Conflit israélo-palestinien : petit historique des processus de paix avortés (et des responsabilités de l’échec)<!-- --> | Atlantico.fr
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La frontière entre la bande de Gaza et Israël, le 19 septembre 2023.
La frontière entre la bande de Gaza et Israël, le 19 septembre 2023.
©MAHMUD HAMS / AFP

Processus avorté

Le processus de paix israélo-palestinien n'a jamais débouché sur une solution à deux Etats.

Gil  Mihaely

Gil Mihaely

Gil Mihaely est historien et journaliste. Il est actuellement éditeur et directeur de Causeur.

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Atlantico : En 1937, les autorités arabes rejettent la Commission Peel visant à créer un Etat juif. Pourquoi cet échec ?

Gil Mihaely : À cette époque, il n’y a pas de leadership palestinien. Il faut bien comprendre que les nations en Occident sont des structures qui sont devenues possibles car tous les autres liens ont été rompus. Il n’y a plus de tribus ou de religions qui dominent. Il n’y a que des individus face à un pouvoir central. A ce moment-là, une cristallisation nationale est possible.

Dans les sociétés tribales comme la Palestine en 1937, l’identité de la tribu (ou communauté religieuse) était très forte au niveau national. Impossible d’avoir des citoyens dévoués à l’intérêt général. De plus, les grandes familles palestiniennes ont déclenché une rébellion. Le concept des nations était encore trop flou. 

Bis repetita en 1947, où les autorités arabes rejettent le plan de partition de l’ONU visant à créer un Etat juif et un Etat arabe...

Côté palestinien, c’est toujours la même chose 10 ans plus tard. Il y a une incapacité politique à se réunir et à trouver un consensus. Accepter un compromis à la majorité n’est pas encore possible. La guerre de 1948 se déclenche peu de temps après. Israël gagne et prend les territoires attribués par les Nations Unies et un petit peu plus. Les palestiniens perdent des terres puisque le reste des territoires est aussi occupé par l’Egypte et par la Jordanie. Cela va durer une vingtaine d’années. Les palestiniens acceptent l’occupation égyptienne et jordanienne. 

20 ans plus tard, en 1967 Israël remporte une nouvelle guerre contre ses voisins. Quelle est alors la situation ?

Israël gagne le Sinaï, Gaza et la Cisjordanie. Pour moi, c’est d’ailleurs la base du problème. Les territoires n’ont pas d’importance pour les palestiniens sauf quand ce sont les juifs qui les occupent. En 1964, c’est la création de l’OLP, l’Organisation de Libération de la Palestine. Tout ce que l’OLP a souhaité récupérer comme territoires, ce sont ceux qui étaient occupés par les arabes sans que les palestiniens ne les réclament. Si c’est occupé par des Egyptiens ou des Jordaniens, les Palestiniens s’en accommodent. Entre les mains des juifs, cela devient, pour eux, intolérable.

1979, un accord est trouvé avec l’Egypte...

C’est un accord qui a survécu à l’assassinat de Sadate en 1981 et la guerre au Liban en 1982. C’est une paix solide, signée entre les gouvernements et accompagnée par les Etats-Unis. 

C’était une paix en échange de territoires. Dans le deal, Israël rend le Sinaï à l’Egypte. Pour parvenir à cet accord, la condition indispensable était la défection de l’Egypte du camp soviétique. Une révolution à l'époque. Arrimée à l’Occident, l’Egypte était en situation de signer une paix avec Israël. Les Etats-Unis se sont engagés derrière à soutenir l’armée égyptienne.  Depuis 40 ans, les américains donnent à l’Egypte une aide militaire d’une valeur de 2 à 3 milliards de dollars par an. Ils sont très impliqués dans la paix entre l’Egypte et Israël.

1987, c’est la première intifada qui débouche sur les accords d’Oslo en 1993...

Les palestiniens ne savaient pas comment se positionner en l’absence de l’Union soviétique. La montée en puissance du mouvement national palestinien était liée et dépendait de la logique de la guerre froide. Sans l’URSS, sans l’Allemagne de l’Est, sans la Chine et les régimes arabe comme la Libye ou l’Irak fortement soutenus par le bloc soviétique ; les palestiniens n’auraient rien pu faire. Le leadership extérieur de l’OLP qui était essentiellement à Tunis avait la trouille de se retrouver sans partenaires stratégiques. Ils ont fini par signer. Le leadership intérieur commençait à être légitime à l’intérieur des territoires. Tout ceci a poussé les palestiniens à faire des concessions qu’ils n’étaient pas capables de faire depuis 1937. Ils ont cependant été incapables de trouver un accord final, c’est-à-dire trouver une solution pour Jérusalem et renoncer au droit au retour. Israéliens et palestiniens ont donc décidé de faire un processus plutôt qu’un accord définitif. Vivre ensemble en bon intelligence pour créer une dynamique afin de trouver les réponses auxquelles à ce moment-là, ils n’avaient pas de réponses. 

En 2000, 2005 et 2008, Israël propose un Etat palestinien sur tout Gaza, 94% de la Cisjordanie avec Jérusalem-Est pour capitale. Là encore, aucun accord n’est signé. En 2000, Yasser Arafat déclenche même la deuxième intifada après la proposition israélienne...

Camp David a été un échec alors que les Israéliens ont proposé 94% des territoires, ce qui n’était pas loin du compte. La réponse n’a pas été de continuer les négociations mais de lancer la deuxième intifada en 2000. Les palestiniens ont renversé la table pour une petite différence.

Les leaders palestiniens savent que c’est tout ou rien. Leur société ne va pas accepter 99%. Même avec une majorité pour une solution de compromis, la minorité va faire sécession et décider de continuer la lutte armée. Cette société n’est pas encore capable d’accepter un compromis pour l’intérêt général. Certains, comme le Hamas, veulent tous les territoires, pas un juif et un Etat islamiste. D’autres vont se contenter de tout ce qui était entre les mains de la Jordanie et de l’Egypte avec les droits au retour de tous les réfugiés. Tout ce qui est loin de ces deux scénarios risque de faire éclater la société palestinienne, de créer une guerre civile et de faire en sorte qu’Israël aura toujours une partie des palestiniens en lutte armée contre eux. A Gaza, il n’y a pas de vie démocratique, il n’y a pas de campagne électorale houleuse avec des élections où ensuite on passe à autre chose. Ils en sont incapables. Il y a cependant des opportunités. Des moments où des accords sont possibles. Il faut juste espérer que quand on va se retrouver à ce moment-là, il y aura des leaders capables de prendre des risques. Des gens qui seront à la hauteur des enjeux. 

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