Choose France : pour freiner l’endettement et maintenir le niveau de vie, Emmanuel Macron cherche de l’argent auprès des investisseurs étrangers mais… <!-- --> | Atlantico.fr
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Emmanuel Macron lors d'une session plénière dans le cadre de la 5e édition du sommet des entreprises "Choose France", à Versailles, le 11 juillet 2022
Emmanuel Macron lors d'une session plénière dans le cadre de la 5e édition du sommet des entreprises "Choose France", à Versailles, le 11 juillet 2022
©LUDOVIC MARIN / POOL / AFP

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Entre les grandes réunions internationales et les séminaires d’entreprises, la gouvernance française n’a qu'une obsession, trouver de l’argent auprès des investisseurs étrangers, mais pas n’importe lesquels. Les règles sont en train de changer

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

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Le 5e sommet « Choose France », qui se tient cette semaine à Versailles, accueille plus de 180 patrons étrangers avec pour objectif de les convaincre d’investir en France. Les dirigeants des grandes banques internationales (JP Morgan ou Morgan Stanley), ceux des grands fonds d’investissement comme BlackRock, et beaucoup de CEO de grandes entreprises internationales, Coca cola, Siemens, Ericsson...

La moisson de cette année un peu compliquée ne devrait pas être mauvaise. L’Élysée espérait finaliser plus de 14 projets qui pourraient contribuer à la réindustrialisation française, soit près de 10 milliards d’euros investis et 4500 emplois à forte valeur ajoutée créés. 

Le plus gros morceau sera sans doute la construction d’une usine de semi-conducteurs par STMicroelectronics dans la région de Grenoble. Emmanuel Macron devrait l’annoncer officiellement ce mardi en se rendant sur le site. Cet investissement est important parce qu’il fait partie d’un plan à l’échelle européenne pour s’assurer une indépendance sur la fourniture des puces électroniques. Actuellement, l’Europe produit moins de 10% des puces dont l’industrie a besoin. Le gros vient de Chine ou de Corée du Sud. C’est évidemment pour s’affranchir de ses fournisseurs que l’Europe fait cet effort. Théoriquement, cette 5e saison de "Choose France" devrait booster quelques autres projets sur l’Hexagone. 

Cette politique d’incitation à l’investissement en France répond à des critères que l’on connait depuis des années : réindustrialisation, lutte contre les émissions de gaz carbonique... mais cette politique est aussi le résultat de la crise du Covid et de la guerre en Ukraine qui ont éclairé d'une lumière très crue la dépendance très dangereuse à l’égard de certains fournisseurs. Des fournisseurs de moins en moins fréquentables et par conséquent pas très sécures. En bref, pas question de faire des affaires avec les hommes de Mr Poutine. Quant aux dirigeants chinois, il faut aussi s’en méfier. 

Mais cette politique correspond enfin à la nécessité de financer l’économie française et son train de vie.  Entre le « quoi qu’il en coute » et la lourdeur de l’administration, le modèle français doit trouver de la croissance, de la productivité, et donc des financements pour maintenir son niveau de vie. 

En bref, la France ne pourra pas s’endetter indéfiniment, car l’endettement est une forme perverse de soumission. A terme, les créanciers veulent récupérer leur argent ou alors mettre la main sur les actifs qu’ils ont permis de financer. 

Au cours des dix dernières années, on a vu, en Europe, les fonds russes ou chinois venir racheter des installations portuaires, des aéroports ou des entreprises occidentales. 

Tant que l’on pensait que la globalisation allait convertir les pays autoritaires à la démocratie et surtout au respect des règles du droit international, les investissements étrangers étaient acceptables… Mais depuis le Covid qui a démontré que la coopération entre les pays n’était pas parfaite, que les risques de ruptures d’approvisionnement étaient flagrants, depuis que la guerre en Ukraine a provoqué une situation où les pays belligérants (la Russie notamment) étaient prêts à ne pas respecter les droits fondamentaux du commerce, les accords internationaux à des fins de domination. La confiance nécessaire à la vie des affaires a été rompu. 

Depuis le début de l’année, on a assisté à une remise en cause de la mondialisation. La plupart des enceintes de négociations internationales, et notamment les G7 et les G20, au niveau des chefs d’Etat, comme des ministres, ont été évincés comme participants ou même simples observateurs, c’est-à-dire principalement les dirigeants de pays autoritaires. Dans la plupart des forums économiques internationaux, à Davos, le mois dernier comme à Sun Valley la semaine dernière, les représentants du monde des affaires russes ou chinoises étaient complètement absents. 

Au forum de St Pétersbourg en juin, qui est d’ordinaire la grand’messe des collaborations entre l’Est et l’Ouest, la quasi-totalité des dirigeants occidentaux ont refusé d’y aller et même d’envoyer des représentants crédibles.  Vladimir Poutine a donc fait son discours de clôture à destination exclusive de son peuple et de ses alliés politiques. 

Tout se passe désormais comme si la globalisation qui a été menée depuis vingt ans se coupait en deux.

Avec d’un côté, les démocraties occidentales et de l’autre, les pays autoritaires qui se sont convertis à l’économie de marché pour créer de la richesse, mais qui refusent d’élargir les libertés et les règles inhérentes à l’économie de marché à la sphère politique ou à la société civile. Les uns comme les autres redécouvrent les droits de l’Homme. Les uns pour en faire une condition préalable au commerce et à l’investissement. Les autres pour les exclure de leur culture. 

Dans ces conditions, les accords commerciaux et d’échange entre les uns et les autres vont devenir difficiles, voire impossibles. Dans ces conditions, les pays occidentaux vont réviser et durcir les règles imposées aux investisseurs en cherchant les moyens de les attirer dans des conditions qui soient sans ambiguïté d’ordre politique.

La France, comme beaucoup d’autres pays occidentaux va donc mettre l’accent sur ses propres facteurs d’attractivité pour convaincre les candidats à l’installation. D’où les réformes qui avaient été lancées au début du premier quinquennat d’Emmanuel Macron afin d’alléger le poids de la fiscalité (impôts sur les sociétés, impôts sur la fortune, impôts de production …), sauf qu’il reste encore beaucoup à faire, notamment pour alléger le poids du modèle social sur les mécanismes de production. 

Les objectifs sont clairs :

Un, il s’agit de renforcer les positions de l’industrie du luxe et du tourisme où les entreprises sont déjà parmi les plus puissantes du monde. 

Deux, il s’agit de réinstaller une industrie dans tous les domaines et plus particulièrement les industries digitales.

Trois, il s’agit de transformer les projets écologiques en levier de créations de richesses. Contrairement à ce que pensent beaucoup de militants écologistes, l’effort que peut faire la France dans la lutte contre le réchauffement climatique restera dérisoire à l’échelle du globe (les plus gros pollueurs sont ailleurs). Si les résultats sont dérisoires, les démarches sont exemplaires si on apporte la preuve que l’écologie permet de créer de la richesse, de la croissance et par conséquent, des emplois. 

Pour atteindre ces objectifs, il faut de l’argent. Actuellement, la France emprunte de quoi remplir ses engagements et surtout de quoi payer ses dépenses de fonctionnement. 

Compte tenu d’une situation économique qui risque de se détériorer, avec des taux d’intérêt qui augmente, la dette ne sera plus le levier principal. Il faudra trouver de l’investissement et par conséquent, des fonds propres. Étrangers si les opportunités se présentent à condition que ces fonds soient vraiment propres. En termes comptable et politique. Pas facile de s’exonérer de toute suspicion idéologique ou politique. 

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