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Comment la Russie a réussi à combiner guerre informatique et informationnelle
©Kirill KUDRYAVTSEV / AFP

Bonnes feuilles

Fake news, scandale Facebook-Cambridge Analytica, virus WannaCry : de la propagande djihadiste à l’ingérence électorale et de la manipulation ciblée à la cyber-attaque tous azimuts, le nouveau conflit mondial a commencé. Pour comprendre le présent et anticiper l'avenir, Jean-Louis Gergorin et Léo Isaac-Dognin publient "Cyber, la guerre permanente" aux éditions du Cerf. Extrait 1/2.

Jean-Louis Gergorin

Jean-Louis Gergorin

Ancien élève de l’École polytechnique et de l’École nationale d’administration, longtemps chef du Centre d’analyse et de prévision du Quai d’Orsay, puis vice-président en charge de la stratégie d’EADS (Airbus), Jean-Louis Gergorin exerce aujourd’hui une activité de conseil international et enseigne à l’Institut d’études politiques de Paris.

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Léo Isaac-Dognin

Léo Isaac-Dognin

Après avoir mené des études en économie, défense et affaires internationales à Sciences-Po, Cambridge et Columbia, puis s’être engagé dans la lutte contre la fraude et le crime financier, Léo Isaac-Dognin est aujourd’hui consultant en transformation numérique auprès des entreprises et des institutions publiques.

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La Russie est le premier pays à avoir délibérément combiné guerre informatique et guerre de l’information. Elle considère pourtant en avoir été la première victime. On ne peut comprendre la stratégie adoptée par la Russie vis-à-vis du numérique, ainsi que l’importance accordée à celle-ci, sans comprendre son sentiment d’encerclement et sans percevoir l’émergence des menaces cyber telle qu’elle le fut depuis Moscou.
La méfiance croissante exprimée ces dernières années par les dirigeants russes vis-à-vis de l’Occident n’est pas nouvelle. Pendant les années Eltsine, les dirigeants russes ont progressivement ressenti l’humiliation d’être sous protectorat politico-économique des États-Unis. De 1998 à 1999, la guerre du Kosovo envenime les relations entre Moscou et Washington. L’action unilatérale de l’OTAN contre la Serbie1 est vécue comme une démonstration de l’impuissance géopolitique d’une Russie devenue incapable de protéger ses alliés, et du mépris catégorique de ses intérêts. L’extension graduelle de l’OTAN à l’ensemble des membres
européens de l’ex-pacte de Varsovie – puis jusqu’aux frontières de l’État russe avec l’accession des pays baltes – est quant à elle considérée comme une menace militaire directe.

Une brève lune de miel russo-occidentale se dessine pourtant début 2000, suite à l’élection de Vladimir Pou- tine à la présidence de la Russie. Le nouveau président s’exprime en faveur d’un amarrage de la Russie à l’Europe, et apporte un soutien politique et logistique immédiat aux opérations américaines en Afghanistan après les attentats du 11 septembre 2001. Vladimir Poutine caresse alors l’espoir de voir s’enclencher un processus permet- tant à la Russie de rejoindre l’OTAN qui neutraliserait, dans les faits, l’impact de l’extension à l’Est de l’alliance atlantique.

Après des visites quasi-triomphales de Poutine dans les principaux pays occidentaux, marquées par une multiplication d’accords avec des grandes sociétés énergétiques américaines, britanniques et françaises, le président russe commence pourtant à déchanter dès 2002. L’opposition des pays de l’Est et le scepticisme des élites politico-militaires américaines conduisent le Président Bush à repousser sine die l’entrée de la Russie dans l’OTAN en offrant comme lot de consolation la création d’un forum permanent de dialogue, le Conseil OTAN Russie.

Toutefois, le grand tournant se produit en 2003 avec l’invasion américaine de l’Irak, pays dans lequel la Russie avait conservé des intérêts importants. L’opération est lancée sans tenir compte de l’opposition de trois membres permanents du Conseil de sécurité de l’ONU – la Russie, la Chine et la France – et sans aucun mandat des Nations-Unies. Lorsque le prétexte utilisé pour justifier l’invasion de l’Irak – à savoir, la présence d’armes de destruction massive  se trouve rapidement démenti par les propres investigations américaines dans le pays, une nouvelle motivation est avancée au plus haut niveau du gouvernement américain. Le 6 novembre 2003, le Président Bush proclame l’adoption « d’une nouvelle politique de promotion de la liberté » visant l’instauration de la démocratie en Irak et, à terme, dans tout le Moyen-Orient1. « Les soixante années d’accommodements de l’Occident face à l’absence de liberté au Moyen-Orient n’ont rien fait pour notre sécurité », dit-il, « car la stabilité ne saurait s’acheter au prix de la liberté. » Pour l’administration américaine, la défense de la sécurité nationale et la mise en place de régimes démocratiques ne font plus qu’un.

Extrait du livre de Jean-Louis Gergorin et Léo Isaac-Dognin, "Cyber, la guerre permanente", aux éditions du Cerf 

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