Cette première image du trou noir de notre galaxie qui confirme qu’Einstein avait raison (a priori)<!-- --> | Atlantico.fr
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Le professeur d'astronomie et de physique Feryal Özel lors d'une conférence de presse pour annoncer la première image de Sagittarius A* (sur l'écran). Washington DC, 12 mai 2022.
Le professeur d'astronomie et de physique Feryal Özel lors d'une conférence de presse pour annoncer la première image de Sagittarius A* (sur l'écran). Washington DC, 12 mai 2022.
©JOSE LUIS MAGANA / AFP

Avancée massive

La première image du trou noir central de la Voie lactée a été révélée jeudi 12 mai. Ce cliché, obtenu à partir des données récoltées par huit radiotélescopes répartis sur la planète, pourrait remettre en question certaines de nos connaissances, et confirmer des théories comme celle de la relativité générale d'Albert Einstein

Olivier Sanguy

Olivier Sanguy

Olivier Sanguy est spécialiste de l’astronautique et rédacteur en chef du site d’actualités spatiales de la Cité de l’espace à Toulouse.

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Atlantico : Au coeur de notre galaxie se trouve un trou noir et il a été immortalisé par un télescope. Cette photo de Sagittarius A* représentait un véritable « crash test » pour la théorie d’Einstein sur la relativité générale. En quoi est-ce le cas ? En quoi est-ce une preuve indéniable ?

Olivier Sanguy : Plus exactement, il s’agit d’une image calculée à partir de données récoltées par huit radiotélescopes répartis sur la planète. Mais on reviendra sur cet aspect technique après. Les trous noirs, comme certains phénomènes physiques de grande ampleur, sont en effet en quelque sorte des crashs tests de nos connaissances. En gros, on envoie nos théories s’écraser sur le mur de la réalité pour voir si elles résistent ! La théorie de la relativité d’Einstein a de nombreuses fois été testée et validée, mais l’avantage des trous noirs réside dans leur nature extrême : leur densité est telle et donc leur champ gravitationnel si intense que rien ne s’en échappe à partir d’une certaine proximité, pas même la lumière. D’où d’ailleurs le terme de trou noir. La théorie de la relativité générale d’Einstein fournit des « outils » mathématiques qui permettent de caractériser le fonctionnement d’un trou noir et ce qui se déroule autour de lui. Et l’image du trou noir supermassif au centre de notre galaxie la Voie Lactée va dans le sens d’une confirmation de la théorie d’Einstein. Un des scientifiques qui a travaillé sur ce projet scientifique international qu’est l’Event Horizon Telescope (EHT) Collaboration, Geoffrey Bower, a d’ailleurs déclaré : «Nous avons été stupéfaits de voir à quel point la taille de l'anneau correspondait aux prédictions de la théorie de la relativité générale d’Einstein».

Comment une telle performance a-t-elle été réalisée ? Comment avons-nous pu détecter et capturer l'image d'un tel trou noir ?

Pour être précis, on ne peut pas par principe avoir l’image d’un trou noir puisque rien ne s’en échappe pas même la lumière. Donc, ce qu’on observe, c’est ce qui se passe autour du trou noir qui dépend directement de ses caractéristiques. Un trou noir est entouré d’un disque d’accrétion où s’accumule la matière qui tourne autour de lui avant de passer cette fameuse limite d’où plus rien ne s’en échappe. Dans ce disque, les gaz sont chauffés à de très hautes températures et émettent dans plusieurs longueurs d’onde. C’est cela qu’on observe, d’où la forme d’anneau montrée. Le trou noir supermassif de notre galaxie, appelé Sagittarius A*, fait environ 24 millions de kilomètres de diamètre pour 4 millions de fois la masse du Soleil. L’anneau qui l’entoure, et que montre l’image de l’Event Horizon Telescope, est aussi grande que l’orbite de Mercure (soit autour de la centaine de million de kilomètres de diamètre). C’est grand, mais c’est aussi très loin de nous à 27000 années-lumière. Il a été dit par les scientifiques que c’était l’équivalent de voir un objet de la taille d’un beignet sur la Lune depuis la Terre… Pour y parvenir, on a observé Sagittarius A* avec huit radiotélescopes différents répartis sur notre planète de telle façon qu’ils simulaient un immense radiotélescope large comme la Terre. Ce processus n’a pas été immédiat. En fait, les données obtenues avec chaque radiotélescope ont été enregistrées puis corrélées avec un superordinateur en Europe. Un travail de longue haleine, car les données datent de 2017 !

Que pourrions-nous apprendre à l'avenir avec cette imagerie sur notre galaxie et sur la physique ?

On pense qu’il y a probablement un trou noir supermassif au cœur de chaque galaxie. Quel rôle moteur jouent-ils pour la formation des galaxies ? C’est essentiel de le savoir afin d’affiner nos connaissances sur la formation des grandes structures de l’univers, donc retracer l’histoire de l’univers. Ensuite, les trous noirs sont comme des expériences de physique extrême qu’on ne pourra jamais reconstituer en laboratoire. En les observant avec de plus en plus de précision, on en bénéficie pour mettre à l’épreuve nos théories, ce qu’on évoquait plus haut. Ensuite, cette image de Sagittarius A* vient après celle d’un autre trou noir supermassif, dans une autre galaxie et publiée en 2019. Une image issue du même consortium scientifique, l’Event Horizon Telescope. On dispose donc d’un outil certes complexe, qui nécessite huit radiotélescopes et des calculs poussés avec un superordinateur, mais dont la capacité peut être utilisée pour d’autres trous noirs et donc d’autres observations synonymes de découvertes et avancées scientifiques.

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