Comment la vente de Paypal a permis à Elon Musk de concrétiser ses projets révolutionnaires les plus fous<!-- --> | Atlantico.fr
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Denis Granjou publie « Elon Musk, changer le monde » chez City éditions.
Denis Granjou publie « Elon Musk, changer le monde » chez City éditions.
©JUSTIN SULLIVAN / GETTY IMAGES NORTH AMERICA / AFP

Bonnes feuilles

Denis Granjou publie « Elon Musk, changer le monde » chez City éditions. SpaceX, Tesla, PayPal... Tous ces succès sont l'oeuvre d'un seul homme : Elon Musk. Il est l'entrepreneur le plus visionnaire du siècle. Celui qui bouleverse les habitudes, anticipe les changements de société, innove en permanence et qui s'est lancé dans la conquête de l'espace en rêvant tout simplement de coloniser Mars ! Extrait 1/2.

Denis Granjou

Denis Granjou

Denis Granjou est grand reporter à RTL. Il est également auteur et a notamment publié une biographie à succès de Thomas Pesquet (City). Il vit en Gironde.

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Que faire avec 180 millions de dollars ? En 2002, Elon Musk ne se pose pas longtemps la question. Comme toujours, il a déjà préparé son futur. En l’an 2000, il a fondé dans la plus grande discrétion la société Space Exploration Technologie Corp dans un local commercial de la ville d’El Segundo, située le long de la baie de Santa Monica, en Californie, à quelques encablures de l’aéroport de Los Angeles. Il ambitionne de mettre au point un lanceur spatial qui lui permettrait de diviser par dix le coût d’une mise en orbite. Dans un premier temps, il cherche à acheter des missiles balistiques et s’adresse directement à l’industrie spatiale russe. Il se rend à Moscou pour rencontrer des ingénieurs et leur expliquer son idée, mais il repart bredouille avec l’impression que personne ne croit vraiment à sa vision des choses. Une société russe lui propose un missile pour 20 millions de dollars. Elon Musk refuse catégoriquement cette offre. Puisque personne ne veut lui vendre ce qu’il demande à un prix qu’il estime raisonnable, il va le fabriquer lui-même !

Le pactole décroché grâce à la vente de Paypal lui permet de lancer son incroyable projet : fabriquer un lanceur non seulement moins cher mais aussi réutilisable ! Lorsque la communauté spatiale est informée du projet du jeune investisseur, celui-ci se heurte au scepticisme général. Il faut dire que le domaine est réservé à deux puissances majeures depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale : les USA et la Russie. On peut ajouter à ce duo la France, véritable fer de lance de la Communauté européenne dans la conquête spatiale. Personne parmi les sommités de l’industrie spatiale n’imagine une seconde que ce singulier entrepreneur, sûr de lui et grande gueule, va effectivement révolutionner ce paysage. Il faut dire que la première photo du staff de la nouvelle start-up peut prêter à sourire. Elle a été prise dans une salle du restaurant mexicain La Fiesta à cap Canaveral, en Floride, juste à côté de la célèbre base de lancement de la Nasa. On distingue une brochette d’hommes âgés d’une trentaine d’années en jeans et tee-shirt. Au milieu d’eux, quatre mariachis en tenue traditionnelle mexicaine, pantalons noirs, chemises blanches, grandes guitares et sombreros sur la tête ; sur leur gauche, Elon Musk tenant dans ses mains des maracas qu’il agite frénétiquement en éclatant de rire. Bref. Qui peut imaginer que cette équipe est celle qui, quelques années, plus tard fera de SpaceX le nouveau numéro 1 mondial de l’espace ?

Il faut dire que si on regarde plus près ce cliché, on comprend très vite qu’Elon Musk n’a rien laissé au hasard pour constituer cette brochette de talents. D’abord, Tom Mueller. C’est un des plus grands experts mondiaux en matière de propulsion d’engins spatiaux. Cet ingénieur surdoué, de huit ans l’aîné d’Elon Musk, deviendra d’ailleurs très vite son bras droit et l’artisan essentiel de la création des futurs lanceurs de SpaceX. Parmi les autres participants, on peut noter la présence de Phil Kassouf, spécialiste en recherche et développement, ou encore d’Hans Koenigsmann, titulaire d’un doctorat en ingénierie. Ce dernier a pris sa retraite après plus de vingt ans de bons et loyaux services dans le courant de l’année 2021 et il a raconté dans une interview à une chaîne de télévision américaine ce qu’il avait ressenti en rencontrant Elon Musk au début des années 2000 : « Quand je suis arrivé à SpaceX, j’ai hérité du numéro 7 ! En effet, j’étais le septième salarié embauché par Elon. Au départ, je me suis vite rendu compte qu’il ne connaissait pas grand-chose aux fusées mais j’ai été sidéré de voir à quelle vitesse il parvenait à se mettre au niveau. C’était vraiment incroyable à vivre. Il avait aussi une vision globale et il nous entraînait dans son rythme effréné de travail où les week-ends de repos étaient rarissimes ! » Dernier personnage sur la grande photo : Chris Thompson, lui aussi un ingénieur brillant, qui va participer à l’éclosion de SpaceX même si, quinze ans plus tard, son nom alimentera une polémique sur les réseaux sociaux sans qu’il en soit responsable pour autant. En effet, un journaliste lui aurait accolé la mention de cofondateur de SpaceX dans un reportage. La réplique d’Elon Musk a été immédiate et sans fioriture : « Le fait d’être un des premiers salariés de SpaceX ne fait pas absolument de lui un cofondateur de la société que j’ai fondée le 6 mai 2002. »

Durant cette période, comme si cette nouvelle entreprise ne lui suffisait pas, Elon Musk décide de s’intéresser de très près à une start-up en laquelle il croit dur comme fer : Tesla. Elle a été créée au début de l’année 2003 et il faut à nouveau ouvrir la porte du restaurant Buck’s, à Woodside, pour se plonger dans cette naissance particulière. En effet, c’est ici que Martin Eberhard nous a raconté la genèse de Tesla avec un sourire dans la voix. Après son divorce et pour se redonner un peu le moral, Martin Eberhard décide de s’offrir une voiture de sport. Il se rend alors chez un concessionnaire d’une célèbre marque de bolides allemande mais quand il voit les prix, il fait demi-tour et change d’avis. Il réfléchit alors à une alternative : une voiture électrique. Car cet ingénieur de formation est aussi un entrepreneur imaginatif. Constate qu’aucun constructeur américain ne s’intéresse à la voiture électrique, il se dit qu’il va s’engager dans ce secteur non concurrentiel qui lui tend les bras : « Tu es complètement cinglé ! » lui rétorque son meilleur ami et associé, Marc Tarpenning, qui, pourtant, accepte de se lancer dans l’aventure avec lui.

La start-up Tesla est officiellement lancée depuis le restaurant de Jamis MacNiven qui, en passant les doigts dans sa longue barbe blanche devant l’équipe de télévision d’une chaîne américaine, se souvient de ce moment précis : « Ça s’est passé autour de la table 40 ! Tesla a été littéralement fondée chez moi car j’ai coutume de dire qu’une fondation est réelle quand l’argent touche la table ! C’est exactement ce qui s’est passé avec Martin et Marc. Elon aime dire qu’il est un fondateur mais dans ce cas, ce n’est pas lui, il n’était pas là. Il a porté Tesla au sommet mais il ne l’a pas trouvé ! J’en ai parlé chez Buck’s, où il revient de temps en temps. C’est vraiment un titan de l’industrie dont on se souviendra longtemps. »

Martin Eberhard revient sur le concept que le duo a lancé en 2003 dans une interview donnée au site d’information Temps.com en 2020 : « Nous sommes partis du principe qu’une nouvelle technologie n’est ni économique ni accessible. C’était pareil avec les TV à écran plat. Les nouvelles technologies naissent dans le segment premium, et s’imposent seulement ensuite dans la production de masse. En tant qu’ingénieur électricien, je savais comment construire une voiture qui cloue le bec à toutes les autres.

C’est pourquoi la première Tesla a été une coûteuse voiture de sport. Et ça a marché. La Tesla Roadster a bouleversé la perception de la voiture électrique dans le monde entier. En plus, nous avons recouru à des technologies qui n’avaient jamais été utilisées pour des voitures. Personne n’avait choisi de batteries lithium-ion dans ce domaine. Nous avons lancé quelque chose de durable. »

Elon Musk n’est certes pas le fondateur de Tesla mais il s’intéresse depuis quelques années à la voiture électrique. En 2000, il découvre l’étonnante Tzero, mise au point par la société américaine AC Propulsion, comme il le rappelle de vive voix dans un podcast qui raconte ses débuts dans le monde de la voiture électrique. C’est un véhicule de couleur jaune vif, avec un tableau de bord rouge écarlate et un siège baquet rouge également. Le prototype ne laisse pas Elon Musk indifférent mais la sportive, certes électrique, n’est pas du tout prête à être commercialisée. Elle présente trop d’imperfections et la sécurité à bord est loin d’être assurée. Elon Musk hésite à investir chez ce fabricant quand il entend parler de l’existence de Tesla.

Il entrevoit tout de suite le potentiel de cette start-up. Il demande à ses fondateurs de lui expliquer clairement leur projet. Ce jour-là, dans les bureaux spartiates de SpaceX, ils sont accompagnés par Ian Wright, ingénieur en charge de faire un topo technique détaillé sur la voiture électrique telle que l’imagine la start-up. Comme pour les fusées, Elon Musk a envie d’apprendre sur ce sujet qui le passionne. Puisqu’il dirige déjà SpaceX et que l’entreprise, bien que balbutiante, occupe largement ses journées, il leur propose « simplement » de s’investir dans l’ingénierie de la voiture durant son temps libre, soit vingt à trente heures par semaine. Étonnés mais séduits, les créateurs de Tesla acceptent ce deal original. Après tout, ils savent qu’ils ont devant eux Elon Musk et qu’avec lui, rien ne se fait vraiment comme avec les autres. Mais très vite un problème de leadership se pose pour diriger l’entreprise, et Elon Musk se propose au poste de président du conseil d’administration. Martin Eberhard dirige la société qu’il a cocréée. Quant à Ian Wright, il comprend qu’il n’y a pas de place pour lui et il quitte la société en 2004. Cette même année, Elon Musk décide d’investir 6,3 millions de dollars dans le capital de Tesla et devient définitivement le big boss, avec un projet d’envergure : construire de toutes pièces la GigaFactory 1 qui fabriquera des batteries lithium-ion sur 180 000 m2. Le site choisi pour cette usine qui aura la forme d’un L gigantesque, avec des murs blancs surmontés d’une spectaculaire bande rouge, se trouve à 35 kilomètres de Reno, dans le Nevada, presque au milieu du désert.

Tesla et SpaceX. Elon Musk est prêt à mener de front deux aventures industrielles qui vont définitivement le faire entrer dans la légende même si tout ne va pas se passer comme il l’avait prévu, que ce soit sur l’asphalte ou dans l’espace. Sur le plan personnel, il se prépare aussi à vivre de grands changements. Depuis son mariage avec Justine Wilson en 2000, Elon vit le parfait amour dans sa grande et belle maison. Les deux trentenaires qui figurent dans le gotha des couples riches et célèbres de la Silicon Valley font régulièrement la une des magazines people qui racontent la vie rêvée de ce couple à qui tout semble réussir. En 2002, Justine et Elon Musk vivent pourtant un drame épouvantable. Dix semaines après la naissance de leur premier enfant, Nevada Alexander, le bébé décède du syndrome de la mort subite du nourrisson. 

Extrait du livre de Denis Granjou, « Elon Musk, changer le monde », publié chez City éditions

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