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Comment Valéry Giscard d'Estaing a été informé en 1980 du premier attentat à la bombe qui ait frappé Paris depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale
©Capture d'écran

Bonnes feuilles

Le secrétaire général de la présidence de la République, personnage essentiel, est perçu comme un obscur technocrate. Ce livre offre une visite privée des coulisses de l’Élysée, avec des guides tels qu’Édouard Balladur, Hubert Védrine ou Claude Guéant. Ils racontent le pouvoir présidentiel dans son quotidien, tel que le public ne le voit jamais. Extrait de "Dans l'ombre des présidents" de César Armand et Romain Bongibault, aux éditions Fayard 1/2

César Armand

César Armand

César Armand est journaliste politique.

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Romain Bongibault

Romain Bongibault

Romain Bongibault est blogueur politique.

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Le 3 octobre 1980, une bombe explose devant la synagogue parisienne de la rue Copernic, entraînant le décès de quatre personnes et en blessant quarante-six autres. Le président Giscard d’Estaing ne sort de son silence que cinq jours plus tard, de quoi laisser planer le doute sur la perception de l’attaque au sein de la présidence.

Dans le livre de Georges Valance (journaliste, auteur de VGE. Une vie, Flammarion, 2011), il est écrit que le secrétaire général a minimisé l’événement auprès du chef de l’État. En juin 2014, dans son bureau de la rue Laffite, Jacques-Henri Wahl entre dans une colère froide :

"Tous ceux qui ont écrit sur ce sujet l’ont généralement fait à partir d’informations de seconde main. Personne à ce jour n’est venu, avant d’écrire ou d’évoquer le sujet à la télévision, m’interroger alors que je suis celui qui a informé de cet attentat le président Giscard d’Estaing, absent de Paris le soir du 3 octobre 1980. C’est dire qu’il y a eu des supputations inexactes ".

"Mon plus proche adjoint à l’Élysée, qui m’était devenu hostile à la fin du septennat pour un motif imaginaire et puéril – il redoutait de mon fait une disgrâce présidentielle qui n’est jamais survenue –, a répandu des informations très éloignées de la vérité, en m’accusant d’inertie, sans rien savoir de mon entretien avec le président sur ce sujet tragique ".

"Je suis né juif, je suis resté juif, je suis un croyant sans être observant. Mon père est mort en déportation à Auschwitz en août 1942. Vingt-six membres de ma famille ont été exterminés par les nazis et leurs complices. J’ai personnellement connu la persécution et j’ai vécu dans la clandestinité de l’âge de 10 ans-et-demi à celui de 13 ans ".

"Je n’ai donc pas besoin d’un mentor, qu’il soit historien, fonctionnaire ou journaliste, pour mesurer la portée d’un attentat à la bombe, le premier en France depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, dans une synagogue pleine de fidèles un vendredi soir, attentat qui a causé quatre morts et quarante-six blessés. Et une émotion considérable dans toutes les communautés juives du monde, en particulier dans la communauté française ".

"J’ai informé le président par téléphone de cet odieux événement peu après 19 heures le 3 octobre 1980 avec tous les éléments dont je disposais; seul le nombre de victimes et son détail étaient encore inconnus ".

" Je lui ai conseillé avec une très grande insistance de revenir immédiatement sur Paris et de s’adresser aux Français par la télévision pour affirmer que cet attentat contre des juifs était un attentat contre la France elle-même et ses valeurs, qu’il ne resterait pas impuni, que la Nation tout entière était solidaire des victimes et que les pouvoirs publics empêcheraient par tous moyens la survenance d’actes de discrimination raciale et religieuse. J’étais moi-même sous le coup d’une intense émotion alors que, pour bien exercer ma fonction, je savais que je devais éviter d’être personnellement et émotionnellement impliqué. Néanmoins, je pense que le président a perçu toute la gravité de mon message. Il savait aussi que Copernic était la grande communauté juive libérale de Paris, très représentative d’un judaïsme moderne, et d’une communauté profondément intégrée dans la société française depuis près d’un siècle ".

" Le Président a souhaité prendre du recul et ne pas réagir immédiatement dans l’émotion ; un temps de réflexion lui a paru nécessaire. J’ai compris cette décision, mais j’en ai été très malheureux : ma sensibilité personnelle ne lui avait été d’aucune aide ". 

Extrait de Dans l'ombre des présidents - Au coeur du pouvoir : les secrétaires généraux de l'Élysée de César Armand et Romain Bongibault, aux éditions Fayard, mars 2016. Pour acheter ce livre cliquez ici

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