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Comment l'Etat, et donc les hommes politiques, sont devenus dépendants des marchés financiers
©STF / AFP

Bonnes Feuilles

«There is no society» : la société, ça n’existe pas. C’est en octobre 1987 que Margaret Thatcher prononce ces mots. Depuis, son message a été entendu par l’ensemble des classes dominantes occidentales. Voyage dans l'histoire du scandale de la destruction des classes moyennes, avec "No Society", le dernier livre de Christophe Guilluy, publié chez Flammarion. Extrait 2/2.

Christophe Guilluy

Christophe Guilluy

Christophe Guilluy est géographe. Il est l'auteur, avec Christophe Noyé, de "L'Atlas des nouvelles fractures sociales en France" (Autrement, 2004) et d'un essai remarqué, "Fractures françaises" (Champs-Flammarion, 2013). Il a publié en 2014 "La France périphérique" aux éditions Flammarion et en 2018 "No Society. La fin de la classe moyenne occidentale" chez Flammarion.

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L’abandon du bien commun accompagne fatalement le processus de sécession du monde d’en haut. Ne pouvant assumer politiquement cette démission, et notamment le démantèlement d’un État-providence jugé trop coûteux, les classes dominantes ont créé les conditions de leur impuissance à réguler, à protéger. Cela passe par une dépendance accrue au système bancaire et aux normes supranationales du modèle mondialisé. Peu à peu, les marges de manœuvre des pouvoirs publics et politiques se sont ainsi réduites. Cet affaiblissement progressif de la gouvernance politique et sociale permet aujourd’hui de justifier la fuite en avant économique et sociétale promue par des classes dominantes désormais irresponsables.

Créer les conditions de l’impuissance des pouvoirs publics

Depuis des décennies, la classe dominante n’a de cesse de déplorer les conséquences d’un modèle économique et sociétal qu’elle promeut par ailleurs avec constance. Elle plébiscite par exemple un modèle fondé sur la division internationale du travail qui condamne les classes populaires occidentales, mais feint de déplorer l’explosion du chômage et de la précarité. Elle abandonne sa souveraineté monétaire à la Commission européenne et aux marchés financiers mais s’inquiète aujourd’hui de l’explosion de la dette et de la dépendance des États aux banques.

Si les effets de la « loi de 1973 » font débat (entre libéraux et antilibéraux de gauche et de droite) et qu’elle n’est évidemment pas la cause unique de l’envolée de l’endettement français (les emprunts d’État existaient avant 1973), elle a néanmoins contribué à créer les conditions d’un renforcement de la dépendance aux marchés financiers. Cette loi, inspirée de la Réserve fédérale américaine, interdit à la Banque centrale de faire des avances au Trésor français, c’est-à-dire de prêter de l’argent à l’État à un taux équivalent à zéro. Obligé de financer son endettement par des emprunts aux banques privées, l’État perd alors une part essentielle de sa souveraineté. Ce mécanisme, opérationnel dans l’ensemble des pays développés, a permis à l’industrie de la finance de prendre le contrôle de l’économie, mais aussi du monde politique. La suite est connue. La dépendance à l’industrie de la finance plonge les États dans la spirale de la dette en justifiant la nécessité d’une baisse des dépenses publiques et à terme le démantèlement de l’État-providence. Protégé par son impuissance, le très rebelle François Hollande pouvait déclarer sans risque : « Mon ennemi, c’est la finance », et suggérer une hypothétique reprise en main du politique sur la banque (la fameuse promesse de la séparation entre les banques de dépôts et les banques d’affaires), il savait que cette proposition transgressive ne serait jamais suivie d’effet.

Extrait de No Society, Christophe Guilluy, Flammarion, 2018. 

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