution de ses émissions de CO2 comme la preuve, la marque et le signe que nous allons ‘dans la bonne direction’, elle omet soigneusement de rappeler que, dans le même temps, les émissions de CO2 dans le monde ne cessent de croître. Dix pourcent : c’est la part européenne des émissions mondiales de CO2. De sorte que même si l’Europe cessait d’exister, cela ne changerait strictement rien à la croissance mondiale des émissions de CO2. Si l’Europe prend en effet le chemin de sa néantisation industrielle, des pays comme l’Inde et la Chine n’en ont cure et bâtiront autant de centrales au charbon et au gaz qu’il leur conviendra. Car ces pays savent que seul le développement économique a tiré de la misère des centaines de millions de Chinois et d’Indiens et que rien ne justifie de les y replonger. Le mépris du développement économique est un tropisme spécifiquement occidental.

Si l’on regarde les données qui existent, le développement économique n’a-t-il pas permis une réduction de différents maux : pauvreté, famines, morts liés aux conflits ou aux catastrophes naturelles, etc. ?

Vincent Bénard : C’est l’un des progrès les plus extraordinaires de l’humanité, au même titre que les chutes drastiques des famines et de la mortalité infantile. La mortalité liée aux événements météorologiques extrêmes a été divisée par 100 à population égale en 100 ans. C’est un accomplissement remarquable. Et beaucoup d’économistes notent que c’est d’autant plus vrai que les pays sont riches. Le même évènement climatique en France et au Bangladesh ne fait pas du tout les mêmes dégâts, car nous avons de meilleurs immeubles, une meilleure gestion des rivières, des secours, etc. Mais même dans les pays pauvres, le bilan des grandes catastrophes naturelles n’est plus du tout le même aujourd’hui. En Inde ou en Chine ou au Pakistan, le bilan de certaines inondations, il y a à peine un siècle, pouvait se compter en centaines de milliers, voire en millions de morts. Aujourd’hui, même si des images très impressionnantes nous parviennent pratiquement en direct, les inondations en Chine, toujours fréquentes, causent entre 500 et 3000 morts. C’est bien sûr trop, mais c’est incomparablement moins qu’auparavant. Ces pays ont amélioré leur résilience face aux événements extrêmes, grâce à leur développement économique, et veulent poursuivre cette amélioration.

Drieu Godefridi : Comme le soulignaient au XXème siècle des auteurs tels Ludwig von Mises et Friedrich Hayek, l’économie de marché a non seulement permis de nourrir décemment nos populations, elle les a littéralement engendrées. Vous qui lisez ces lignes, moi, ces militants écologistes qui saccagent des joyaux artistiques, tuent des innocents en bloquant des axes routiers, tous, nous ne serions pas nés si l’humanité en était restée à l’économie de subsistance. L’Homme a-t-il vocation à croupir dans la misère, ou embrasser les étoiles, par le moyen de ce progrès technologique qui est la manifestation la plus aboutie de son génie ?

Le meilleur outil pour la résilience, c’est le développement économique ?

Vincent Bénard : Tout à fait. Le Pakistan a de bons ingénieurs pour concevoir les moyens de lutte contre les effets des inondations, mais manque d’argent. A l’heure actuelle, le pays connaît une inondation tous les trois ans et un épisode grave tous les 20 ans. Si le réchauffement climatique réduit un peu ces intervalles, leur intérêt est que chaque événement provoque le moins de dégâts possibles: leur priorité sera donc de réduire leur vulnérabilité. Mais cela exige de l’argent. Et donc de la croissance économique. 

La croissance vaut mieux que la décroissance, selon vous, pour lutter contre les effets du réchauffement ?

Vincent Bénard : On ne peut pas réduire nos émissions plus vite que notre capacité à réduire l’intensité carbonique de l’économie (quantité de CO2 émise par unité de PIB) sauf à décroître. Mais la décroissance ne peut pas être heureuse. La croissance est la tendance naturelle des agents économiques. L’empêcher ne peut se faire sans décisions politiques autoritaires. Et la décroissance détruit des emplois qui ne seront pas remplacés. Les plus pauvres seront les premiers touchés. On a eu l’expérience d'une décroissance massive grandeur nature en Grèce, lors de la crise économique du début des années 2010. De nombreuses personnes ont basculé dans la pauvreté. Or quand la pauvreté arrive, l’environnement n’est plus la première préoccupation. Simon Kuznets, prix Nobel d’économie, a expliqué que l’effort environnement dans une société n’était soutenable qu’au-delà d’une certaine richesse, et la crise grecque a vérifié ce postulat. Les grecs ont massivement braconné leurs forêts pour se chauffer, et le pays a gelé de nombreux investissements dits “verts”. Les dégâts environnementaux seront certainement plus importants dans une société décroissante que dans une société en croissance, où la qualité de l’environnement tend à s’améliorer à partir d’un certain niveau de richesse.

Pourquoi l’adaptation est-elle si peu considérée ? Est-ce une question d’idéologie ?

Vincent Bénard : Il y a un marché électoral du catastrophisme. Pour y répondre, il faut répondre à ces arguments portés par des personnes qui savent utiliser les médias, les actions coup de poing, etc. L’inaction climatique que dénoncent les activistes, c’est en fait s’adapter, de manière lente, non spectaculaire. C’est la marche normale de l’humanité qui résout les problèmes à son rythme. Mais pour certains, mus par un vieux fantasme dirigiste, cela ne va pas assez vite. 

Derrière cela, il y a aussi des gens qui ont toujours rêvé de mettre à bas le système capitaliste, malgré ses bienfaits, et qui voient dans le combat pour le climat une manière de s’attaquer au système. Tous les activistes n’ont pas ces intentions, certains sont juste motivés par les discours catastrophistes ambiants, mais chez certains leaders politiques ou d’opinions, l’écologisme coercitif est bien perçu comme un moyen d’abattre le capitalisme.

Drieu Godefridi : Oui, vous avez parfaitement raison. Comme je le rappelle dans mon essai ‘L’écologisme, nouveau totalitarisme’, traduit dans une dizaine de langues depuis 2019, l’écologisme comme idéologie politique précède la théorie du réchauffement climatique. Le totalitarisme écologiste s’est construit sur une double prétention. La première est axiomatique et consiste à dégrader l’Homme en tant que tel. Pour des penseurs tels l’Allemand Hans Jonas ou l’Américain Paul Ehrlich, l’homme est une sorte de nuisance pour l’environnement, au sens global. Ce qu’ils nomment « Gaïa », ou ce que les Allemands nomment « Umwelt ». Par conséquent, cette nuisance, ce virus humain doit être cantonné, brimé, réduit, domestiqué — jusqu’à le ramener à la portion congrue. C’est une vision profondément antihumaniste, au sens strict, de l’Homme et de sa relation à l’environnement. La tradition occidentale préconise un équilibre entre l’homme et son environnement, tout en reconnaissant un primat ontologique à l’Homme. C’est ce primat ontologique que les écologistes récusent. Pour eux, l’homme n’est jamais qu’un primate parmi d’autres ; une figure du vivant parmi d’autres — végétaux, bactéries — sans préséance. Le primat ontologique des écologistes va à « Gaïa » — un concept panthéiste et antiscientifique qu’ils sont incapables de définir. Deuxième pilier de l’écologisme, conséquence du précédent : la volonté de contrôler et brider l’homme dans chacune de ses activités, respirer, se mouvoir, avoir des enfants, aussi vrai qu’il n’est aucune entreprise de l’homme qui ne soit « émettrice de CO2 ».

Si l’on continue dans cette voie pour l’écologie, avec les restrictions de libertés et les choix politiques promus actuellement, se dirige-t-on vers une situation où l’on observe un libéralisme pour les élites et un communisme pour les masses ?

Vincent Bénard : Toutes les actions conduisant à renchérir les prix des consommations de base, telles que nourriture, énergie, logement, nuisent d’abord aux plus pauvres. Et si la décroissance tue des emplois, leurs salaires chuteront également. La gauche dit vouloir aider les plus pauvres mais les politiques qu’elle défend actuellement vont faire augmenter le prix de toutes leurs dépenses de base, et menacer leur emploi. 

Quant à la restriction des libertés, elle touchera aussi bien les producteurs que vos choix de consommation. Le débat autour du “pass carbone” en est le symbole: si cet outil voit le jour, vos consommations seront tracées et vos dépassements sanctionnables. C’est une sorte de “crédit social” à la chinoise modifié à la sauce écologiste. Tout ça pour gagner quelques centièmes de degrés en 2100 ! Qui peut sérieusement affirmer que cela en vaut la peine ?

Drieu Godefridi : C’est une description très juste du modèle de société vers lequel tend de facto l’écologisme comme idéologie totalitaire — à l’instar des totalitarismes précédents. Le problème des écologistes en politique est qu’ils ne sont pas très populaires. Même avec le soutien massif, quasiment pavlovien, d’une fraction significative de la presse — en Belgique, 46% des journalistes votent pour les écologistes… — les écologistes belges, français ou allemands obtiennent rarement plus de 15% des voix. Cela tient moins, me semble-t-il, à la mise en avant de personnalités folkloriques volontiers délirantes telles Sandrine Rousseau, qu’au caractère odieux de l’écologisme en tant que tel. Le marxisme promettait l’abondance ; l’écologisme ne promet jamais que la misère (la ‘sobriété’). Motif par lequel les écologistes doivent composer avec d’autres forces politiques. Par ailleurs, les écologistes privilégient les cénacles internationaux, moins susceptibles de sanction démocratique directe. Quelle providence pour les écologistes, à cet égard, que l’Union européenne, qui distille leurs propositions les plus extrémistes et aveugles, sans sanction ni même réel débat démocratique.

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