Comment l’Europe se prémunit d’une guerre hybride venue des céréales russes<!-- --> | Atlantico.fr
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La solution de la taxation a par ailleurs été choisie pour respecter les règlements internationaux.
La solution de la taxation a par ailleurs été choisie pour respecter les règlements internationaux.
©Anatolii Stepanov / AFP

Sanctions économiques

Le Conseil de l’Europe vient de se prononcer en faveur d’une taxation telle des céréales et graines oléagineuses venant de Russie que ce marché s’arrêtera d’office. Davantage qu’une sanction par rapport au conflit en Ukraine, il s’agit surtout d’une mesure de prévention.

Ce 1er juillet 2024, cela fera largement plus de deux ans que la Russie aura dépassé les frontières de l’Ukraine, largement plus de deux ans que l’Europe aura pris position contre cette offensive militaire à grands renforts de sanctions, en particulier économiques. Mais ce sera à cette date seulement que les céréales venant de Russie ne seront plus importées en Europe... Et mieux encore, dans l’esprit, on n’est pas dans la mesure de rétorsion, mais davantage dans celle de prévention : l’Europe se dote des outils légaux, tenant compte de l’appartenance de la Russie à l’OMC (Organisation Mondiale du Commerce), pour éviter une éventuelle surabondance future de céréales sur le marché européen, propre à déstabiliser ses propres producteurs.

C’est ainsi que, techniquement, il ne s’agira pas d’une interdiction. Soyons précis : les importations de céréales, de graines oléagineuses, de granulés de pulpe de betterave, et de pois secs, de Russie comme de Biélorussie, vont être très largement taxées, alors qu’aujourd’hui elles ne le sont presque pas. Taxées au point que tout commerce deviendra, financièrement, impossible. Et cela, commente le communiqué officiel du Conseil de l’Europe, parce que « la Fédération de Russie pourrait facilement et rapidement réorienter des volumes importants de ses approvisionnements en ces produits vers l’Union européenne ». Il est ainsi précisé que si la Russie exporte aujourd’hui relativement peu, en quantité, de céréales et autres produits cités, elle pourrait profiter des tarifs douaniers très faibles accordés jusqu’à la révision qui entrera en vigueur le 1er juillet pour inonder littéralement le marché européen, compte-tenu de ses stocks connus actuels. En d’autres termes, le Conseil de l’Europe adopte ainsi une mesure préventive, d’un axe possible de guerre hybride, afin de préserver nos producteurs d’une éventuelle catastrophe à venir.

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Et pendant ce temps-là, les céréales russes circulent toujours en Europe

Certes, on peut estimer qu’une partie des bénéfices des ventes actuelles sont réinvestis dans l’effort de guerre et qu’en l’espèce l’Europe décide d’éviter d’armer la Russie contre l’Ukraine. Mais ce qui a réuni l’ensemble des pays européens autour de cette transition douanière, c’est bien d’abord de prévenir tout désordre intérieur, alors que les manifestations agricoles récentes ont été nombreuses, et douloureusement ressenties.

La solution de la taxation a par ailleurs été choisie pour respecter les règlements internationaux. Il a fallu argumenter, justifier auprès de l’OMC, puisque la Russie en est toujours membre. Pour la Biélorussie, qui elle n’en fait pas partie, les décisions ont été plus faciles à prendre. Elle profitait pourtant elle aussi de tarifications douanières favorables, auxquelles il fallait mettre un terme en même temps que celles de la Russie, afin d’éviter la tentation d’un malin transit par le pays satellite.

Des preuves que des céréales ukrainiennes sont revendues comme étant russes

Un point important dans l’argumentaire montre tout de même une forme de solidarité avec l’Ukraine. Le communiqué précise ainsi : « En outre, il existe des preuves selon lesquelles la Fédération de Russie s’approprie actuellement illégalement de grandes quantités de céréales et d’oléagineux produits dans les territoires ukrainiens qu’elle occupe illégalement et les achemine vers ses marchés d’exportation comme étant des produits prétendument russes. »

Pour autant, pas plus de précisions sur ces céréales volées. Pas de chiffrage, sans doute en raison de la difficulté à en établir un. On sait juste que ce pillage des grains existe.

Le transit vers des pays tiers pourra se poursuivre

Un autre point important concerne le transit des céréales russes et biélorusses via le sol européen pour se diriger vers des pays tiers. Sur ce sujet, le Conseil de l’Europe a choisi de ne « pas avoir d’effet négatif sur la sécurité alimentaire mondiale » (selon son communiqué) et continue à accepter le passage de grains venus de ces pays en direction d’autres continents. Hors communiqué, de source proche du dossier, on indique que l’Europe saura se doter de facultés de contrôles pour que ces céréales itinérantes ne s’arrêtent pas en Europe et ne deviennent pas un moyen détourné de déstabiliser notre marché intérieur.

En revanche, l’absence de réponse à une autre question posée à la même source laisse supposer que ces contrôles n’auront pas pour vocation de vérifier l’origine exacte des grains, qu’ils viennent de Biélorussie, de Russie... ou d’Ukraine avec un changement de drapeau.

En résumé, l’Europe protège ses intérêts devant un danger d’une forme de guerre hybride que pourrait mener la Russie sur l’alimentation à travers les céréales. Au passage, par ricochet tout autant que par solidarité, son action aide l’Ukraine, en cessant un apport de devises par les achats commerciaux. Mais s’il s’était seulement agi de soutenir l’Ukraine, ces décisions auraient pu être prises plus tôt. La conscience d’un risque majeur sur notre sol européen a été le réel déclencheur.

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