Comment Tachkent compte jouer un rôle dans la géopolitique d’Asie centrale<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
International
Des Ouzbeks marchent dans un par alors qu'ils marquent le jour de l'indépendance à Tachkent, le 1er septembre 2011
Des Ouzbeks marchent dans un par alors qu'ils marquent le jour de l'indépendance à Tachkent, le 1er septembre 2011
©STR / AFP

Ouzbékistan

Depuis la reprise de l'Afghanistan par les Talibans, Tachkent, la capitale de l'Ouzbékistan, a participé à l'aide humanitaire et cherche à jouer un rôle de potentiel médiateur de crises en Asie centrale.

Sébastien  Boussois

Sébastien Boussois

Sébastien Boussois est Docteur en sciences politiques, chercheur Moyen-Docteur en sciences politiques, chercheur Moyen-Orient relations euro-arabes/ terrorisme et radicalisation, enseignant en relations internationales, collaborateur scientifique du CECID (Université Libre de Bruxelles), de l'OMAN (UQAM Montréal) et consultant de SAVE BELGIUM (Society Against Violent Extremism). Il est l'auteur de Pays du Golfe les dessous d’une crise mondiale (Armand Colin, 2019), de Sauver la mer Morte, un enjeu pour la paix au Proche-Orient ? (Armand Colin) et Daech, la suite (éditions de l'Aube).

Voir la bio »

On en a peu parlé mais l’Ouzbékistan a récemment envoyé un train de 25 wagons d’aide humanitaire en direction de l’Afghanistan. A leur bord, des produits de première nécessité pour une population en souffrance qui affronte une grave crise humanitaire à l’approche de l’automne et de l’hiver. Le train a rejoint la ville de Hairaton, au nord du pays avec de l’alimentation, des médicaments mais également vêtements et équipements d’urgence. 

Depuis la reprise du pays par les Talibans, Tachkent cherche à jouer non seulement un rôle mais garder le contact avec le nouveau gouvernement, non seulement pour sécuriser sa frontière mais également se relancer dans la région comme potentiel médiateur de crises en Asie centrale. L’Ouzbékistan est ainsi le premier pays de la région à prendre une telle initiative à destination d’un pays exsangue qui manque de tout. 

La remise de cette aide a aussi été une occasion inédite de voir représentants ouzbeks et afghans échanger depuis le renversement de l’ancien régime en août dernier. Il faut dire que l’actualité de l’Afghanistan a été ces dernières semaines omniprésentes dans les médias et a permis de mettre en avant des acteurs puissants incontournables de l’Occident mais également du Moyen-Orient, comme le Qatar qui a non seulement permis le dialogue entre toutes les parties depuis deux ans au moins, mais également apporté son aide au rapatriement de plus de la moitié des personnels occidentaux et afghans qui devaient quitter d’urgence le territoire. On a peu parlé des acteurs d’Asie centrale, voisins de l’Afghanistan, et qui s’inquiétaient d’une potentielle déstabilisation de la région. 

À Lire Aussi

Daech au grand Sahel : l’assassinat des Français au Niger, une preuve de plus de sa résistance

L’Asie centrale est pourtant une région géostratégique unique, à la croisée de l’Europe, de la Russie, du Moyen-Orient, de l’Asie du Sud et du Sud-Est. Ses acteurs ont un rôle essentiel à jouer dans sa stabilité. Si l’Afghanistan suscite la convoitise depuis longtemps, plusieurs pays de la région cherchent à saisir leur chance après le retrait des Occidentaux et comptent bien contribuer non seulement au dialogue régional mais également à soutenir la paix. L’Ouzbékistan en fait partie. 

Depuis fin août, Tachkent avait fermé sa frontière par sécurité avec Kaboul. Mais la volonté de dialogue était là pour ne pas donner aux nouvelles autorités la possibilité de justifier la situation humanitaire à cause de l’ostracisation du pays. Mais le pays avait déjà joué un rôle déterminant dans l’évacuation de près de 2000 personnes depuis l’Afghanistan pour le compte de l’Allemagne. La capitale était même devenue le centre logistique des évacuations de réfugiés vers Berlin et Angela Merkel ne manqua pas de remercier Tachkent pour son action. Jusqu’à aujourd’hui, l’Ouzbékistan a toujours entretenu des bonnes relations avec son voisin afghan mais il ne tient pas à s’y ingérer. Il cherche à jouer ce rôle précieux de passerelle régionale, mais pourquoi pas avec les Occidentaux désormais, comme le fait le Qatar. Ce que veut faire l’Ouzbékistan, c’est user des outils politiques et diplomatiques dont il dispose pour aider en amont à stabiliser l’Afghanistan par la coopération régionale. 

Et il dispose d’un outil de poids : en effet, l’Ouzbékistan est le pays hôte du dialogue diplomatique C5+1  avec Washington. Un moyen avant tout pour les Etats-Unis de rester encore un peu dans la course et jouer encore un rôle sur le plan régional à chaque sommet des chefs d’État d’Asie centrale. Depuis trois ans, ce sommet régulier a permis de redynamiser la coopération régionale mais il faudra aller plus loin. Au-delà des relations bilatérales, le Dialogue gagnera en légitimité, en influence, en pouvoir et en crédit s’il parvient à «booster» les échanges avec le nouvel Afghanistan. 

À Lire Aussi

Covid-19 : faire payer la Chine au plus vite avant qu’il ne soit trop tard
Turkménistan, Kazakhstan, Tadjikistan, Kyrgystan et Ouzbékistan ont tout intérêt à poursuivre les échanges au plus vite et intégrer la diagonale afghane. Et Tachkent compte bien mener la danse et prendre les devants. La preuve, lors de la 76e réunion de l’Assemblée générale des Nations unies, le président ouzbek Mirziyoyev l’a rappelé à de maintes reprises : « Nous consolidons un environnement politique totalement nouveau en Asie centrale dans une logique de respect et de compréhension réciproque, de bon voisinage et dans le cadre d’un partenariat stratégique. (…) Je voudrais rappeler que l’Afghanistan a un rôle clé dans l’établissement de la paix et de la tranquillité qui ne concerne pas que notre région mais bien le monde entier. C’est pour cela que nous aidons le peuple afghan. Nous avons récemment ouvert la frontière entre nos deux pays à cet effet, mais dans cette période de grands enjeux, nous ne pouvons laisser le pays isolé. De plus, nous avions déjà proposé l’année dernière l’établissement d’un conseil permanent aux Nations unies pour l’Afghanistan ».
Sébastien Boussois

À Lire Aussi

Khodjaly, 29 ans après : et si la France rééquilibrait sa position en reconnaissant le massacre de 1992 ?

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !