Bonnes feuilles
Comment les cabinets de consultants tentent de s’infiltrer au sein de la Cour des comptes
Matthieu Aron et Caroline Michel-Aguirre publient « Les Infiltrés. Comment les cabinets de conseil ont pris le contrôle de l'État » chez Allary Editions. Depuis vingt ans, les consultants se sont installés au cœur de l'État. Gestion de la pandémie, stratégie militaire, numérisation de nos services publics... : les cabinets de conseil, pour la plupart anglo-saxons, sont à la manœuvre dans tous les ministères. L'État a payé pour se dissoudre. Extrait 2/2.
Tenue à l’écart pour l’instant de la volonté réformatrice d’Amélie de Montchalin, la Cour des comptes n’est pas à l’abri, cependant, des «infiltrations». Les cabinets de consultants ont aussi leurs entrées au sein de cette assemblée de magistrats inamovibles dont le rôle, la vérification de la régularité des comptes publics, est défini et donc protégé par la Constitution. Un cordon sanitaire qui, visiblement, n’est aujourd’hui plus assez dissuasif. Claude Revel, l’ex-déléguée interministérielle à l’Intelligence économique, a pu le constater, lorsqu’elle est devenue membre de cette juridiction financière en juin 2015.
«Dès ma nomination, confie-t-elle, le président, Didier Migaud, m’a demandé de travailler à la transformation numérique de la Cour. Pour lancer le chantier, une réunion a été organisée avec les principaux magistrats, le secrétariat général, et des personnes que je ne connaissais pas. À la fin de la réunion, j’ai vu un essaim fondre sur moi : c’était des consultants, qui m’ont assaillie de questions : “En quoi consiste votre projet ? De quoi avez-vous besoin? Comment peut-on vous aider ?” Je peux vous dire que ce n’est pas moi qui les avais invités!» Claude Revel reste encore stupéfaite par ce débarquement de consultants : «Ils savaient très bien qui j’étais. J’ai réalisé ce jour-là que les cabinets de conseil sont tellement présents à l’intérieur de notre Administration qu’ils savent tout ce qui s’y passe ».
L’ancienne conseillère a quitté la fonction publique au bout de quelques années pour créer sa propre société. Elle n’a pas eu le temps de voir que le marché de la transformation numérique de la Cour avait finalement été confiée à… Capgemini. Un contrat d’externalisation loin d’être une exception : depuis une dizaine d’années, la Cour dépense en moyenne, avons-nous découvert, entre 200000 et 400000 euros en prestations intellectuelles par an. En 2018, le président Didier Migaud dénoncera pourtant la vacuité de certains conseils, copier-coller, dira-t-il, de données collectées dans le service public…
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