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Comment nous en apprenons encore sur les mystères du Soleil en utilisant des méthodes du 17e siècle
©Capture d'écran Youtube

1-2-3 Soleil

Primordial pour la vie sur terre - de bien des manières - le soleil demeure un astre assez méconnu aujourd'hui. Néanmoins, au travers de méthodes testées et approuvées au XVIIè siècle, nos scientifiques percent peu à peu ses secrets.

Etienne Pariat

Etienne Pariat

Etienne Pariat est astrophysicien. Il travaille au CNRS depuis 2009 et est coordinateur du pôle de physique solaire du LESIA à l'Observatoire de Paris. Ancien chercheur associé au NASA Goddard Space Flight Center, Washington DC USA, il est l'auteur de plus d'une soixantaine d'articles de recherche scientifiques liées à l'activité et aux éruptions solaires. Il a par ailleurs contribué à plusieurs articles dans la revue l'Astronomie
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Atlantico : Le Soleil est une étoile connue - au moins de loin - par tous. Comment se fait-il qu'on connaisse moins bien ses propriétés que celles d'autres planètes telle que la Terre ou encore Mars ? 

Etienne Pariat : On connait déjà beaucoup de choses sur le Soleil : à l'heure actuelle on est capable par exemple, de donner la température (autour de 15 000 000 de degrés celsius) en son intérieur. Le Soleil est après la Terre, l'objet le plus observé. Mais, effectivement, les approches scientifiques sont limitées : on ne peut évidemment pas se poser sur le Soleil, ni même envoyer une sonde pour l'étudier. En vérité, l'enjeu du Soleil réside moins dans le fait qu'on le connaît moins que les autres astres ou planètes, mais surtout que l'on a plus besoin de le connaître. Mars, par exemple, n'affecte pas la vie sur Terre, tandis que le Soleil gouverne notre climat, et de plus en plus nos activités technologiques. 

Qu'est ce qui rend difficile son observation et sa compréhension ? 

Contrairement aux autres étoiles, le Soleil est très lumineux. Cette différence s'explique par la moindre distance qui le sépare de la Terre. En conséquent, lorsque l'on veut l'observer il faut prendre un certain nombre de précautions, on ne peut pas utiliser les télescopes qu'on utilise pour regarder le reste des astres : on doit pouvoir les refroidir. A cela, s'ajoute, comme je vous l'ai dit plus haut, le fait que l'on ne peut pas s'approcher de cet astre, ce qui empiète sur son observation.

Néanmoins, mine de rien, les progrès astronomiques sont encourageants. Dans les années à venir, deux projets majeurs vont surement y remédier. Le premier est européen. Intitulé Solar Orbiter, le satellite va tenter de se placer dans l'orbite du Soleil. L'objectif est de se rapprocher à un tiers de la distance Terre-Soleil. Le second est américain Solar Probe, qui lui, va tenter de plonger dans l'atmosphère du Soleil. Ce rapprochement physique s'inscrit non pas seulement dans une visée de compréhension, mais aussi dans une visée de prévoyance. On cherche non seulement à savoir dans quel état le Soleil est aujourd'hui, mais aussi dans quel état il sera demain. C'est un des défis les plus important de la discipline aujourd'hui, puisque nous vivons dans une société amenée à exploiter de plus en plus l'espace. C'est pourquoi se développe activement la discipline de "météorologie de l'espace". Sur le modèle d'une des branches de Met office - l'office météorologique britannique - la discipline est tournée vers la production de "bulletins du Soleil". A partir d'une étude des taches du Soleil, les "météorologues de l'espace", visent à prévoir le type d'éruption solaire, leur date, si la matière éjectée lors de l'éruption atteindra l'orbite solaire ou non… 

Comment expliquer qu'aujourd'hui, on ait recours - et le projet DKIST (Daniel K. Inouye Solar Telescope) en témoigne - à des méthodes anciennes telles que celle utilisée par Galilée pour comprendre en détail sa nature et ses risques ? 

Deux raisons à cette hybridité technique. Tout d'abord, Il faut savoir que principe de l'observation et de l'astronomie consiste à comprendre à partir d'un point fixe. On ne peut pas se déplacer ou faire d'expérience sur les lieux des sujets étudiés. Quand on dit "utiliser les mêmes techniques que Galilée", c'est que l'on se réfère à ce principe d'observation, munie d'un télescope.  Galilée étant, par ailleurs, non pas l'inventeur, mais un des premiers utilisateurs du télescope pour observer l'univers, et le Soleil entre autres. Mais ces instruments, inspirés du télescope du XVIIème siècle, sont aujourd'hui beaucoup plus performants, en témoigne le projet DKIST. C'est le télescope le plus complexe et technique actuellement en construction dans notre discipline.

Si l'on peut aussi faire références aux méthodes anciennes, c'est que des chercheurs et groupes de chercheurs tels que L. Svalgaard et l' "l'Antique Telescope Society" cherchent à comparer les mesures actuelles avec les mesures anciennes. Le Soleil étant un astre actif, il peut, précisément, impacter notre vie. Et pour percer son fonctionnement et être capable de prévoir ses activités, rien de mieux que d'avoir des éléments de comparaisons étendus dans le temps. Le problème est que les instruments d'antan n'étaient pas aussi développées que les nôtres, perdant en sensibilité et en détails. Aussi, parce que les comparaisons entre les observations datant du XVIIIème siècle, et celles d'aujourd'hui ne peuvent se faire immédiatement, on tente de réduire les capacités de nos télescopes actuels pour observer comme les anciens observaient. Une analogie éclairante serait celle de la conversion des mesures : à l'époque on mesurait en toise, aujourd'hui on mesure en mètre. Donc il faut construire des instruments de la même façon que ce qu'on faisait il y a deux cent ans. 

Quel est l'impact de ces éruptions solaires sur notre environnement et notre quotidien ? 

L'activité des éruptions solaires est constante. Qu'elles soient petites, ou bien très violentes, les éruptions sont régulières. Plus elles sont violentes, plus rares elles se font, mais plus grand est leur impact sur notre vie. Lors d'une éruption solaire, plusieurs événements apparaissent : le Soleil émet de la lumière visible, mais aussi des ondes radio. Et ces ondes radios vont éventuellement - elles partagent les mêmes fréquences - perturber les ondes radio que l'on utilise. En novembre 2015 ainsi, les radars de télécommunication de l'espace aérien de Stockholm se sont trouvés brouillés à cause d'une éruption solaire. Le contrôle aérien lors de l'atterrissage de l'avion ne pouvant pas être assuré, l'aéroport a fermé. De la même manière, régulièrement des satellites de communication sont détruits, quand ils ne sont pas déviés, ou freinés dans leurs mouvements. Il faut savoir que l'éruption solaire est le phénomène le plus violent qui existe dans le système interplanétaire. Une explosion peut équivaloir jusqu'à un milliard de fois la puissance d'une bombe thermonucléaire la plus puissante jamais fait exploser sur Terre. Concrètement, lors d'une éruption solaire, la lumière émise change les propriétés de la très haute atmosphère terrestre freinant tantôt les satellites, ou faire changer l'orbite de certains satellites.  Or, si des satellites GPS sont touchés par ces modifications, alors cela provoque une erreur dans la communication de donnée entre le satellite et l'appareil GPS. A une petite échelle - type individuelle, faisant usage d'un téléphone mobile, les répercutions sont peu importantes. Mais elles peuvent avoir des conséquences plus graves quand elles concernent des domaines tel l'aéronautique, ou bien même le militaire. L'Observatoire de Paris collabore ainsi régulièrement avec l'armée française parce que, précisément, lors des opérations, les équipes militaires ont besoin de savoir si leur communication et leur localisation GPS ne vont pas être perturbées par le Soleil.

Propos recueillis par Victoire Barbin Perron

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