Chine : la stabilité sociale menacée par l'inflation<!-- --> | Atlantico.fr
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L'inflation chinoise ne cesse d'augmenter...
L'inflation chinoise ne cesse d'augmenter...
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Tandis que l'inflation chinoise ne cesse d'augmenter, plusieurs régions du pays se révoltent contre leur situation. De quoi rendre le gouvernement de Hu Jintao inquiet...

Ronan Daniel

Ronan Daniel

Ronan Daniel est rédacteur pour la Télévision Centrale de Chine (CCTV) à Pékin. Il est également le co-fondateur et responsable du site www.chine-observateurs.com.

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L’inflation annuelle en Chine a été mesurée à 5,5% au mois de mai. Ce chiffre est le plus élevé depuis près de trois ans et met en péril la volonté gouvernementale de maintenir l’augmentation de l’Indice des prix à la consommation (IPC) sous la barre des 4% pour 2011. Cette incapacité des autorités à tenir des engagements chiffrés surprend (surtout quand les chiffres en question sont publiés par les autorités elles-mêmes) et rappelle que l’objectif de 2010, 3%, avait également été copieusement outrepassé.

L'économie chinoise en surchauffe ?

Le jour même de la publication de ces chiffres, la Banque Centrale du pays annonce que le taux de réserve obligatoires des banques commerciales est porté à 21%. Les autorités monétaires chinoises privilégie ce levier pour bloquer une partie de la masse monétaire plutôt que celui du taux d’intéret. Un ajustement du coût du crédit dans les prochaines semaines n’est cependant pas à exclure, ce serait le cinquième depuis octobre dernier.

Cette mesure a été jugée cette semaine par certains analystes de banques d’investissement comme une initiative salutaire destinée à contrôler une économie qui montrait des signes de surchauffe. « Surchauffe », « hard-landing », les analystes hongkongais aiment manier ces concepts qui peuvent paraître exotiques vus des économies européennes où l’on n’a pas le luxe de craindre la brutalité des niveaux de croissance du PIB...

L’inflation est certes une préoccupation partagée dans le monde entier, mais au lendemain d’une crise économique majeure, on pourrait penser qu’une augmentation des prix, conséquence d’une demande qui surpasse l’offre, est plutôt le symptôme d’une reprise. La Chine s’est engagée depuis deux ans à changer la structure de sa croissance économique et cherche à s’extraire de sa dépendance à l’exportation pour miser davantage sur la demande intérieur. Dans cette optique, l’inflation peut être la conséquence d’une augmentation du pouvoir d’achat domestique et finalement illustrer la capacité de la Chine à enfin tirer parti de son formidable potentiel de demande.

Quand la « mauvaise » inflation menace la stabilité sociale de la Chine

Mais cette accélération de l’inflation n’accompagne pas une accélération de la croissance économique. Le taux de croissance chinois, de 10,3% en 2010, devrait passer sous la barre des 10% cette année. Bien que solide, la croissance semble suivre la réduction de l’excédent commercial du pays. Les exportations ralentissent et la croissance économique aussi : la Chine ne parvient pas à faire basculer sa croissance sur un solide socle de consommateurs et n’arrive pas à s’extraire de sa dépendance à ses partenaires commerciaux étrangers en dépit d’un population gigantesques et de besoins colossaux à assouvir à l’intérieur de ses frontières.

Cette « mauvaise » inflation, celle qui n’illustre pas une accélération de l’économie, cette « stagflation » qui a été le signe de la crise qui a frappé l’Occident dans les années 1970, est une mauvaise chose pour l’économie, mais surtout pour la précaire stabilité sociale du pays.

L’annonce de ce niveau d’inflation survient en effet alors que des soulèvements se sont produits dans le sud du pays, dans la province du Guangdong qui accueille une grande partie des 145 millions de travailleurs migrants que compte le pays. Ce sont justement des migrants, pour la plupart originaires du Sichuan, qui ont réagi violemment à un incident survenu entre la police et une vendeuse de rue enceinte dans la ville de Zengcheng. D’autres manifestations ont éclaté, à Chaozhou notamment, où des centaines de travailleurs exigeaient le paiements de leurs arriérés de salaire. 19 personnes ont été arrêtées à l’issue de ces émeutes et les autorités, précise l’agence Reuters, ont accru de 13, 8% le budget consacré à la « sécurité publique ». Ces efforts semblent suffire cette fois à contenir l’exaspération des populations les plus exposées à des conditions de vie rendues plus difficiles par l’inflation. Il faudra pourtant considérer le problème en amont à un moment ou à un autre.

Les causes de l'inflation

L’inflation mesurée en Chine est donc de nature à inquiéter le gouvernement, en quête d’une croissance capable d’assurer la stabilité dans le pays. Cette inflation trouve en effet sa source dans l’augmentation des prix des denrées alimentaires. Même si la partie non-alimentaire prend davantage de poids dans l’accroissement du prix du panier de la ménagère chinoise (+2,9%), les biens alimentaires se sont valorisés de 11,7% sur un an. Ce n’est donc pas une inflation symptomatique d’un développement de l’équipement des ménages que l’on observe dans le pays, mais bien une pression mise sur l’ensemble de la population, y compris les ménages les plus modestes, par des phénomènes liés à l’offre.

Cette accélération de l’inflation s’explique en partie par la sécheresse qui a frappé ces dernières semaine une partie du pays : outre la difficulté d’irriguer les champs, des pénuries d’électricité liées à la baisse du débit des rivières ont été observées dans certaines régions. Les centrales hydrauliques ont du rationner l’offre d’énergie et les prix ont mécaniquement été tirés vers le haut.

Les prix à la consommation ont également intégré l’augmentation des prix des matières premières, largement tributaires des fluctuations sur les marchés internationaux.

Enfin, le plan de relance massif lancé par la Chine au lendemain de la crise financière semble encore alimenter l’augmentation des prix. Les 4000 milliards de yuans injectés par le gouvernement continuent en effet à compenser la volonté affichée de resserrer le crédit.

Ces facteurs, chocs d’offre ou coup de fouet ponctuel à la demande, expliquent qu’une poussée inflationniste difficile à contrôler puisse se manifester sans véritablement illustrer une amélioration du pouvoir d’achat de toutes les couches de la population.

Pourquoi le gouvernement se soucie de cette inflation

Le gouvernement chinois a donc tout intérêt à se soucier de ce phénomène si il veut faire reposer la croissance chinoise sur la demande domestique : l’optique keynésienne délibérément choisie par la Chine exige en effet que les ménages aux revenus les plus modestes, dont la propension à consommer leurs  revenus est plus élevée, soit dotée d’un pouvoir d’achat plus important.

Mais plus encore que la capacité du pays à faire reposer sa croissance sur la demande domestique, c’est la stabilité sociale du pays qui est mise en péril  si la croissance ne profite pas à tous. Si les produits alimentaires augmentent de 11,7% sur un an, les migrants travaillant dans le Guangdong n’attendront pas de savoir si la croissance économique annuelle est de 9 ou 10% avant de signifier leur colère. Le phénomène de « hard-landing » prendra peut être alors tout son sens.

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