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Comment la France se shoote à la dépense publique pour éviter de traiter les problèmes
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Bonnes feuilles

Chaque enfant qui naît en France doit déjà près de 20 000 euros à la société. Un constat brutal mais réel tant les générations précédentes ont abusé des finances publiques. Extrait de "Déficits publics, La démocratie en danger" (1/2).

Alain Lambert

Alain Lambert

Alain Lambert a été ministre du Budget et de la Réforme budgétaire de 2002 à 2004. Il est actuellement président du Conseil national d'évaluation des normes.

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Tout se passe dans notre pays comme si la puissance et l’effi­cacité d’un ministre ou d’un homme politique se mesuraient à sa capacité à promettre et à garantir de nouvelles dépenses. Les Français vivent dans le mythe de la vertu intrinsèque de la dépense en général et de la dépense publique en particulier. Comme si la dépense – et en particulier la dépense publique – était le remède absolu et incontournable à tous nos maux.

Qu’un accident ou une tragédie survienne et le ministre accourt et promet de nouvelles dépenses. Une grève ou un mouvement social se déclenche. On finit par faire taire syndicats ou manifestants à grands coups de promesses de dépenses supplémentaires. Un problème structurel affleure à l’occasion d’une crise ponctuelle. L’annonce de nouvelles dépenses suffira générale­ment à étouffer l’indignation de l’opinion. Les téléspectateurs pensent que le problème a été traité, tandis que les personnes directement concernées se voient aussitôt privées de leur droit à se faire entendre.

Ceci est aussi vrai pour les politiques curatives que préventives. C’est en augmentant la dépense qu’on réussira à protéger les citoyens contre tous les risques. La dépense est la réponse à tout, elle permet d’esquiver l’effort d’une analyse lucide du problème, et le balayer d’un revers de main politique en rassu­rant l’opinion sur le fait qu’il est déjà en partie réglé. Par quels égarements de l’esprit sommes-nous parvenus à croire que tous nos problèmes sont le fait du manque de moyens de la puissance publique ? Et qu’en dépen­sant davantage, nous pourrions, comme par miracle, prévenir les risques, empêcher les catastrophes et guérir les dysfonctionnements d’un système impossible à réformer ? Pourquoi sommes-nous rassurés et aveuglés par l’annonce d’une dépense supplémentaire quand celle-ci n’est, la plupart du temps, qu’une rustine collée sur un problème que l’on refuse d’analyser,  au fond et dans sa globalité, rustines dont l’addition finit par ruiner les contribuables et faire perdre au pays sa compétitivité.

Je ne revendique pas la compétence de proposer une analyse sociologique de ce phénomène. Mais à observer attentivement l’opinion publique depuis trente ans, j’ai acquis la conviction que cette croyance forte dans les vertus universelles de la dépense conditionne l’attente de l’opinion vis-à-vis des pouvoirs publics et politiques. Et qu’elle conditionne tout autant la réponse de ces mêmes pouvoirs à ces mêmes attentes. Cyniquement, ils surfent sur la candeur publique pour s’offrir une preuve fallacieuse de leur efficacité. Mais en réa­lité ils cèdent à la démagogie et pénalisent gravement un pays économi­quement menacé.

Qui est le dindon de cette farce démocratique ? Le diri­geant qui prétend faire le bonheur du citoyen ou le citoyen contribuable qui paie la facture ou l’envoie directement à ses enfants ?

« Vous appren­drez que tout flatteur vit aux dépens de celui qui l’écoute », dit le Renard au Corbeau…

Extrait de "Déficits publics, La démocratie en danger", Alain Lambert, (Editions Armand Colin), 2013. Pour acheter ce livre, cliquez ici.

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