Comment la Chine est en train de gagner la guerre du lithium en Afrique<!-- --> | Atlantico.fr
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Le lithium est une ressource essentielle au fonctionnement des batteries électriques de nos voitures mais aussi au premier sous-marin chinois à l'aide du lithium.
Le lithium est une ressource essentielle au fonctionnement des batteries électriques de nos voitures mais aussi au premier sous-marin chinois à l'aide du lithium.
©Greg Baker / AFP

Avantage stratégique

La Chine sanctuarise ses investissements dans ces différentes régions du monde dans une approche à la fois bilatérale et multilatérale.

Emmanuel Lincot

Emmanuel Lincot

Professeur à l'Institut Catholique de Paris, sinologue, Emmanuel Lincot est Chercheur-associé à l'Iris. Son dernier ouvrage « Le Très Grand Jeu : l’Asie centrale face à Pékin » est publié aux éditions du Cerf.

 

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Atlantico : La Chine, très investie en Afrique, investit désormais massivement dans les mines de lithium. Comment expliquer cet attrait pour ce métal ? Fait-il partie de la stratégie de Pékin pour asseoir sa domination industrielle dans le monde ?

Emmanuel Lincot : Le lithium est une ressource essentielle au fonctionnement des batteries électriques de nos voitures mais aussi au premier sous-marin chinois à l'aide du lithium. Vous en avez en Namibie mais aussi en Amérique du sud et en Amérique centrale. D'où la nécessité pour la Chine de sanctuariser ses investissements dans ces différentes régions du monde dans une approche à la fois bilatérale et multilatérale. Cette réalité nous oblige à renforcer notre présence sur les voies de passage dont une conduit aux régions américaines convoitées par la Chine. Je veux parler de la Polynésie française qui se trouve au centre, pour ne citer qu'un exemple. La Chine essaie de maîtriser la chaîne des approvisionnements jusqu'à la réalisation du produit manufacturé. C'est une approche stratégique intelligente qui si nous n'y prenons garde pourrait se retourner contre l'Occident. De ce point de vue, l'Allemagne a fait preuve de prudence en rejetant le choix du tout électrique pour ses véhicules de demain. Au contraire de la France.


Dans quelle mesure la Chine est-elle en train d’acquérir une position dominante dans de nombreux minéraux essentiels à la transition énergétique, comme le cobalt, le lithium et les terres rares ? Quelle est la stratégie de Pékin pour asseoir sa domination dans les pays africains ? 

La possession de ces minerais est une chose. L'imposition de nouvelles normes, de nouveaux standards en matière de production de véhicules en est une autre et risque à terme de marginaliser tous les producteurs de véhicules qui n'auront pas souscrit à ces normes. En tout cas, si cette configuration se confirme, les grands perdants seront le monde rabe et l'Iran en tant que producteurs de pétrole. Les plus nantis et les plus avisés préparent déjà l'après-pétrole mais le plus grand nombre s'enfoncera dans la crise. L'Afrique n'est évidemment pas, encore une fois, le principal continent convoité. L'Asie centrale mais aussi l'arc himalayen sont riches en métaux rares et vont faire l'objet d'une âpre compétition entre les puissances.

Dans quelle mesure cette domination chinoise porte-t-elle préjudice aux industries européennes et américaines ? 

Dans les chaînes d'approvisionnement. Un cas d'école reste le refus des autorités chinoises de livrer les terres rares nécessaires à la fabrication des microprocesseurs japonais. Les Occidentaux sont parfaitement conscients du problème et d'entre tous, rappelons-le, Emmanuel Macron, qui pousse ses partenaires européens à l'autonomie stratégique. Celle-ci ne peut être envisagée sans une  stratégie de de-risking, c'est-à-dire de diversification dans les chaînes d'approvisionnement. Cette stratégie doit se développer tous azimuts y compris entre Occidentaux car la logique "campiste" selon laquelle les Occidentaux partageant les mêmes valeurs auraient nécessairement les mêmes intérêts est une pure illusion.

L’Occident peut-il encore rattraper son retard en la matière ? Les dirigeants et industriels occidentaux ont-ils conscience de ces enjeux ?

Oui, encore une fois. C'est une question de volontarisme politique et de diplomatie dans les négociations que nous devons avoir avec les Chinois d'une part et dans les stratégies que nous devons adopter dans le choix de nos restructurations industrielles. Basculer dans le tout électrique n'est pas sans risques. Il est faux de croire que ce nouveau modèle économique ne pollue pas comme il est dangereux de marginaliser le monde arabo-iranien. Comme toujours, et dans toute action humaine, la meilleure voie est celle du milieu...

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