Comment l'ADN en est venu à perdre son statut de preuve irréfutable dans les enquêtes policières<!-- --> | Atlantico.fr
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Les progrès dans le domaine de connaissance de l’ADN démontrent qu’il est impossible de dire qu’il est fiable à 100%. C’est la raison pour laquelle l’ADN ne doit pas constituer à lui seul un élément irréfutable de preuve.
Les progrès dans le domaine de connaissance de l’ADN démontrent qu’il est impossible de dire qu’il est fiable à 100%. C’est la raison pour laquelle l’ADN ne doit pas constituer à lui seul un élément irréfutable de preuve.
©wikipédia

Pas comme dans les films

L'ADN est un outil précieux pour résoudre des affaires judiciaires. En France, le système d'analyses scientifiques des preuves fonctionne, mais des risques d'erreurs peuvent survenir. L'ADN ne permet alors pas de résoudre toutes les affaires, au contraire, il arrive qu'il les relance.

David Alberto

David Alberto

David Alberto est conseiller technique auprès de SYNERGIE-OFFICIERS, en charge de la Police Judiciaire. Il est également Capitaine de police et a officié notamment pendant 8 ans à la 3ème DPJ.

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Atlantico : Différentes affaires judiciaires mettent en lumière les failles de l'ADN seule quand il s'agit de d'identifier le coupable d'un crime, comme ce fut le cas en novembre 2007 avec Amanda Knox. Sans faire de procès à ces techniques, quels sont les risques inhérents qui pèsent sur un trop gros recours à l'ADN dans le cadre d'enquêtes judiciaires ?

David Alb​ertoLe souci consisterait à ériger l’ADN en élément exclusif de preuve de la culpabilité d’un individu. Il est absolument nécessaire que le recueil et l’exploitation de l’ADN soient intégrés à un processus global d’enquête, dont les éléments mis bout à bout concourraient ensemble à forger une conviction forte.

Le risque d’un trop grand recours à l’ADN serait donc de négliger d’autres éléments (enquêtes de voisinage, constatations, recours aux caméras de surveillance, auditions…) tout aussi cruciaux à la résolution des enquêtes, et ainsi de ne plus être capable de mettre en perspective les indications apportées par l’ADN.

Face à ce constat, peut-on effectivement dire de l'ADN qu'il est fiable à 100%, comme pourraient nous le faire croire les différentes séries-télévisées, films, etc ? Quelles sont les affaires les plus connues où l'ADN a été source d'erreur ? 

Les progrès dans le domaine de connaissance de l’ADN démontrent qu’il est impossible de dire qu’il est fiable à 100%. C’est la raison pour laquelle l’ADN ne doit pas constituer à lui seul un élément irréfutable de preuve. Mais il faut reconnaitre que les probabilités d’erreur "biologiques" liées à l’ADN sont extrêmement faibles, du fait de techniques d’extractions extrêmement pointues. Le risque d’une erreur judiciaire directement liée à l’ADN pourrait davantage venir de l’éventuelle "pollution" du prélèvement, ou de sa conservation dans des conditions inadéquates. Le risque pourrait également venir de l’interprétation faite de la mise en évidence d’un ADN sur une scène de crime ou délit. Si dans une affaire de viol, une trace biologique était recueillie à proximité immédiate du lieu de commission des faits, sans pour autant qu’il puisse être établi un lien direct entre cet endroit et les circonstances du viol (une femme est violée sur le sol de la cuisine d’un restaurant, une trace biologique est retrouvée sur le plan de travail), le risque d’erreur proviendrait de la conclusion directe que la trace biologique appartient forcément à l’auteur des faits. Alors qu’il peut s’agir de faits distincts. C’est typiquement le cas où l’identification ADN doit être associée à la recherche d’autres éléments objectifs, afin de fonder une conviction fiable.

Quelles sont les différences entre une affaire où l'ADN est susceptible d'aider et une autre où l'ADN induit les chercheurs en erreur ? Comment expliquer les affaires évoquées précédemment ?

L’ADN est clairement un outil qui sert aux enquêteurs à charge et à décharge. On ne compte plus le nombre d’erreurs judiciaires qui ont été "rectifiées" par les comparaisons ADN, dont la technique est de plus en plus élaborée. Outre les enquêtes où la mise en évidence d’un ADN concourt à identifier l’auteur de faits délictuels (cas de l’ADN découvert sur des mégots de cigarettes disséminés à l’endroit où se tenait l’auteur des faits alors qu’il était filmé par une caméra de surveillance, ADN retrouvé sur le corps ou sous les ongles d’une victime…), l’ADN est également très utile pour, à contrario, discriminer un individu que des éléments factuels auraient rendu suspect. Les cas où la mise en évidence d’un ADN pourrait se révéler un "faux ami",  correspondent aux situations où de manière totalement hasardeuse un prélèvement biologique réalisé sur le lieu de commission des faits révélait le profil d’un individu connu pour des antécédents identiques, alors qu’il n’en serait pas l’auteur. La force probante de ces deux éléments combinés (ADN + individu connu pour des faits identiques) compliquerait la tâche des enquêteurs en les mettant sur une fausse piste. Un autre cas de complication serait constitué par la pollution par une personne présente aux alentours, au moment du recueil d’un prélèvement opéré sur une scène de crime ou délit. Le profil génétique mis en évidence, qui de facto ne serait pas celui de l’auteur des faits, serait vainement comparé à la base de données. L’opération pourrait durer des années, durant lesquelles les enquêteurs espéreraient obtenir une identification qui ne surviendrait jamais.

Néanmoins, au-delà des risques abordés, quelle elle l'efficacité globale de l'identification ADN ? Les erreurs évoquées constituent-elles un phénomène marginal ou, à l'inverse, quelque chose de plus récurrent ?

L’identification ADN est devenue au fil du temps une partie intégrante et essentielle du processus d’enquête. Les quelques erreurs ayant pu survenir dans l’obtention ou l’exploitation des résultats d’identification, si elles doivent être reconnues, ne doivent pas masquer l’efficacité réelle de cet outil. La conscience de l’existence d’erreurs possibles, extrêmement marginales, fonde le principe selon lequel l’identification ADN ne doit pas être considérée comme une valeur absolue. Son apport doit rester relatif. Mais couplée à d’autres éléments, elle constitue un outil fondamental, dont la portée apparaît autant utile à charge qu’à décharge.

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