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Comment Charles de Gaulle a été envoûté par Brigitte Bardot lors de sa visite à l'Elysée
©DR / Renoma Paris

Bonnes feuilles

Christine Kerdellant publie "De Gaulle et les femmes" chez Robert Laffont. Les idées fausses abondent lorsque l'on évoque les relations de Charles de Gaulle avec la gent féminine. Plus féministe qu'on ne le croit, ce président qui aimait les femmes a aussi accordé aux Françaises le droit de voter, de détenir un carnet de chèques ou de prendre la pilule. Extrait 2/2.

Christine Kerdellant

Christine Kerdellant

Christine Kerdellant est journaliste économique et directrice de la rédaction de L'Usine nouvelle. Elle a été directrice adjointe de la rédaction de L'Express et directrice de la rédaction du Figaro magazine. Elle a écrit une quinzaine d'essais et de romans : Les Cheminots, génération TGV, Critérion, 1991 ; Les Nouveaux Condottieres, Calmann-Lévy, 1992 ; Les Chroniques de l'ingénieur Norton, Belfond, 1997 ; Le Prix de l'incompétence, Denoël, 2000 ; Dix minutes après l'amour, Flammarion, 2002 ; Les Enfants-puce (avec Gabriel Grésillon), Denoël, 2003 ; Le Plus Beau Métier du monde (avec Éric Meyer), Flammarion, 2004 ; Les Ressuscités (avec Éric Meyer), Robert Laffont, 2004 ; La Porte dérobée (avec Éric Meyer), Robert Laffont, 2007 ; Dix minutes avant l'amour, Robert Laffont, 2008 ; Les Fils de Ramsès (avec Éric Meyer), J.-C. Lattès, 2010 ; J'ai bien aimé le soir aussi (avec Pierre Maurienne), Denoël, 2013 ; Alexis, ou la vie aventureuse du comte de Tocqueville, Robert Laffont, 2015 ; Ils se croyaient les meilleurs, histoire des grandes erreurs de management, Denoël, 2016 ; Dans la Google du loup, Plon, 2017.

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Brigitte Bardot ne se montrera pas aussi félonne que Jackie Kennedy. Cette grande admiratrice du général n’a pourtant partagé qu’un dîner au Château, lors de la soirée annuelle des Arts et des Lettres, le 5 décembre 1967, où elle se rend en compagnie de son mari de l’époque, Gunther Sachs. De Gaulle a d’ailleurs imposé que le carton portât le nom civil de l’actrice, c’est-à-dire « Mme Gunther Sachs » et non « Brigitte Bardot ». Ce jour-là, le chef du service de presse Pierre-Louis Blanc est harcelé de coups de fil de journalistes : va-t-elle venir ou non ? Sera-t-il possible de la photographier lorsqu’elle sera présentée au général ?

Tout le monde a conseillé à la jeune femme de venir en petite robe noire, sa crinière blonde disciplinée dans un chignon sage. Mais, la veille, elle a tenu à faire une répétition chez Georges Pompidou – c’est un ami, elle le tutoie –, et elle portait une tenue moins protocolaire. Le Premier ministre, qui connaît les goûts de celui à qui il est appelé à succéder, lui conseille de porter à nouveau cette tenue originale le lendemain : il est sûr que de Gaulle appréciera. Elle se rend donc au palais de l’Élysée en uniforme de hussard, pantalon large et veste à brandebourgs, les cheveux détachés !

La star s’avance, rayonnante, au-devant d’un de Gaulle qui apprécie autant les formes que les uniformes, surtout quand ils sont aussi bien portés. « Il nous l’a rappelé plusieurs fois en famille avec une satisfaction évidente », se souvient Philippe, qui ajoute : « sans que ma mère en parût agacée car elle trouvait même la chose plutôt amusante ». La rumeur, comme toujours, prétend le contraire : Yvonne aurait refusé d’inviter « cette chose qui se promène toute nue » et son mari le lui aurait imposé – version fort improbable.

André Malraux, ministre de la Culture, rapporte qu’en voyant apparaître Brigitte Bardot, élancée et ravissante dans sa veste de hussard, de Gaulle lui donne un coup de coude : « Veine, un soldat ! » À l’actrice, le général glisse d’un ton malicieux : « Quelle chance, madame ! Vous êtes en militaire et je suis en civil. » Ou plutôt, selon la version de l’aide de camp François Flohic, dont la mémoire est plus précise : « Madame, je suis militaire et je suis en civil. Et vous qui êtes civile, vous êtes en militaire ! » Flohic raconte que le président entraîne ensuite la jeune femme vers le buffet à travers la salle des fêtes, comme il l’a fait avec Jackie Kennedy, devant une assistance subjuguée.

« En fait, tout le monde s’était demandé comment se déroulerait ce duel singulier », se souvient Pierre-Louis Blanc, qui observait la scène avec gourmandise. Qui retiendrait le plus l’attention ? Le général rebelle ou l’actrice de cinéma ? Ils étaient à cette époque les deux Français les plus connus dans le monde. Et tellement habitués à être le pôle d’attraction de toute manifestation qu’ils honoraient de leur présence… Mais le combat annoncé n’eut pas lieu : Brigitte Bardot, fine mouche, choisit délibérément de l’esquiver. Elle se mit dans les pas du général et le suivit de groupe en groupe, marquant ainsi que dans l’échelle du vedettariat, elle se situait bien au-dessous de lui. « La star devenue petit page, l’anecdote n’a de valeur que pour nous Français… », conclut le diplomate.

Depuis ce soir-là, Brigitte Bardot a toujours regretté de ne pas avoir mieux connu « le dernier grand homme qu’ait hanté la France », comme disait Malraux. Trois ans plus tard disparaissait cette statue du Commandeur qui, malgré son impassibilité apparente et sa grandeur marmoréenne, aura, sa vie durant et de diverses façons, passionnément aimé les femmes… qui le lui auront bien rendu.

Extrait du livre de Christine Kerdellant, "De Gaulle et les femmes", publié chez Robert Laffont. 

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