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Comment les plateformes de rencontre renversent les normes sociales et poussent au harcèlement
©JOE RAEDLE / GETTY IMAGES NORTH AMERICA / AFP

Ghosting

Une enquête de l'IFOP pour le site UFancyMe lève le voile sur les réalités peu ragoutantes du comportement des Français sur les plateformes de rencontre. "Serendipidating", "fishing", "breadcrumbing", "submarining", "ghosting"... autant de violences qui attendent les usagers au tournant.

François Kraus

François Kraus

François Kraus est Directeur des études politiques au département Opinion de l'Ifop.

 

 

 

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Retrouvez l'étude de l'IFOp pour UFancyMe dans son intégralité sur le site de l'IFOP.

Atlantico : En quoi les plate-formes de rencontre sont propices aux diverses formes de harcèlement ?

François Kraus : L'intérêt de l'enquête réalisée par l'IFOP pour UFancyMe c'est qu'elle montre ces comportements abusifs qui s'inscrivent dans une tendance plus large de la perte des visages et des formes de courtoisie les plus élémentaires ainsi que de certains filtres sociaux. C'est lié au fait que ces plate-formes sont de plus en plus faciles d'accès mais cela implique une image qui est de plus en plus associée à des outils de rencontre d'un soir purement sexuelles. On en vient à l'idée que les femmes qui sont sur ces plate-formes sont d'emblée disposées à ce genre d'échange « cash » pour ne pas dire vulgaire.

Dans les chiffres, on observe de vraies différences entre la vie réelle, et les plate-formes de rencontre sur la forme que prend ce harcèlement...

Oui, sur ces plateformes deux femmes sur trois ont déjà été victimes de violences sexistes ou sexuelles : des avances répétées ou lourdes, des envois de photos de sexe, des propositions de rétribution de rapport sexuels... C'est un terreau propice à ce type de comportement parce qu'il y a de l'anonymat et on se croît beaucoup plus permis à ce genre de choses, notamment des formes d'irrespect qu'on ne trouverait pas forcément dans la vie réelle.

Ce qu'on remarque également dans votre enquête, c'est que les hommes et les femmes sont sensiblement victimes de mêmes pratiques, par exemple se faire poser un lapin pour un rendez-vous ou victimes de "ghosting".

Ca montre que le harcèlement sexuel dont sont victimes les femmes et les comportements inappropriés s'inscrivent dans un mouvement plus large d'irrespect de la personne sur les réseaux sociaux. On le voit sur Twitter, Snapchat également. In fine, c'est dans un contexte de dégradation de la qualité des relations entre les individus dans l'espace numérique, où l'anonymat permet des choses qu'on n'oserait pas dans la vie réelle.

C'est un peu le concept de processus historique de civilisation de Norbert Elias qui explique qu'on inculque des normes, notamment de respect, dans le cadre du processus de socialisation. Ce qu'on observe depuis plusieurs années, c'est que le numérique et les espaces de rencontre virtuels nourrissent des pulsions exhibitionnistes ou voyeuristes qui n'arriveraient pas dans la vie réelle parce qu'elles sont inadmissibles socialement.

Le numérique est un espace propice aux dérapages, mais le numérique qui a vocation à la rencontre, et de plus en plus à la rencontre facile d'un soir, favorise encore plus ce genre de rencontres abusives parce qu'on se dit que si la femme est là, c'est qu'elle est attirée par la personne en face. 

Mais il y a d'autres marques de manque de courtoisie qui touchent aussi bien les hommes que les femmes. Les comportements irrespectueux ne sont pas l'apanage de la gente masculine sur les sites de rencontres.

L'illusion de l'anonymat est-elle la seule raison ?

L'anonymat favorise la chose, mais la facilité et la gratuité aussi. Sur les sites payants, où il faut remplir différents questionnaires, où on rentrerait dans une démarche proactive et en rentrant son vrai nom quelque part, on a un plus grand risque d'être éjecté de la plateforme.

C'est facile de s'inscrire sur Tinder via Facebook. L'effort est moins important et donc le risque est limité pour les gens qui se comportent de manière inappropriée. Cette facilité d'accès était une révolution mais montre une logique de consommation ou de supermarché de la rencontre. La personne en face n'est plus forcément perçue comme un individu mais comme une marchandise à utiliser de manière compulsive, pour une seule fois.

Tout renverse les normes de relation hommes/femmes que l'on peut observer dans la vie réelle. Parce qu'on considère qu'à partir du moment où l'on est là-dessus, on joue le jeu et ce jeu est plutôt dégradant pour la personne humaine en général et pour la femme en particulier.  

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