Cette gueule de bois politique générale qui pointe son nez post législatives 2022<!-- --> | Atlantico.fr
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Un citoyen vote pour le premier tour de l'élection présidentielle, le 10 avril 2022.
Un citoyen vote pour le premier tour de l'élection présidentielle, le 10 avril 2022.
©Ludovic MARIN / AFP

Lassitude ?

Droite, gauche, radicaux, majorité… : qui sortira vraiment heureux du cycle électoral 2022 ?

Benjamin Morel

Benjamin Morel

Benjamin Morel est maître de conférences en Droit public à l'Université Paris II Panthéon-Assas.

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Atlantico : Les partis s’apprêtent-ils à vivre une « gueule de bois » politique avec mais surtout après les législatives ?

La France Insoumise

Benjamin Morel : Plusieurs conditions seraient nécessaires pour éventuellement mener à une cohabitation. Il faudrait d’abord, que LFI soit en capacité de structurer la gauche autour d’elle. C’est plutôt bien parti. Si la gauche réussit à structurer intelligemment et réparti les circonscriptions stratégiquement - des candidats écologistes en centre-ville, des candidats PS dans les territoires ruraux où ils sont bien implantés, LFI en banlieue, PC en zone ouvrière - elle pourrait produire quelque chose d’intéressant. Mais le mode de scrutin est pensé pour favoriser les partis centristes au second tour en cas de duel. Il faudrait donc une forte mobilisation électorale pour multiplier les triangulaires et réduire l’avantage de LREM. L’autre possibilité, c’est que la droite se structure elle aussi et passe devant LREM, créant des duels gauche - droite ou RN.  LFI a une vraie réflexion électorale. Ils savent que la possibilité d’une cohabitation est limitée. Mais ils savent aussi qu’ils ont besoin que leur électorat se mobilise. On dit souvent qu’après la présidentielle, les électeurs veulent donner une majorité au président, mais c’est faux. C’est uniquement par ce que l’électorat de l’opposition se démobilise, car il n'y croit plus. Et c’est en créant l’espoir d’être Premier ministre que Mélenchon crée de la mobilisation. Il y aura sans doute une déception dans l’électorat, mais il aura le temps de se ragaillardir pendant cinq ans si le groupe LFI a de quoi incarner une opposition forte, avec l’argent pour le faire, grâce à un groupe parlementaire suffisamment conséquent. Pour LFI, le pari sera gagné s’ils deviennent la première force d’opposition.

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Pour EELV et le PS, même s’ils se retrouvent avec peu de députés, ce sera mieux que rien. Les Verts n’ont pas de groupe actuellement, le PS, sans alliance risque d’avoir toutes les difficultés du monde à survivre. Il pourra tenir grâce à son implantation locale, mais ce sera complexe. Ne compter que là-dessus est risqué et ne leur fera gagner aucune nouvelle circonscription. Au vu du score de Yannick Jadot et d’Anne Hidalgo, limiter la casse voire gagner une ou deux circonscriptions, c’est déjà une victoire. Une alliance avec LFI, si le PS ou EELV réussissent à négocier suffisamment de circonscriptions peut réussir à être financièrement et électoralement intéressant. Évidemment cela pose des questions : LFI est-il fréquentable ? Cela crée déjà des tensions en interne. Mais d’un point de vue purement stratégiquement et non idéologique, financièrement et électoralement c’est une meilleure solution. Nous verrons les conséquences de long terme.

Reconquête ! 

Reconquête ! peut, peut-être, espérer un ou deux sièges, mais en affrontement avec le RN, les chances sont très limitées. S’ils ne présentent pas un front uni avec le RN, l’accès au second tour est compliqué. Reconquête ! a intérêt à une alliance avec le RN d’un point de vue purement comptable, sauf que Reconquête ! souhaitait liquider le RN et ramener les électeurs à lui. Marine Le Pen pourrait avoir un intérêt à s’allier avec Reconquête ! mais elle préfèrera sans doute perdre quelques circonscriptions plutôt que de laisser s’installer à l’Assemblée nationale un parti qui n’a qu’un but, liquider le RN. Si elle peut éviter de laisser une visibilité à Marion Maréchal et Eric Zemmour en les privant de la députation, cela la laisserait en meilleure posture pour dans cinq ans.

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Rassemblement national

Les sondages qui prévoient 100 députés RN se fourvoient complètement. Cela méconnaît totalement la dynamique de ce scrutin. Si le RN a un groupe, ce sera déjà le bout du monde pour lui. Le mode de scrutin est très défavorable aux partis les plus polarisés n'étant pas pris dans un système d'alliance. Et il pourra s’estimer heureux. Cela pourrait s’envisager sous certaines conditions, de participation, d’union.

Les Républicains 

LR ne part pas forcément perdant pour ce scrutin. Si son électorat traditionnel se demeure fidèle, comme il l’a été aux municipales, aux départementales et aux régionales (mais pas aux présidentielles où il s’est déporté sur Emmanuel Macron plutôt que Valérie Pécresse) ce qui impliquerait que le scrutin se joue en partie sur des enjeux locaux, c’est loin d’être fichu pour LR. LR pourrait aussi profiter d’un échec de LREM, soit car la majorité décide de faire campagne à gauche quand 2/3 de son électorat est de centre droit, soit s’ils négligent Edouard Philippe, se fâchent avec lui et qu’il décide de nuire à la majorité voire de passer accord avec LR. Ces possibilités permettent de sauver les meubles, voire de renforcer le groupe et de demeurer le principal groupe d’opposition. Cela pourrait permettre au parti de tenir malgré les dissensions internes.

Partis de la majorité

Pour la majorité, le meilleur scénario, serait l’échec des alliances à gauche et à droite. Cela ferait primer les partis centristes et offrirait une majorité absolue. Mais même comme cela, ses petites composantes n’auront pas tous un groupe parlementaire, puisqu’il faut 15 députés pour avoir un groupe. Ils seront parlementaires rattachés ou apparentés, éventuellement.  Territoires de progrès, les chevènementistes, le printemps républicain, auront quelques députés seulement. Ce ne sera pas le cas de Horizons et d’Edouard Philippe. Il est plus dangereux pour Macron. Il vise 50 circonscriptions et un groupe parlementaire qui à mi-mandat quand Macron apparaîtra en panne de leadership, pourra prendre l’ascendant sur les députés LREM qui commenceront à craindre pour leurs circonscriptions et les rallier à lui. Emmanuel Macron à raison de le craindre, il est en train de tout faire pour le torpiller, comme il l’a déjà fait en empêchant la fusion avec Agir. Mais si Philippe ne se voit pas accorder ses 50 circonscriptions dont 15 à 20 gagnables, il aurait tout intérêt à présenter le plus de candidats dissidents possibles, ce qui obérerait grandement les chances de la majorité.

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Le Modem de Bayrou va possiblement sortir renforcé des législatives. Il dispose d’un personnel plus compétent que les LREM. Ils sont centristes, ce qui est un grand avantage dans ce mode de scrutin, mais ce ne sont pas des amateurs et ils ne sont pas hors sol.

La République en Marche

LREM va sans doute avoir plus de difficulté qu’en 2017 car il n’y aura pas eu d’effet de souffle de la présidentielle pour les législatives. Mais ils sont le parti centriste, celui pour qui le mode de scrutin a été pensé, ce qui leur donne un avantage structurel. Dans des situations de duel, ils peuvent remporter de nombreux duels. Leur majorité peut se trouver renforcé si l'opposition ne se structure pas et que la mobilisation est faible.

La gueule de bois couve-t-elle pour tout le monde après ces législatives ?

Tout dépend du scénario de l’élection. Une forte mobilisation et une forte politisation pourrait être bénéfique à LFI et peut-être au RN. Une démobilisation importante et une nationalisation des votes bénéficierait à LREM qui pourrait même avoir une majorité pléthorique. Une démobilisation mais avec une mise en avant des enjeux locaux favoriserait LR et le PS qui pourraient ainsi en conclure, un peu vite, que la présidentielle n’est qu’un accident de parcours et que la reconstruction de la droite et de la gauche passe par eux.

Comment gérer d’éventuelles déceptions pour éviter que des humeurs plombent le quinquennat ?

Les humeurs parlementaires sont compliquées à éviter. Un parti politique c’est un objet avec une idéologie qui vous prend au sortir du lycée, qui vous forme, vous teste comme conseiller municipal, départemental, comme maire, comme président d’un exécutif local, puis comme député à 40-45 ans et peut être à 60 ans président de la République. Tout cela crée un engagement idéologique et affectif. Le militant trouve le sens de sa vie, parfois son compagnon ou sa compagne dans le parti, etc. Mais tout cela est l’apanage des vieux partis. LREM, ce n’est pas ça. Pour beaucoup c’est une parenthèse dans la vie professionnelle. Donc les possibilités de manifester son mécontentement, voire de rompre avec le groupe, se multiplient. Il va y avoir deux types de députés chez LREM, ceux qui jugent que c’est leur dernier mandat car le parti ne survivra pas au départ de Macron, et pourront s'exempter de la discipline, et ceux qui considèrent qu’ils ont trop investi pour passer à autre chose. Cela signifie devoir se faire réélire et pour ça, trouver un autre leader : Philippe, Bayrou, Pompili, qu'importe... mais cela cristalisera les tensions.

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