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Les banques proposent des produits à leurs clients tout en sachant que ces derniers y perdront.
Les banques proposent des produits à leurs clients tout en sachant que ces derniers y perdront.
©Reuters

Double jeu

JP Morgan, Goldman Sachs et aujourd'hui Barclays : aucune banque n'échappe au scandale dans ses activités financières. Elles en viennent à proposer des produits à leurs clients tout en sachant que ces derniers y perdront. Petit tour d'horizon des techniques existantes.

François  Leclerc

François Leclerc

François Leclerc est chroniqueur de "L'actualité de demain" sur le blog de Paul Jorion ainsi que dans La Tribune.

Il est également l'auteur de "Fukushima, la fatalité nucléaire", aux éditions "Osez la République sociale!".

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Atlantico : Un ancien trader de Goldman Sachs s’est plaint de s’être vu réduire ses bonus par sa direction au motif qu’il aurait critiqué par écrit les lucratives positions de la banque sur les produits de couverture sur crédits hypothécaires (voir ici). Peut-on rappeler le principe de ce procédé qui a tant affecté l'économie mondial ?

François Leclerc : La titration massive par les banques américaines de paquets de prêts hypothécaires incluant des prêts "supprimes" a été l’instrument de propagation de la crise à ses débuts. Ces produits dérivés ont disséminé les énormes pertes qu’ils ont fait subir à ceux qui les ont achetés - notamment dans le système bancaire européen - alors qu’ils étaient censés supprimer le risque en le "diluant". Ce dernier était par contre bien évacué du bilan des émetteurs...

Les banques américaines, notamment JPMorgan qui a été particulièrement active sur ce marché, ont payé d’importantes amendes (13 milliards de dollars dans son cas) pour avoir été convaincues d’avoir vendu ces titres en toute connaissance de leurs risques mais sans informer leurs clients. Dans le cas de Goldman Sachs, la Securities and Exchange Commission (SEC) a déposé plainte pour avoir poussé ses clients à investir dans ces titres alors que simultanément elle pariait elle-même sur leur effondrement, associant clairvoyance dans la défense de ses intérêts et duplicité vis à vis de ses clients, portant le conflit d’intérêt au plus au niveau.

Le ministre de la Justice de l’État de New York, Eric Schneiderman, a récemment décidé de poursuivre en justice la banque britannique Barclays pour des manquements dans la gestion de son "dark pool", Barclays LX, une plateforme d’échanges de titres. L’établissement aurait caché à ses clients l’importance prise par le trading haute fréquence. Qu’en est-il exactement ?

Au nombre d’une cinquantaine, les dark pools poussent désormais comme des champignons en dehors de toute régulation, souvent à l’initiative des grandes banques agissant à l’intention de leurs gros clients. A l’origine, elles avaient pour objectif de protéger leurs transactions des regards indiscrets, notamment de spéculateurs pouvant intervenir à leur détriment durant celles-ci, notamment des opérateurs de trading à haute fréquence : une transaction n’y est connue que lorsqu’elle est réalisée. C’est tout le contraire que Barclays est supposé avoir fait, au détriment des clients de sa dark pool, en admettant en son sein de tels intervenants spécialisés, qui plus est sans les prévenir : elle a fait en quelque sorte entrer le renard dans le poulailler. 

Quels autres exemples de produits financiers construits par les banques contre les intérêts de leurs clients méritent d’être relevés ?

Si de très nombreuses affaires de cette nature sont apparues aux États-Unis, c’est notamment en raison de la détermination nouvelles des autorités régulatrices et judiciaires. L’Europe, pourtant, n’est pas épargnée par de tels agissements. La Deutsche Bank a par exemple fait face à de nombreux contentieux et a déjà été condamnée en 2011 par le tribunal de Karlsruhe pour avoir joué contre les intérêts de l’un de ses clients. La banque avait engagé celui-ci à procéder à un swap de taux, en échangeant des crédits à long terme contre des crédits à court terme, en spéculant sur des taux d'intérêt plus bas à court terme. En assurant la vente de ces titres, la Deutsche faisait mécaniquement le pari inverse de son client : elle gagnait de l'argent quand il en perdait. Ce qui survint à l’époque lorsque les taux d'intérêt se sont relevés.

Comment expliquer que ces pratiques soient si courantes ? La responsabilité revient-elle uniquement aux banques, où leur a-t-on facilité les choses également ? Quel rôle les pouvoirs publics ont-ils pu jouer ?

Cette vaste question mérite d’abord une réponse lapidaire : c’est au casino que l’on rencontre le plus de tricheurs ! Les révélations sur les malversations de toutes natures des banques sont devenues monnaie courante, si je puis dire. Elles ne se résument pas à ces pratiques mais concernent également des manipulations - avérées ou encore présumées à ce stade des enquêtes - du Libor et de sa famille de taux, sur le Forex, sur le marché de l’or et en général des matières premières. La litanie de leur découverte alimentant le sentiment qu’elles n’étaient pas exceptionnelles, mais entrées dans les mœurs. La quasi totalité des plus grandes banques américaines et européennes sont impliquées et, pour certaines d’entre elles, déjà condamnées à de lourdes amendes. L’attitude des pouvoirs publics a longtemps consisté à diriger leur regard ailleurs, dans un contexte de dérégulation qui a tourné au laissez-faire. L’idée, qui prédomine encore, est que ce qui est bon pour les banques l’est pour l’économie, ce qui est pour le moins déconcertant étant donné ce qui s’est passé ! 

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