Comment votre personnalité et votre physique affectent votre carrière (et votre salaire)<!-- --> | Atlantico.fr
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L'apparence compte beaucoup dans une carrière.
L'apparence compte beaucoup dans une carrière.
©Pixabay

Dommage...

Si les économistes expliquent les différences de salaires par la productivité et les compétences des employés, le caractère, l'apparence et le charme sont pourtant tout aussi importants, si l'on en croît une récente étude américaine.

Dominic Drillon

Dominic Drillon

Dominic Drillon est Professeur en Ressources Humaines et Management au Groupe Sup de Co La Rochelle depuis 2010. Il a auparavant été responsable du Département Expérientiel et Développement Personnel entre 2010 et 2012, et directeur du centre de Recherche entre 2012 et 2014.

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Atlantico : Le caractère, la personnalité pourrait avoir un effet sur la carrière professionnelle. Des chercheurs américains ont montré par exemple que des travailleurs qui ont une personnalité agréable, empathique gagnaient moins que leurs collègues. Comment expliquer ce phénomène ?

Dominic Drillon : Oui absolument. Les Américains s’intéressent à tous ces aspects. Pour les Français tout ce qui touche à une forme de discrimination est un peu suspect, cela nous met mal à l’aise, c’est en fait une sorte de déni. Donc très rares sont les recherches sur ces sujets en France. Pourtant la réalité est là, bien observable, mesurable. Ce que les Américains ont montré, ce n’est pas uniquement la beauté car est-elle universelle ? Il s’agit plutôt de l’élégance, de l’aisance à se mouvoir, de l’assurance que peut dégager une personne, de sa sociabilité, de sa capacité à convaincre. Cela passe bien sûr par le langage, les mots mais aussi le langage du corps qui est bien souvent inconscient. Une personnalité empathique ne va pas toujours chercher à s’imposer. Il ne va pas passer son temps à se battre pour imposer son point de vue, défendre son salaire. Alors les compétences dans tout cela ? Elles sont bien relatives, leur valorisation dépendra davantage du contexte professionnel. Il y a quelques années, entre 1995-2005 des chercheurs américains avaient mis en avant les  caractéristiques de l’intelligence émotionnelle. On y retrouvait entre autres : la capacité à communiquer, l’empathie, la confiance en soi, la sociabilité, la fiabilité, l’adaptabilité, la dynamique personnelle. Ces traits de personnalité étaient présentés comme la clé de la réussite. Je pense que la personnalité est très importante dans la réussite comme dans l’échec professionnel. Mais il ne faut pas la prendre isolément, il faut lui associer l’intelligence, l’apparence aussi pourquoi pas et le contexte bien sûr. Nos recherches actuelles portent sur les HPI (haut potentiel intellectuel).

Quels sont les traits de caractère qui sont valorisés dans la culture de l'entreprise, et à l'inverse, ceux qui pourraient nuire à l'avancée ?  Et comment les managers peuvent évaluer ces caractéristiques chez leurs employés ?

La plupart des activités que nous rencontrons dans notre monde économique actuel se situent de plus en plus dans un environnement concurrentiel, de compétition. Nous sommes de plus en plus soumis à la domination de "l’économique" de l’argent, de la rentabilité. Il n’y a plus beaucoup d’activité "gratuite". Même dans les entreprises qui attirent particulièrement les jeunes diplômés, par exemple, l’industrie du luxe, les cosmétiques, la communication, les médias, … il faut être créatif, flexible, enthousiaste, engagé, résistant, toujours positif... Tous ces critères ne sont pas facilement mesurables, beaucoup sont subjectifs. La plupart des managers doivent à la fois bien sûr atteindre leurs objectifs avec les efforts de leur troupe et surveiller dans le rétroviseur toute menace qui pourrait les évincer de leur poste.

On connait des cas célèbres d'arnaqueurs qui réussissaient en jouant de leur personnalité, sans avoir la moindre compétence: peut-on durablement réussir en n'utilisant que  sa personnalité ? Et pourquoi chez ceux qui leur donnent du crédit, le cerveau occulte l'analyse raisonnée des compétences ?

Oui là encore les Américains se sont beaucoup plus intéressés que les Européens dans leurs recherches sur le "dark side", le côté obscur des comportements au travail. Toutefois sans aucune compétence s’imposer à un poste parait difficile sur le long terme. Mais effectivement, on a vu des imposteurs, des faux médecins par exemples dotés de faux diplômes difficilement détectables. Des praticiens du recrutement, des consultants, pensent que l’on peut avoir jusqu’à 70 % de CV falsifiés. Pour certains c’est juste un peu, en surface, un détail, à dose homéopathique, mais d’autres sont totalement faux. Je pense que c’est bien souvent par manque de temps, par crédulité, que l’on peut leur accorder du crédit et puis c’est un phénomène relativement nouveau à cette échelle justement induit par un accroissement de la compétition. Avant il s’agissait davantage de comportement de personnes présentant des troubles psychiques.

Le physique serait également un facteur discriminant : un homme très beau, par exemple, serait perçu comme un rival potentiel par ses collègues et donc aurait parfois des difficultés à évoluer en entreprise. Sur quels ressorts psychologiques jouent les discriminations liées au physique ?

Là encore tout dépend du milieu que l’on observe, dans le secteur industriel, c’est moins valorisé que dans le domaine du service. Plus dans les fonctions commerciales que dans les fonctions de la finance. Mais cela reste vrai dans beaucoup d’univers professionnels. Le physique au sens large, cela peut-être la beauté d’une voix, d’un regard, d’une silhouette, d’une démarche. Si la personne est perçue comme un ou une rivale, Il s’agit ni plus ni moins d’une forme de jalousie. Et là, les hommes n’ont pas la palme, c’est chez les femmes, dans les environnements largement féminin que la bataille est la plus farouche. On a parlé de la beauté mais la laideur est tout aussi discriminante, elle peut être considérée comme un handicap. Tout le monde n’a pas le talent d’un Michel Simon ou d’un Serge Gainsbourg pour compenser un physique ingrat. Sur les ressorts psychologiques, il faut voir un double phénomène : d’abord exogène, le regard que l’on porte sur l’autre et aussi endogène, le regard que l’on se porte à soi-même. Les deux peuvent se potentialiser ou s’annuler partiellement. Cela se joue autour de la confiance que l’on a ou non de soi. Cette confiance se construit très tôt dans l’enfance, se renforce ou s’altère en fonction de l’expérience de la vie. Dès l’école, la petite enfance, les enfants sont impitoyables face aux aspects physiques de leur camarades. Jean François Amadieu, sociologue et professeur à l’université de Paris-I, dans un ouvrage a réalisé des expériences dans ce sens : un visage disgracieux sur une photo de candidature est un handicap. Idem pour la photo, d’une personne en surpoids, leur chance de décrocher un entretien d’embauche est statistiquement plus faible que pour les autres. (Amadieu JF. (2002) Le Poids des apparences. Beauté, amour et gloire , Odile Jacob, Paris). Une thèse de 2007 montre également ce phénomène (Garner-Moyer H., L’impact de l’apparence physique en gestion des ressources humaines – Analyse de l’impact de la beauté sur les itinéraires professionnels, thèse de doctorat, Université Paris1, novembre 2007) : le degré de conformité à l’idéal de beauté semble primordial "même lorsqu’une apparence physique séduisante n’est pas considérée comme un attribut du poste à pourvoir. Être séduisant constitue un avantage même pour des postes en back-office qui ne rentrent pas dans la catégorie des ’’postes en relation avec l’extérieur".

En France, peut-on parler facilement de ces différences de traitement qui tiennent à des considérations psychologiques ?

Non effectivement, on pourrait presque dire que dans la recherche comme dans l’entreprise, ces sujets sont un peu tabou. J’ai également trouvé cette étude sur le site de Cadremploi.fr : On savait déjà que le sexe, le physique, les diplômes et l’origine sociale jouent sur la réussite professionnelle. Une étude nous apprend que la personnalité de sa moitié, aussi. "Pour réussir professionnellement, mieux vaut avoir un conjoint organisé. C’est ce qui ressort de l’étude publiée le 17 octobre 2014 dans la revue Psychological Science. Après avoir comparé les traits de personnalité de près de 4 500 Australiens mariés (parce que c’est la base de données la plus conséquente de couples), les chercheurs de l’université Washington de Saint Louis ont trouvé une corrélation entre le degré d’organisation d’un conjoint et l’évolution professionnelle de l’autre. Plus il ou elle s’avère "conscientious" - capable de planifier et d’être productif plutôt que désorganisé et impulsif -, plus son alter ego se satisfait de son job, décroche des promotions et obtient un salaire élevé … avoir un conjoint organisé (et qui aide aux tâches ménagères) aide à faire carrière." C’est un peu curieux, ce type d’étude on mesure la différence avec les études en France.

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