Chômage : combien de temps les amortisseurs sociaux pourront-ils tenir ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Les associations de chômeurs demandent une "réforme drastique de l’assurance-chômage".
Les associations de chômeurs demandent une "réforme drastique de l’assurance-chômage".
©Flickr

Course contre la montre

Une marche des chômeurs et des précaires part ce lundi de la Réunion, avant de traverser toute la France pour rejoindre Paris le 06 juillet. Elle réclame une augmentation substantielle des minima sociaux et la création d’un Fonds social d’urgence.

Jean-Charles Simon

Jean-Charles Simon

Jean-Charles Simon est économiste et entrepreneur. Chef économiste et directeur des affaires publiques et de la communication de Scor de 2010 à 2013, il a auparavent été successivement trader de produits dérivés, directeur des études du RPR, directeur de l'Afep et directeur général délégué du Medef. Actuellement, il est candidat à la présidence du Medef. 

Il a fondé et dirige depuis 2013 la société de statistiques et d'études économiques Stacian, dont le site de données en ligne stacian.com.

Il tient un blog : simonjeancharles.com et est présent sur Twitter : @smnjc

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Atlantico : A l'appel des associations, une marche des chômeurs et des précaires part ce lundi de la Réunion, avant de traverser toute la France pour rejoindre Paris le 06 juillet. La France se félicite souvent de bénéficier d’amortisseurs sociaux, qui adoucissent le choc de la crise. Pourtant, la situation de précarité des chômeurs ne cesse de se dégrader. Jusqu'à quand le modèle redistributif survivra-t-il à l'épreuve de la rigueur ?

Jean-Charles Simon : L’ampleur des transferts sociaux en France a permis de préserver à peu près le pouvoir d’achat des ménages, malgré une crise particulièrement sévère. Il n’y a qu’en 2012, sous l’effet du cumul des hausses d’impôt des dernières années, que le pouvoir d’achat des ménages a reculé quelle qu’en soit la mesure. Transferts en nature compris, les transferts sociaux atteignent près de 48% de l’ensemble des revenus bruts des ménages en 2012, un niveau sans précédent, et 3 points de plus qu’avant la crise. Grâce à ces transferts, la consommation des ménages, grand totem du modèle économique français, a d’ailleurs remarquablement résisté. Mais on arrive au bout de ce système, qui craque de toutes parts. L’assurance chômage en est un exemple, avec près de 19 milliards d’euros de déficits accumulés à fin 2013.

Les associations de chômeurs demandent une « augmentation substantielle » des minima sociaux et la création d’un Fonds social d’urgence, ainsi qu'une « réforme drastique de l’assurance-chômage ». Ce genre de mesure est-il réaliste par temps de rigueur budgétaire, à l'heure où le Medef réclame au contraire un retour à la dégressivité des allocations ?

Il ne serait clairement pas soutenable de financer une augmentation des prestations chômage, du fait de la situation financière de l’Unedic que je rappelais, mais aussi parce que ce régime est déjà l’un des plus extensifs au monde en termes de durée et de niveau d’indemnisation. D’où des cotisations très élevées, au taux de 6,4% du salaire brut.

Pour assainir d’urgence les finances de l’Unedic, il faut donc au contraire réduire les prestations, notamment la durée d’indemnisation. S’agissant des minima sociaux comme le RSA, la réflexion doit être d’une autre ampleur. Car le sujet français est celui d’une protection sociale obligatoire, universelle et de haut niveau qui ne peut pas résister aux effets conjugués du vieillissement de la population et d’une croissance au mieux modeste, quand nous ne sommes pas en récession… Ce système social représente déjà 32 % du PIB, expliquant l’essentiel de notre surcroît de dépenses publiques par rapport à nos voisins. La seule solution est de le privatiser en partie pour le centrer sur ceux qui en ont le plus besoin.

Les emplois d'avenir, mesure phare de François Hollande, peinent à se mettre en place (voir ici). De même, l'emploi des jeunes reste très élevé malgré les multiples aides : emplois aidés, contrats d'apprentissage et de professionnalisation. Cet échec apparent signe-t-il l'impuissance des amortisseurs sociaux ?

Les emplois d’avenir sont des mesures de simple colmatage, comme le furent les emplois jeunes, d’autant qu’ils sont pour l’instant réservés au secteur non-marchand. Ils ne favoriseront donc qu’à la marge l’insertion durable des bénéficiaires dans l’emploi. Leur montée en puissance décevante s’explique par la fragilisation des employeurs publics ou associatifs du fait de la crise. Malgré les aides de l’Etat, ceux-ci sont réticents à déployer des moyens, même limités, pour des emplois dont ils ne voient pas toujours l’utilité.

Un rapport de la députée Monique Iborra paru le 6 juin (voir ici) pointe du doigt la responsabilité de Pôle Emploi et de son manque d'organisation dans le chômage de longue durée. Le rapport déplore des chômeurs trop souvent "ballottés" dans un "maquis d'institutions". Sera-t-il possible de réformer à temps le service public de l'emploi ?

Il y a souvent trop d’attentes à l’égard de Pôle Emploi. Son rôle premier devrait être la gestion de l’indemnisation et le contrôle de la recherche effective. Avoir une plate-forme centrale des offres et demandes d’emploi n’est pas inutile, mais le placement doit d’abord relever d’un fonctionnement de marché. Il n’y a pas de miracle, c’est la situation économique qui détermine le niveau de l’emploi, ainsi que les incitations à en rechercher, notamment le niveau des prestations de substitution. Il y a aussi beaucoup de fantasmes sur les offres non pourvues, alors qu’elles existent de tout temps et partout. C’est un chômage frictionnel difficile à réduire.

Le chômage partiel semble être un amortisseur efficace de la crise en Allemagne. Cette solution devrait-elle est davantage exploitée en France ?

Le mécanisme a été assoupli depuis le début de la crise. Mais les situations française et allemande ne sont pas comparables. Le chômage partiel se prête mieux à l’industrie qu’aux services, donc concerne moins notre tissu économique en proportion. Et surtout, le chômage partiel est une solution très pertinente quand la difficulté rencontrée est conjoncturelle, comme lors du trou d’air massif de l’industrie mondiale de 2008-2009. Si la dégradation de la situation de l’entreprise est plus structurelle, alors le chômage partiel est hélas insuffisant.

La crise oblige à repenser le rôle des amortisseurs sociaux, qui ne peuvent plus se contenter d'être de simples palliatifs. Comment faire en sorte qu'ils permettent de relancer la machine de l'emploi ? Faut-il accorder une plus grande place à la formation professionnelle ?

Les amortisseurs sociaux sont en effet d’abord passifs, centrés sur les revenus de remplacement en l’absence d’emploi. Il faut certainement développer la formation professionnelle, évidemment en la réformant de fond en comble, ce que les partenaires sociaux ne semblent pas disposés à faire pour ce qui les concerne. Mais là aussi, attention aux faux espoirs : c’est d’abord parce que pourront se développer les activités nouvelles qui doivent se substituer à celles qui disparaissent que le système sera dynamique et créera son propre besoin de formation, auquel l’appareil de formation répondra pour peu qu’il soit suffisamment réactif. Autrement dit, et surtout dans un pays où le capital humain est déjà de haut niveau, ce n’est pas la formation qui entraîne l’activité, mais plutôt l’inverse.

Propos recueillis par Julie Mangematin

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