Class action : Christiane Taubira réussira-t-elle là où Chirac et Sarkozy se sont cassés les dents ? <!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
France
Class action : Christiane Taubira réussira-t-elle là où Chirac et Sarkozy se sont cassés les dents ?
©

Tous ensemble

La garde des Sceaux, Christiane Taubira a annoncé ce vendredi vouloir mettre en place les class actions. Cette procédure permet une défense groupée en justice. D'origine américaine, les class actions paraissent nécessaires aux droits du citoyen malgré l'opposition farouche du patronat et du Medef.

Jean-Marc Fedida

Jean-Marc Fedida

Jean-Marc Fedida est avocat au barreau de Paris. Egalement essayiste, il est l'auteur de Impasses de Grenelle : De la perversité écologiste (Editions Ramsay, 2008).

 

Voir la bio »

Atlantico : La garde des Sceaux, Christiane Taubira a annoncé vendredi son intention de permettre les actions groupées en justice, les class actions. De quoi s’agit-il ? Qu’est-ce que cela peut apporter au droit français ?

Jean Marc Fedida : La « Class action » fait de premier chef partie de l’arsenal juridique et judiciaire de protection du consommateur. Pourtant le droit de la consommation en France repose encore à ce jour sur le postulat arriéré que le respect du droit des consommateurs est le lot exclusif d’une part de l’Administration de l’Etat, en particulier de la Direction Générale de la Répression des Fraudes et d’autre part des associations de consommateurs. Quelle que soit leur utilité, il convient de reconnaître qu’il est pour le moins singulier de concevoir que la réparation du préjudice du consommateur français repose exclusivement sur l’action de l’Etat d’une part et sur celle d’autre part  d’associations qui en pratique ne peuvent poursuivent que l’indemnisation de leur préjudice propre distinct de celui de ceux qu’elles représentent. De sorte qu’à ce jour le préjudice du consommateur n’est le plus souvent jamais réparé et que ceux qui relèvent de la catégorie des « micro-préjudices » c’est à dire de ceux qui ne peuvent raisonnablement être réparés ensuite d’une lourde instance judiciaire. Ils demeurent donc dans une zone de totale impunité, ce qui est profondément choquant et inadmissible.

Il fallait réparer cet oubli et la proposition de la Garde des Sceaux est non seulement pertinente mais comble un vide judiciaire source d’insécurité pour le consommateur. Elle repose sur un mécanisme simple et redoutable ; une personne engage un contentieux et permet que s’agrège à son instance un nombre illimité d’autres plaignants ayant le même préjudice. Les modalités d’exercice diffèrent, mais l’économie générale est la suivante, il s’agit de mener un seul combat judiciaire dont le profit peut-être étendu à toute personne éligible à une indemnisation issu d’un dommage de même nature.

La « class-action» peut-elle s’insérer dans la philosophie du droit français ?

Il existe en effet de nombreuses de doctes objections de la part de nombreux puristes du droit processuel français. Des gardiens de musées ! L’objection la plus sérieuse tient au fait que la procédure civile anglo-saxonne repose sur un processus dit de « discovery », c’est à dire de recherche contradictoire des éléments de preuve dans un cadre encore aujourd’hui difficilement applicable en France.

Imaginez, que les Avocats français deviennent des enquêteurs pourvus de pouvoirs d’investigations tels que celui d’interroger le dirigeant d’une entreprise et de demander d’avoir accès à toute une documentation commerciale aujourd’hui parfaitement opaque. Mais pour que la réforme de la procédure civile permette à terme que les « class actions » à la française puisse connaître quelque chance d’aboutir, il faudra également franchir ce pas, savoir celui de donner les armes pour mener ces titanesques bagarres.

Jacques Chirac puis Nicolas Sarkozy avaient promis plusieurs fois d’adopter les class actions. Ce sujet a pourtant été enterré sous la pression du patronat et du Medef. Peut-on voir cette fois-ci un assouplissement ?

On marche sur la tête, ou plutôt à front renversé ! Le Medef a pris prétexte pour repousser cette réforme, qui constitue une avancée remarquable du droit de la consommation, le coût prévisible chiffré même à 16 milliard d’euros par an de ses conséquences pécuniaires pour les entreprises. C’est donc reconnaître que chaque année il y aurait autant de préjudice non réparé ! Drôle de défense !

La réalité est que cette réforme est nécessaire pour les droits des citoyens et qu’elle aurait en effet dû être adoptée depuis longtemps. Il s’agissait d’une réforme qu’appelle l’évolution de la consommation des services et des biens, pratiquée par nos voisins européens.

La mise en place des class actions à la française peut-elle être semblable à son aînée américaine ?

Il s’opère en réalité une confusion entre les buts que parvient à protéger cette voie judiciaire savoir,  le droit des consommateurs à voir réparer  individuellement les micro-préjudices de la vie quotidienne et la nature même de la voie judiciaire empruntée aux Etats-Unis pour y parvenir, savoir la « Class action ».

Aux Etats-Unis, il existe des « class action » pour toute catégories de procédures qui échappent totalement au droit de la consommation – en droit boursier notamment, s’agissant de la réparation des préjudices des actionnaires minoritaires. Nul ne peut dire si à ce stade, la « class action à la française » englobera un tel périmètre, ni même si c’est souhaitable.

Propos recueillis par Charles Rassaert

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !