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Cette malédiction qui frappe les personnalités politiques françaises
©Reuters

Candidat à impact limité

La scène politique française est beaucoup plus peuplée de figures (chef de parti, ancien présidents ou candidats à la présidentielle) pouvant faire perdre les autres que de champions capables de gagner des élections.

Olivier Gracia

Olivier Gracia

Essayiste, diplômé de Sciences Po, il a débuté sa carrière au cœur du pouvoir législatif et administratif avant de se tourner vers l'univers des start-up. Il a coécrit avec Dimitri Casali L’histoire se répète toujours deux fois (Larousse, 2017).

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Atlantico : Face à Emmanuel Macron et dans une moindre mesure à LREM, les leaders des principaux partis politiques (Laurent Wauquiez, Marine Le Pen, Nicolas Dupont-Aignan, Olivier Faure, Jean-Luc Mélenchon...) et les ténors à l'instar de Nicolas Sarkozy, François Hollande, Ségolène Royal... ne semblent-ils pas tous incapables de remporter une élection présidentielle, et réduits à un seul "pouvoir de nuisance" ?

Olivier Gracia : Ce qui est vrai c'est que le discrédit qui est jeté à l'encontre d'Emmanuel Macron est un discrédit qui est jeté à l'endroit également de la présidence de la République et de l'incapacité de gouverner en France de par le simple fait de l'élection. Quel que soit son résultat on trouvera toujours le moyen de contester la légitimité du président tant le nombre de suffrage exprimé était faible.

De facto il est vrai que l'opposition politique constituée de Laurent Wauquiez, Marine Le Pen, Nicolas Dupont Aignan, Olivier Faure, Jean-Luc Mélenchon… a du mal à se faire entendre. D'autant plus que critiquer le système tel qu'il est, c'est critiquer leur existence et leur utilité même. C'est qu'en sapant la fonction présidentielle, en déstabilisant la présidence Macron, en remettant les institutions en question ils sont dans une déconstruction du système auquel ils participent activement et duquel ils sont également les piliers.

Aujourd'hui les gilets jaunes ne sont pas du tout dans une considération de ce système. Il n'est pas question de placer une opposition républicaine en alternative à la présidence actuelle. Au contraire, il est plutôt question de repenser la République de manière nouvelle avec plus de démocratie directe donc, d'une certaine façon en court-circuitant les corps intermédiaires que sont les partis politiques et l'opposition.

Ainsi, il est très compliqué pour un parti politique aujourd'hui qu'il s'agisse de l'extrême-gauche, de l'extrême-droite, de la gauche ou même d'une partie de la droite de reprendre le flambeau et la légitimité de leurs revendications. On assiste aujourd'hui à un spectacle assez étonnant de voir une opposition soutenir activement les gilets jaunes sans réaliser que ces derniers n'ont ni besoin ni envie d'eux. En effet, si tel était le cas -comme cela l'a toujours été en démocratie- ils attendraient les prochaines élections c'est-à-dire les élections européennes. Or dans le cas présent, il n'y a pas de patience par rapport aux élections mais une forme d'impatience créée par l'inutilité de l'élection, de son manque de légitimité, de ce besoin de réinventera la démocratie.

On touche donc ici à un problème bien plus important que la simple position républicaine. En fait, ces leaders de l'opposition ne sont pas audibles. Prenons un cas intéressant, Jean-Luc Mélenchon avait déclaré récemment que toutes les revendications des gilets jaunes étaient comprises et contenues dans son livre L'ère du peuple. Jean-Luc Mélenchon, une fois de plus, par orgueil politique avait voulu dire que les gilets jaunes, inconsciemment ou consciemment, avaient suivi les préceptes qu'il avait initié. Mais la réalité c'est que la révolution, aujourd'hui se fait sans lui. Et d'ailleurs ça il le sait, il le comprend. Il suffit de voir les sondages : la France Insoumise est aujourd'hui dans une position bien plus faible qu'elle ne l'était en 2017. En outre, peut-être que Jean-Luc Mélenchon rejoint le point de vue des gilets jaunes sur certains points, mais à aucun moment ceux-ci ne le veulent pour porte-parole.

On voit  également l'indécence de la classe politique qui compte récupérer les gilets jaunes à leur profit à l'instar de Florian Philippot qui a même était jusqu'à déposer la marque gilets jaunes. Mais dans quel monde vit-on ? Quelle est sa légitimité pour incarner le porte-parolat des gilets jaunes. On est vraiment dans une compétition et une course à la récupération qui est indécente et qui fragilise encore plus le système. Aujourd'hui, les gilets sont évidemment contre la présidence d'Emmanuel Macron mais par ce type de manipulation perpétrée par l'opposition ils en viennent aussi à contester l'ensemble du système républicain, c'est-à-dire le gouvernement et son opposition. En faisant cela, l'opposition parvient également à cristalliser l'ensemble du rejet. Il n'y a ni compassion pour le gouvernement ni pour le gouvernement. On est vraiment dans une situation extrêmement délicate sans issue traditionnelle possible.

Pour ce qui est des anciens présidents et gouvernants comme Nicolas Sarkozy, François Hollande et Ségolène Royal il s'agit d'un rejet total du "nouveau monde". Il est vrai qu'Emmanuel Macron avait promis un nouveau monde plus prospère que l'ancien, renouvelé, etc… Or, on voit qu'il a échoué et que ce "nouveau monde" a les mêmes symptômes que l'ancien. Ce qui est évident, donc, c'est que ces représentants de l'ancien monde voient un "nouveau monde" qui ne fonctionne pas et prônent par conséquent un retour à l'ancien monde en se plaçant comme les acteurs légitimes.

Pourtant, la réalité est toute autre : la contestations des gilets jaunes ne vise pas uniquement ce nouveau monde, mais le conçoit plutôt comme une excroissance de l'ancien.  Emmanuel Macron se trouve ainsi dans une situation similaire à celle qu’avait pu connaître ses prédécesseurs. Prédécesseur qui ne sont pas non légitimes pour reprendre le flambeau.  Nous nous trouvons donc dans une situation gravissime qui signe la fin d’un système politique. Situation dont l’actuel président est responsable par la campagne qu’il a mené, sa conquête rapide du pouvoir et de par sa volonté de déconstruire le système. Il avait cette volonté d’en finir avec le système actuel, ce qui lui a valu le soutien qu’il a obtenu or la réalité c’est qu’il ne fait guère mieux que ses prédécesseur.

Aujourd’hui la solution ne peut venir ni de lui, ni des autres. C’est là l’inconnu de ce mouvement.

L'actuel mode de scrutin ainsi que la ligne parfois trop idéologisée de certains partis -Rassemblement National, Debout la France, La France Insoumise - les rendent inéligibles quand l'absence de leadership rend les partis historiques - PS, LR - inaudibles. Alors que dans les deux cas une victoire aux élections semble très peu probable, quels sont -aujourd'hui- leurs réels pouvoirs ?

Aujourd’hui le pouvoir des partis d’opposition est assez limité. Concrètement hier les partis d’opposition existaient dans cette dimension de porte-parolat démocratique qui convient à faire remonter les doléances du peuple à l’encontre du gouvernement qui ne les écoute pas. Finalement le résultat aujourd’hui, qui est inquiétant pour eux, est que les corps intermédiaires sont contestés par le peuple. A l’heure actuelle, le peuple n’accepte plus de voir des corps intermédiaires les représenter dans leurs revendications et leur opposition.

Ainsi leur rôle en devient limité dans la mesure où le peuple a repris son rôle politique à part entière. Il a repris, par défiance du système et des corps intermédiaires, son droit sacré d’expression se constituant ainsi en véritable assemblée citoyenne dans le sens où il refuse la présence d’élite dont le rôle serait de les représenter.

Au sein même du mouvement des gilets jaunes, on voit également cette incapacité à trouver des porte-paroles légitimes les représenter. C’est la preuve que finalement le peuple veut en finir avec la démocratie représentative. C’est donc un mouvement bien plus profond qui représente une démocratie directe tant par ses revendications que par son fonctionnement.

On se trouve alors dans une impasse à la fois avec un système représentatif établi qui veut perdurer -le gouvernement et l’opposition ne sont pas dans cette logique d’instauration de démocratie directe puisqu’elle viendrait contrecarrer leurs intérêts- face auquel émerge une volonté émanant du peuple d’être en lien direct avec le pouvoir par la consultation citoyenne.

3. Enfin, imagine-t-on des possibles alliances entre ces différentes personnalités ? Celles-ci ne bénéficieraient pas toutes à Macron ?

Je pense que le système tel qu’on le décrit est incapable de fusionner, les vieilles familles politiques d’hier auront toujours autant de difficultés à s’unir. On voit aujourd’hui, en effet, des personnalités comme Thierry Mariani qui s’émancipent des rangs de leur camps politique pour en rejoindre un autre, mais ces mouvements restent marginaux et relèvent plus de questions d’opportunisme.

Il n’est pas question encore d’alliance ni de la droite ni de la gauche. Quand on voit l’état de la gauche républicaine, et les prises de position de Jean-Luc Mélenchon et Olivier Faure on doute fort d’une possibilité d’entente, à l’avenir, entre ces deux hommes. A droite c’est quasiment que le même schéma. Par exemple Nicolas Dupont Aignan qui s’était allié à Marine Le Pen s’en était rapidement désolidarisé après les élections présidentielles.

Ainsi, je ne vois pas de bloc ni à gauche ni à droite se former face à Emmanuel Macron et LREM. Au contraire, je vois plus un morcellement politique et une incapacité pour eux à les battre en brèche. Il est vrai que si l’on reste dans ce système traditionnelle démocratique, il y a fort à parier qu’Emmanuel Macron restera gagnant face à une opposition fragmentée.

Maintenant, étant donnée la crise actuelle il est encore plus difficile de se prononcer. Il faudra voir l’impact du mouvement des gilets jaunes sur la République et la démocratie.

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