Construire des bâtiments de grande hauteur dans les zones les plus tendues pourrait réduire les tensions sur le marché immobilier<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
Politique
Construire des bâtiments de grande hauteur dans les zones les plus tendues pourrait réduire les tensions sur le marché immobilier
©Reuters

Bonnes feuilles

Ce livre est le produit d'une vaste consultation menée par Jacques Attali et divers experts réunis sous la bannière "France 2022". Il propose 100 idées pour 100 jours. Un ouvrage sous forme de programme pour le futur président de la République. Extraits de "100 jours pour que la France réussisse", de Jacques Attali, aux éditions Fayard 2/2

Jacques  Attali

Jacques Attali

Jacques Attali est un économiste, écrivain et haut fonctionnaire.

Ancien conseiller de François Mitterrand puis président de la Banque européenne pour la reconstruction et le développement, il dirige actuellement PlaNet Finance et a présidé la Commission pour la libération de la croissance française. Il a publié de nombreux essais et romans.

Voir la bio »

Si rien n’est fait pour réduire la rareté, les tensions sur le marché immobilier ne sont pas près de s’atténuer : la population française croît de 300 000 personnes par an, alors que le pays ne produit, dans le même temps, que 300 000 logements. C’est insuffisant si on y ajoute les exigences de la décohabitation et de la rénovation. Pour sortir de ce cercle vicieux, il faut construire bien plus en zone tendue. L’effet serait particulièrement vertueux : sur l’emploi, sur le pouvoir d’achat (libéré de la prépondérance de la part occupée par le poste « logement »), sur la mobilité, sur l’insertion des jeunes, et sur le coût de l’étalement urbain.

Pour y parvenir, il faut permettre la construction de logements de grande hauteur dans les zones les plus tendues. Pour l’Île-de-France, la création du Grand Paris peut fournir une occasion historique de développer de nouvelles ambitions urbanistiques et de moderniser l’image de la capitale française, en lien avec les nouvelles infrastructures qui seront déployées. Même si, dans l’ensemble, la nation serait clairement gagnante d’une politique de construction en zone tendue (et donc, concrètement, d’une politique d’élévation verticale des logements), celle-ci s’opposerait aux intérêts des propriétaires en place : construire, cela fait du bruit, cela bouche la vue, fait venir de nouvelles populations et fait baisser la valeur des patrimoines… Et pourtant les propriétaires actuels n’y perdront rien puisque leur logement constitue d’abord une valeur d’échange ; par contre, les futurs propriétaires y gagneront.

Voici donc les propositions de France 2022.

– Éloigner le centre de décision de l’urbanisme de ceux qui ont intérêt à bloquer les constructions. Pour cela, transférer progressivement les décisions d’urbanisme (plan local d’urbanisme, PLU ; permis de construire) aux intercommunalités (Grand Paris, Grand Lyon, Aix-Marseille), au fur et à mesure de leur mise en place opérationnelle. Et, en attendant la gouvernance opérationnelle des intercommunalités, rendre la décision aux préfets en zone tendue, et pas seulement pour le logement social.

– Nommer dans les zones tendues des préfets à la construction.

– Moduler la dotation globale de fonctionnement (DGF) en fonction du nombre de mètres carrés de permis de construire attribués, pour favoriser les maires bâtisseurs.

– Simplifier et favoriser la transformation de bureaux en logements. Les communes pourraient être incitées à racheter des locaux de commerce pour les transformer en logement.

– Lutter contre les recours abusifs et permettre les annulations partielles, en matière d’urbanisme. Les contentieux sur les permis de construire devraient faire l’objet de procédures accélérées pour éviter les blocages.

– Changer la portée du plan local d’urbanisme (PLU) pour inciter à construire. Tout propriétaire dans une zone constructible doit avoir l’obligation de construire ou accepter d’être exproprié à la valeur ex ante (Pays-Bas, Suède) ; il doit payer les frais d’aménagement (Allemagne) et la taxe foncière réévaluée à la constructibilité maximale (Europe du Nord en général).

axe2 : faire décider des gestes urbains forts en île-de-france

– Identifier les réserves foncières dans la région parisienne. Les espaces constructibles sous-utilisés dans la première couronne représentent la superficie de Paris. Ils doivent être prioritairement mis sur le marché.

– Autoriser la construction, par les plus grands architectes mondiaux, d’immeubles de 50 mètres de haut dans Paris intra-muros, sauf là où ils pourraient nuire à l’image du Paris historique. La loi ALUR1 du 24 mars 2014 permet de passer outre l’opposition du dernier étage avec la majorité de la copropriété pour surélever les immeubles existants ; une étude de l’atelier international du Grand Paris sur douze rues a démontré un gain de 400 000 mètres carrés, soit 6 000 logements constructibles.

axe3 : redonner son sens au logement social

Le principe du logement social repose actuellement sur la réforme de 1977 qui a remplacé l’aide à la pierre par l’aide à la personne (APL). Les crédits alloués aux constructeurs de logements sociaux étaient considérablement diminués. En échange, un loyer non symbolique était demandé aux locataires. Ce loyer était modulé en fonction des revenus pour permettre une redistribution sociale. Malheureusement, le système s’est grippé, sous l’effet de trois facteurs : la montée du chômage et de la proportion de ménages très pauvres ; la montée des ruptures familiales et du nombre de familles monoparentales ; le maintien dans les lieux.

– Donner la possibilité aux instances locales de fixer les niveaux de loyer et d’APL pour tenir compte des zones tendues.

– Fixer en temps réel les loyers pour tenir compte des accidents de la vie, de la progression des revenus et de la taille actuelle du ménage de manière à augmenter la mobilité.

– Créer une bourse d’échanges et remettre à plat les modes d’attribution (quotas des administrations et du 1 % patronal).

– Ne pas autoriser ceux dont les revenus sont supérieurs au niveau fixé par la loi à résider dans un logement social.

Extrait de "100 jours pour que la France réussisse" de Jacques Attali, publié aux éditions Fayard, avril 2016. Pour acheter ce livre, cliquez ici.

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !