Charles Pasqua : la mort du dernier grognard du gaullisme tourne définitivement la page de l'après-guerre <!-- --> | Atlantico.fr
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Charles Pasqua est mort le 29 juin
Charles Pasqua est mort le 29 juin
©Reuters

En deuil

Charles Pasqua est mort lundi 29 juin à l’âge de 88 ans des suites d’un AVC. Résistant dès l’âge de 15 ans, ministre de l’Intérieur à deux reprises de Jacques Chirac et d’Edouard Balladur, il a eu, lui aussi, à affronter le terrorisme. Ce personnage pittoresque, parfois controversé, qui a entretenu des liens cordiaux avec François Mitterrand, a été toute sa vie un authentique patriote avec un sens réel de l’Etat.

Gilles Gaetner

Gilles Gaetner

Journaliste à l’Express pendant 25 ans, après être passé par Les Echos et Le Point, Gilles Gaetner est un spécialiste des affaires politico-financières. Il a consacré un ouvrage remarqué au président de la République, Les 100 jours de Macron (Fauves –Editions). Il est également l’auteur d’une quinzaine de livres parmi lesquels L’Argent facile, dictionnaire de la corruption en France (Stock), Le roman d’un séducteur, les secrets de Roland Dumas (Jean-Claude Lattès), La République des imposteurs (L’Archipel), Pilleurs d’Afrique (Editions du Cerf).

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Accent chantant, l’air faussement méchant, mais capable de grosses colères, homme aux convictions bien ancrées, résistant dès l’âge de 15 ans, en octobre 1942, Charles Pasqua restera l’incarnation du gaullisme populaire pur et dur… Avec ses zones d’ombres, le SAC, le Service d’action civique destiné à lutter contre l’OAS dans les derniers mois de l’Algérie française. Zones d’ombres aussi avec les poursuites dont il fit l’objet et dans lesquelles il réussit souvent à s’en sortir. Charles Pasqua était le dernier grognard du gaullisme. Au même titre par exemple qu’un Alexandre Sanguinetti, corse comme lui, mort en mars 1980. Ancien ministre comme lui.

C’est surtout à partir de 1968 que l’on voit apparaître Charles Pasqua sur le devant de la scène politique. Très exactement en mai, lorsqu’il est un des organisateurs de la grande manifestation du 30 mai destinée à porter un coup d’arrêt à la "chienlit" vilipendée par le général de Gaulle à propos de la révolte étudiante. Effectivement, ceux qui ont connu les évènements de 68, n’ont pas oublié cette immense marée humaine – 1 à 2 millions de gens- parmi lesquels André Malraux, Michel Debré qui remontent, vers 17 heures 30, les Champs-Elysées en direction de la place de l’Etoile. En cette fin d’après midi de mai, la révolte étudiante était terminée et de Gaulle reprenait la main après le célèbre voyage à Baden-Baden où il venait de rencontrer le général Massu. Dans la foulée, trois semaines plus tard, des élections législatives avaient lieu et celui qui n’était pas encore surnommé par François Mitterrand, "Le terrible Monsieur Pasqua" faisait son entrée à l’Assemblée nationale comme député de Levallois-Perret, ville des Hauts-de-Seine dont il allait être des années plus tard l’inamovible président du conseil général du département. Une sorte de vice-roi à quelques kilomètres de Paris.

Très vite, Pasqua, à la faconde toute méridionale, devient incontournable au sein du parti gaulliste, appelé à l’époque UDR, sigle qui remplace celui d’UNR qui a fait son apparition en 1958. Aussi, en 1976, lorsque Jacques Chirac s’empare du mouvement, dénommé cette fois RPR, il fait de Pasqua son principal conseiller. Il sera l’un des seuls à oser tancer le premier ministre de Giscard. Lorsque Chirac quitte Matignon, au cours de l’été 1976, pour être remplacé par Raymond Barre, Charles pense que son poulain peut avoir un destin national. Lequel tient en un mot : Elysée. Hélas, la désillusion est cruelle puisqu’à la présidentielle de mai 1981, Chirac maire de Paris depuis 1977, n’arrive qu’en troisième position, au premier tour, derrière Giscard et Mitterrand. En sous main, au second tour, Chirac fait voter Mitterrand contre Giscard qui est devenu son ennemi irréductible depuis 1976.

Deux ans après la défaite de Chirac, Pasqua connait une nouvelle désillusion. Très cruelle puisqu’elle l’atteint personnellement. Cette désillusion, c’est sa défaite, en mars 1983, aux élections municipales de Neuilly-sur-Seine. Pasqua a tout prévu. Il est sûr de l’emporter et de succéder à son ami Achille Peretti édile de la ville depuis plus de 35 ans. Le stratège Pasqua n’avait pas prévu qu’il se ferait doubler par une jeune homme de 28 ans, quasi inconnu mais culotté, Nicolas Sarkozy. Cette facétie, inutile de le dire, Pasqua ne l’appréciera guère. Finalement, après une brouille de quelque temps, les deux hommes finirent par se réconcilier.

Après ces deux déconvenues, Pasqua finit par tirer le gros lot. A la suite de la défaite de la gauche aux législatives de mars 1986, François Mitterrand nomme Jacques Chirac Premier ministre. Lequel désigne Charles Pasqua pour occuper la place Beauvau. Un poste à sa mesure, mais sacrément difficile. En effet, la France doit faire face au terrorisme moyen-oriental qui connait un paroxysme avec l’attentat de la rue de Rennes en septembre, cause de plusieurs morts en dessous des locaux du magazine Le Point et juste à côté du magasin Tati. Ce n’est pas tout : Pasqua aura à faire face à un autre terrorisme, celui d’Action directe qui assassinera en novembre 1986, Georges Besse, le président de la régie Renault. Grâce à un proche de Pasqua, Philippe Massoni, futur préfet de police, à l’époque directeur des Renseignements généraux, les membres d’Action directe furent finalement arrêtés. Oui, période trouble et troublée que cette cohabitation, puisque le ministère de l’Intérieur aura à faire face au drame des otages du Liban qui seront libérés grâce à un proche de Pasqua, corse comme lui, Jean-Charles Marchiani, futur préfet du Var… Qui sera par la suite impliqué, comme Charles Pasqua dans l’Angolagate. Au cours de ces années 86-88, c’est en grande partie sous l’égide de Pasqua que sera créée la section antiterroriste du Parquet de Paris. Au début vertement critiquée par la gauche – son premier chef fut Alain Marsaud, actuel député Les Républicains- représentant des Français de l’ étranger- cette section, au fil des ans, a fait preuve de sa remarquable efficacité.

Après une relative traversée du désert entre 1988 et 1993, en raison de la réélection de François Mitterrand, Pasqua devenu sénateur des Hauts-de-Seine se voit embringué, dans les années 94-95, dans la ténébreuse affaire Schuller-Maréchal pour tenter de déstabiliser le juge Eric Halphen un peu trop fouineur dans ses enquêtes sur les HLM des Hauts-de-Seine où apparaissent deux amis de Pasqua, Didier Schuller et Patrick Balkany, le toujours maire de Levallois-Perret. Le résultat est catastrophique. D’abord, pour Pasqua soupçonné d’avoir monté ce mauvais coup. Ensuite, pour Balladur qui avouera plus tard s’être fait berner. L’affaire lui coûte cher : elle sera la cause de sa défaite à la présidentielle de 1995 qui verra la victoire de Jacques Chirac, lâché par Pasqua… au profit de Balladur.

A près de 70 ans, le sénateur des Hauts-de-Seine semble définitivement écarté de la vie politique. Erreur. Car l’homme a du ressort. C’est un battant. Jamais vaincu. En 1999, cet infatigable souverainiste, qui croit encore à la grandeur de la France, se lance dans la campagne des Européennes. Devinez avec qui ? Avec Philippe de Villers. Une sorte d’alliance de la carpe et du lapin. Peut-être. Mais ça marche. La preuve : leur liste RPF ( Rassemblement pour la France) obtient plus de 13% des voix , tandis que celle du RPR dirigée par Nicolas Sarkozy ne recueille que 12,8% des suffrages. Voilà notre Charles rasséréné. Il se met à rêver à l’élection présidentielle de 2002. Pourquoi n’irai-je pas, se dit-il. Mais en 2001, il est brutalement stoppé dans son ambition, à cause de cette maudite affaire de trafic d’armes vers l’ Angola. Une façon, ont toujours clamé les avocats de Pasqua de l’empêcher d’être candidat à cette présidentielle de 2002. Puis ce sera une autre affaire, une commission versée à un de ses proches lors du transfert de GEC –Alsthom de Paris à Saint-Ouen qui ruinera définitivement ses ambitions présidentielles. L’ancien sénateur sera condamné à un an de prison avec sursis par la Cour de Justice de la République. Depuis quelques mois, l’ancien ministre de l’Intérieur était très affaibli. S’aidant d’une canne pour marcher, il avait eu beaucoup de mal à supporter la mort de son fils unique Pierre-Philippe décédé le 9 février 2015 des suites d’une longue maladie. Pourtant, en infatigable militant qu’il était, Charles Pasqua avait tenu à assister le 30 mai dernier au congrès fondateur des Républicains.

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