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Comment la France fait du nucléaire sa principale arme contre le réchauffement climatique
©PHILIPPE DESMAZES / AFP

Filière

La filière nucléaire est l'une des branches les plus critiquées malgré ses apports incontestables à l'indépendance énergétique du pays. Les critiques virulentes contiennent-elles toute de même une part de vérité au regard des retards répétés dans la construction de l'EPR de Flamanville ?

Valérie Faudon

Valérie Faudon

Valérie FAUDON est Déléguée Générale de la Société Française d’Energie Nucléaire (SFEN) et Vice-Présidente de l’European Nuclear Society (ENS).  Elle est enseignante à Sciences-Po dans le cadre de la Public School of International Affairs. Elle a été Directrice Marketing d’AREVA de 2009 à 2012, après avoir occupé différentes fonctions de direction chez HP puis Alcatel-Lucent, aux Etats-Unis et en France. Valérie est diplômée de l’Ecole Polytechnique, de l’Ecole Nationale des Ponts et Chaussées, et de l’Institut d’Etudes Politiques de Paris. Elle est aussi titulaire d’un Master of Science de l’Université de Stanford en Californie.

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Atlantico.fr : La filière nucléaire est l'une des branches les plus critiquées du mix énergétique français malgré ses apports incontestables à l'indépendance énergétique du pays, comme l'a rappelé récemment Bruno Lemaire.

Les critiques virulentes du rapport Folz étaient-elles de l'ordre de la "posture" anti-nucléaire ou recelaient-elles toute de même une part de vérité si l'on prend pour appui les retards répétés dans la construction de la tranche EPR de Flamanville ? 

Valérie Faudon : C’est Jean-Bernard Levy, le PDF d’EDF lui-même, qui avait demandé en octobre dernier, suite à la nouvelle annonce d’un retard de Flamanville, ce rapport à Jean-Martin Folz sur la construction de l’EPR de Flamanville. Il s’agissait de mettre à plat tous les aspects du projet, depuis son démarrage jusqu’à aujourd’hui, et de faire une analyse approfondie et transparente de tous les problèmes rencontrés.  Le rapport Folz a servi de base de travail pour mettre en place un plan d’actions partagé à l’intérieur de la filière qui permette à la fois de corriger les dysfonctionnements et de regagner la confiance de l’Etat, à l’heure où ce dernier va devoir prendre des décisions sur la construction de nouvelles centrales. 

Il faut rappeler que la France a voté l’objectif de la neutralité carbone en 2050 pour lutter contre le changement climatique, et que, pour atteindre cet objectif, elle aura besoin, aux côtés des renouvelables, d’un socle de production nucléaire. Le nucléaire émet très peu de gaz à effet de serre, comme les renouvelables, et il présente aussi l’avantage, à la différence de l’éolien ou du solaire, de fonctionner 24h/24 et 7j/7.  En l’absence de possibilité de stockage de l’électricité à très grande échelle, le socle nucléaire – énergie pilotable - permettra de garantir notre sécurité d’approvisionnement.  A partir des années 2035-2040, beaucoup de nos centrales atteindront 60 ans : il faut se préparer dès aujourd’hui à renouveler une partie de ces installations par la construction de centrales neuves. A défaut notre pays pourrait devoir se tourner à terme, comme le prévoit la Belgique aujourd’hui, vers des centrales à gaz qui non seulement nous obligeraient à importer plus de gaz, mais aussi augmenteraient nos émissions de gaz à effet de serre.

Quelles sont aujourd'hui les capacités du plan "Excell" pour réformer la filière en France ? Y aura -t'il un impact sur la compétitivité et par voie de conséquence sur la facture en énergie finale des consommateurs ? 

Le plan « Excell » a pour objet de corriger les dysfonctionnements identifiés dans le rapport Folz, lesquels avaient conduit aux dérapages des coûts de construction de Flamanville. Le plan est doté d’un budget spécifique de 100 millions d’euros et engage l’ensemble de la filière nucléaire dans trois axes principaux : la qualité industrielle, les compétences, et la gouvernance des grands projets.  On note par exemple que si la filière nucléaire française est exemplaire en matière de sécurité et de sûreté, elle doit progresser encore, comme l’ont fait d’autres industries, comme l’aéronautique ou l’automobile, pour se mettre aux meilleurs standards de qualité et d’organisation industrielle. Des projets sont ainsi en cours pour développer l’utilisation du numérique. 

L’objectif ultime du plan « Excell », c’est la maîtrise des coûts de construction des nouvelles centrales, une composante essentielle du coût de production futur. Il faut noter qu’il ne s’agit qu’une des composantes, un tiers environ, de la facture d’électricité des ménages, les deux autres tiers étant constitués d’une part par l’acheminement (réseaux de transport et la distribution d’électricité), et d’autre part par les taxes, lesquelles ont d’ailleurs très fortement augmenté ces dernières années. Au-delà du plan « Excell », un facteur clef pour la compétitivité du futur nucléaire est le lancement d’un vrai programme industriel cadencé, qui permette à l’ensemble de la filière de s’organiser : car plus on construit, mieux on construit. Enfin, il faut rappeler qu’on ne peut pas comparer aujourd’hui le coût d’un moyen de production disponible 24h/24, avec un moyen intermittent, sans intégrer les coûts système associés, comme les coûts de stockage par exemple.

La situation de Flamanville a-t-elle eu une incidence sur l'export de réacteurs ou sont-ce deux problématiques différentes ? 

Il faut faire la différence entre le produit EPR en lui-même et le projet de construction de Flamanville.  On sait aujourd’hui, avec le démarrage des deux premiers EPR en Chine, le premier en décembre 2018, et le second en septembre 2019, que les EPRs sont d’excellents réacteurs. Taishan 1 vient de franchir  la barre d’un an d’exploitation, sans arrêt majeur, ce qui est exceptionnel pour un réacteur qui vient de démarrer, et avec une très bonne performance de production. De la même façon, on attend en 2020 le démarrage de l’EPR en Finlande.

Le principal frein aujourd’hui de développement des nouveaux projets nucléaires, dans les pays où l’opinion est favorable, est la question du financement, qui elle-même a aussi un impact sur les coûts du projet. C’est pourquoi les discussions en cours à Bruxelles sur les futurs fonds verts sont importantes pour le nucléaire.

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