Conférence citoyenne sur la fin de vie : et s’il était surtout urgent de ne pas oublier les soins palliatifs<!-- --> | Atlantico.fr
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Une infirmière tient la main d'un patient au service de soins palliatifs de l'hôpital d'Argenteuil.
Une infirmière tient la main d'un patient au service de soins palliatifs de l'hôpital d'Argenteuil.
©Fred DUFOUR / AFP

Promesse du chef de l'Etat

Emmanuel Macron a l'intention d'organiser une convention citoyenne sur la fin de vie. Le chef de l'Etat souhaite également faire voter une loi en 2023.

Ségolène Perruchio

Ségolène Perruchio

Ségolène Perruchio est responsable d'une équipe de soins palliatifs, vice-présidente de la SFAP et co-responsable du collège de la SFAP.

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Atlantico : Emmanuel Macron souhaite lancer une convention citoyenne sur le sujet et faire voter une loi en 2023 sur cette question, selon des informations de France Info. Qu’est-ce que vous inspire une telle annonce et l’idée d’une telle convention citoyenne sur la fin de vie ?

Ségolène Perruchio :Le gouvernement annonce une convention citoyenne sur la fin de vie, selon des informations de France Info. Emmanuel Macron aurait aussi indiqué, lors d’une cérémonie, qu’il était favorable à faire évoluer la loi en vue d’une légalisation de l’euthanasie. Je me pose la question de la sincérité de la démarche. L’idée de la convention citoyenne avait déjà été évoquée par le passé. L’interêt annoncé est de faire un débat apaisé autour de ce sujet, qui est très complexe. Si on annonce d’emblée le résultat en même temps que l’on annonce la consultation, c’est vrai que l’on se pose la question du bien-fondé de la démarche.

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Un certain nombre de politiques semblent vouloir passer au-delà de la convention et faire évoluer les choses coûte que coûte.

Nous, les acteurs des soins palliatifs, nous demandons à ce que le gouvernement soit garant que  ce débat permette d’appréhender l’intégralité et la complexité du sujet. Il faut vraiment des garanties de la part de l’exécutif que cela soit fait de manière honnête et sincère.

En tant qu’acteurs de soins palliatifs, nous demandons  que la réalité des soignants soit aussi prise en compte, si la loi devait évoluer vers une légalisation de l’euthanasie ou d’une autre forme de mort provoquée.

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Il faut que l’ensemble des acteurs concernés voir impliqués soient autour de la table ; nous accompagnons au quotidien ces patients, et avons à ce titre une expertise à partager.

Est-ce que vous craignez que d’une certaine manière le débat s’il se réouvre oublie la question des soins palliatifs et considère cela comme un acquis alors que nous en avions déjà parlé il y a quelques mois sur l’état actuel des soins palliatifs qui par certains aspects n’est malheureusement pas aussi glorieux que l’on pourrait espérer ?

Le véritable scandale en France ce n’est pas que l’on n’ait pas le droit de choisir le moment de sa mort. Le vrai scandale c’est qu’il y a encore deux tiers des patients qui nécessitent des soins palliatifs qui ne peuvent pas y accéder. Il s’agit d’une urgence absolue pour notre pays.

La grande majorité des acteurs de soins palliatifs ne participeraient pas à la mise en euvre d’une euthanasie, si on leur demandait.

Si le législateur, parce qu’il y a une demande sociétale, veut aller vers une forme de mort provoquée, il faut qu’il réfléchisse à une autre solution que la mort donnée par les soignants. Cela romprait le contrat qui lie tout soignant à son patient, qui est un contrat de non-abandon.      

L’article de France Info cite le cas de Yaël Braun-Pivet qui aurait fait un lobbying actif sur la question de l’euthanasie. Est-ce que vous en soins palliatifs vous avez eu le sentiment que la question de l’euthanasie était de plus en plus dans les débats et qu’il y avait une forme de lobbying ?

A certains moments, cette question ressort de manière plus importante au cœur des débats et au sein de la société. Des personnes ont fait le choix de défendre des convictions…

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Nous sommes complètement ouverts au débat. Mais la question est bien de savoir si nous pouvons avoir un débat apaisé. La question de la fin de vie n’est pas vraiment un sujet de plateau de télévision. Cela ne devrait pas non plus être un marqueur politique. Ce sont des sujets trop graves.

Est-ce que vous avez eu le sentiment que sur les cinq dernières années (le dernier quinquennat d’Emmanuel Macron) il y a eu dans votre branche des soins palliatifs des choses qui ont été faites véritablement ? Est-ce qu’il y a une véritable prise en compte de ces problématiques ?

Trop peu malheureusement. L’actuel plan de soins palliatifs a été annoncé en 2021 après trois ans de flou et d’absence de vision. Le dernier plan avait pris fin pour mémoire en 2018.

Les axes de travail de ce plan sont bons mais trop peu de choses ont été réalisées pour l’instant et surtout les moyens mis en place semblent tout à fait insuffisant pour mettre les soins palliatifs à la hauteur des enjeux actuels.

Il y a la question des moyens et l’application des moyens qui est aussi une vraie problématique ?

En plus du manque de moyens, il y a la crise du monde soignant. Le moment est particulièrement mal choisi pour aller modifier la loi en vue de légaliser l’euthanasie (une mort donnée par les soignants) dans un monde soignant qui est gravement en crise, déstabilisé et en quête de sens. Je ne suis pas sûr que cela soit judicieux d’aller rajouter quelque chose qui déstabiliserait encore plus la vocation des soignants aujourd’hui. Personne n’est entré dans ce monde pour donner la mort aux autres, même par compassion.

Vous pensez que cela pourrait véritablement déstabiliser la fonction de soignant ?  

Dans le monde des soins palliatifs, c’est une certitude. Nous avions fait en 2021 une consultation auprès des acteurs du monde des soins palliatifs. (La Société française de soins palliatifs fédère plus de 10.000 acteurs de soins palliatifs et 6.000 bénévoles).

Les gens avaient massivement répondu. Ils avaient exprimé qu’ils étaient tout à fait opposés à la légalisation de l’euthanasie. 40% anticipaient de démissionner de leur poste si on leur demandait de donner la mort à des patients. 30% utiliseraient leur clause de conscience.

Il y a un refus massif d’être l’acteur de cela.

Il y a la théorie et la réalité de celui qui va « donner » la mort. Donner la mort n’est pas un soin.

Le monde des soins palliatifs en particulier et le monde des soignants de manière générale ne sont-ils pas liés à une vraie vocation, à un vrai soin est apporté aux patients ?

Les soins palliatifs ont véritablement émergé en France dans les années 1980. A l’époque, des euthanasies étaient pratiquées sous l’appellation cocktail lytique. Cela était presque communément admis.

A cette période, le paternalisme médical était en vigueur. Il y avait beaucoup d’obstination déraisonnable, c’était encore l’époque de la toute-puissance de la médecine. Et quand on ne pouvait plus rien faire pour le patient, de temps en temps ils semblait aux équipes qu’il n’y avait pas d’autre choix que le cocktail lytique. Tout cela sans demander l’avis du patient. Il ne savait pas comment faire autrement.

Les soins palliatifs sont vraiment nés de ce double principe : non acharnement/ non-abandon. Admettre que la mort arrive mais ne pas abandonner. C’est constitutif des soins palliatifs. Il y a encore tellement à faire sur ces enjeux. Le jour où l’on arrivera à ne plus avoir ni acharnement, ni abandon, la question de la mort provoquée sera quasi inexistante.

Si les soins palliatifs étaient à la hauteur de ce qu’ils devraient être, peut-être que la question de l’euthanasie se poserait beaucoup moins ?  

Beaucoup moins effectivement.

La question importante à se poser c’est : quel doit être l’objectif d’une loi. Est-ce pour le bien de tous où pour réglementer l’exception ? Cela pose une vraie question sociétale. Quelle France voulons-nous ? Quelle philosophie de pays souhaitons-nous ? Voulons-nous d’un pays qui met en avant l’individualité et la décision individuelle ou plutôt la solidarité du pays et de la société envers chacun ?

Les acteurs des soins palliatifs sont donc évidemment prêts à participer à une convention citoyenne sur la fin de vie. Mais nous souhaitons des garanties pour la tenue d’un débat apaisé et que la finalité du débat ne soit pas déjà fixée à l’avance.

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