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Claude Huriet : "Bernard Debré a tort de comparer la Dépakine au Mediator"
©Reuters

Mise au point

Dans son dernier ouvrage, Bernard Debré compare la Dépakine (molécule utilisée dans le traitement des crises d'épilepsie) au Mediator. Claude Huriet, professeur agrégé de médecine, a souhaité réagir et alerter sur les dangers que représente la confusion entre les scandales sanitaires et ce qui relève d'accidents ou d'incidents médicaux.

Claude Huriet

Claude Huriet

Claude Huriet est professeur agrégé de médecine et ancien sénateur.

Ancien Président de l'Institut Curie, il est membre du Comité international de Bioéthique de l'Unesco et membre honoris causa de l'Académie nationale de médecine.

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Atlantico : Dans son dernier ouvrage, Guide des 4 000 médicaments utiles, inutiles ou dangereux, Bernard Debré alerte le grand public sur les risques de la Dépakine, utilisée pour les troubles épileptiques mais aussi psychiatriques, et la compare au Mediator. Partagez-vous son analyse ? La Dépakine est-elle dangereuse ?

Claude Huriet : Bernard Debré fait une confusion qui me paraît grave. Dans le cas du Mediator, on peut parler de scandale : la justice est saisie et il y a d'ores et déjà des faits qui sont délictueux, qu'il s'agisse de malversations ou de non-respect des règles. Ce n'est absolument pas le cas de la Dépakine. Confondre comme le fait Bernard Debré scandales et drames me paraît en contradiction avec la présomption d'innocence et consiste à mettre dans le même sac des incidents ou accidents qui font préjudice à des patients et qui peuvent leur donner l'impression que le monde médical (que cela soit les médecins ou les laboratoires) est pourri.

Les dangers de la Dépakine sont connus. Bernard Debré affirme dans son livre que le risque est connu depuis 30 ans mais qu'il n'est pas assez souvent pris en compte. Ce faisant, il fait un procès contre les médecins en général. Cette ère du soupçon qui est entretenue en direction de médecins qui seraient incapables de prendre en considération un risque dans leur prescription aux patients me paraît inconvenante.

A lire, l'extrait du dernier ouvrage de Bernard Debré auquel réagit Claude Huriet : Depuis plus de 30 ans, le risque de la Dépakine est connu mais silence radio des neurologues dans cette dramatique affaire, où Irène Frachon manque cruellement

En matière de santé publique, quels risques posent selon vous ce genre de mises en garde alarmistes ?

Il existe d'autres domaines dans lesquels ces mêmes mises en garde – par exemple tout ce qui touche aux vaccins – est préjudiciable à la santé publique.

Dans le cas de la Dépakine, les patientes qui ont une épilepsie grave avec des crises sévères et répétées savent qu'elles risquent de perdre leur bébé – la mort fœtale. Jusqu'à ces dernières années, le seul médicament vraiment efficace était la Dépakine. On ne peut pas dire à des patientes qu'elles n'auraient pas dû prendre de la Dépakine alors qu'à l'époque il n'existait aucune solution alternative. Tenir de tels propos, c'est provoquer une perte de confiance et une confusion chez les patients, qui se retrouvent instrumentalisés.

Comment communiquer au mieux sur les séquelles que peut entraîner la prise de certains médicaments sans alimenter une panique irrationnelle ?

Bernard Debré ne parle pas du tout du bénéfice-risque. Dans certaines situations, l'utilisation de telle ou telle molécule pose un risque qui est connu et avéré mais aucune autre solution thérapeutique n'existe. Cela a été le cas pour la Dépakine.

La solution passe par des relations de confiance entre le médecin et le patient, et surtout par le fait d'évoquer avec le patient le bénéfice et le risque. La place du consentement est essentielle. Ce consentement doit être informé. Quand un accoucheur est face à une patiente qui présente une épilepsie grave, son rôle consiste à mesurer avec elle la gravité du risque et à présenter les inconvénients du traitement. 

Dans un dialogue de confiance et non de défiance, le médecin doit voir si la patiente accepte le risque du traitement à la Dépakine – dont on sait qu'il est de l'ordre de 40% d'incidents ou d'accidents neurologiques, ce qui n'est pas rien – et présenter le risque encore plus grand du non-traitement, à savoir la mort fœtale. Ce dialogue entre le médecin et le patient est dramatique, il nécessite d'être fait dans un climat de sérieux, de réflexion profonde. Malheureusement, les prises de position manichéennes de Bernard Debré s'inscrivent dans une logique contraire.

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