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Des militaires maliens défilent devant les chefs du gouvernement de transition lors d'une cérémonie célébrant la fête nationale de l'armée, à Kati, le 20 janvier 2022.
Des militaires maliens défilent devant les chefs du gouvernement de transition lors d'une cérémonie célébrant la fête nationale de l'armée, à Kati, le 20 janvier 2022.
©FLORENT VERGNES / AFP

Et pendant ce temps là…

Si Vladimir Poutine dément tout lien entre les milices russes Wagner opérant dans un certain nombre d’Etats africains et l’Etat russe lui-même, la réalité sur le terrain permet raisonnablement d’en douter

Emmanuel Dupuy

Emmanuel Dupuy

Emmanuel Dupuy est enseignant en géopolitique à l'Université Catholique de Lille, à l'Institut Supérieur de gestion de Paris, à l'école des Hautes Études Internationales et Politiques. Il est également président de l'Institut Prospective et Sécurité en Europe (IPSE). 

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Atlantico : Vladimir Poutine a confirmé la présence de mercenaires russes au Mali mais a contredit les autorités maliennes en expliquant que « le gouvernement russe, l'État russe n'a rien à voir avec ces entreprises qui opèrent au Mali ». Faut-il le croire ?

Emmanuel Dupuy : Le président Poutine n'a pas mentionné explicitement Wagner, il a juste dit qu'il y avait des compagnies privées (Wagner) comme, du reste, des entreprises publiques (Rostec) russes qui avaient signé des accords commerciaux avec les autorités maliennes, celles d’avant et après le putsch d’août 2020, du reste. Il aurait pu rajouter que la société militaire privée (SMP) Wagner est présente et désormais active dans pas moins de 14 pays africains. Il s’agit notamment de la Libye où ils seraient près de 2000, depuis 2017, ainsi que de la République Centrafricaine, où l'on estime à 900 à 1000 supplétifs de Wagner. Il y avait 450 mercenaires au début de l’année 2018 (dans la foulée de l’accord de défense Russie-RCA de mai 2018), donc le double de ce qu'il y a aujourd'hui. On comptabilise aussi 300 sous-traitants de Wagner au Mozambique (luttant contre le mouvement al-Shabaab dans la province du Cabo Delgado, dans le Nord-est du pays), 300 au Soudan (notamment pour assurer la protection de la prochaine base navale russe à Port Soudan). 

Wagner, son PDG, Evgueny Progojine et son fondateur, Dimitri Outkine, désormais sous sanctions européennes, depuis décembre 2021, ont également signés des contrats en RDC, au Rwanda, en Angola, au Zimbabwe, au Lesotho, avec l’état du E-Swatini, au Botswana, à Madagascar, en Guinée, en Guinée-Bissau et bien sûr, désormais, au Mali, depuis quelques semaines, bien que ce ne soit pas encore confirmé par les autorités militaires de transition. D’ailleurs, si cette réalité semble avoir été invalidée par ce qu'a dit le président Vladimir Poutine, ce dernier s’est bien gardé de mentionner un quelconque lien avec cette société militaire privée russe. En revanche, le président russe a bien confirmé implicitement que la Russie était très présente militairement sur le continent africain. Ce sont désormais une quarantaine d'accords d'assistance militaire qui ont été contracté avec les pays africains, notamment, celui de juin 2019 signé avec le Mali, auquel Vladimir Poutine faisait référence. C’est sous l’égide de celui-ci que la Russie a livré quatre hélicoptères d’attaque MI-17 au Mali, le 30 septembre dernier. Le montant de la coopération bilatérale entre Moscou et Bamako est, du reste, parfaitement connu et quantifiable : 23 millions de dollars en 2020, selon l’Institut international de recherche sur la paix de Stockholm (SIPRI). 

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Le président russe aurait pu rajouter, que nonobstant la présence militaire française au Sahel, la Russie a désormais des accords de coopérations militaires avec tous les pays membres du G5-Sahel, dont le dernier avec la Mauritanie, signé le 25 juin dernier.

On observe, ainsi, effectivement une stratégie russe multidimensionnelle en Afrique. Si l'on prend que la dimension militaire, l’on peut déjà se focaliser sur les importantes capacités d'exportations d'armement russes. L'Egypte et l'Algérie sont sur le continent africain les deux principaux clients, avec respectivement 2.8 milliards, et 4,1 milliards de dollars, le troisième étant l'Angola avec 500 millions de dollars, vient ensuite le Nigéria avec 160 millions, le Soudan avec 125 millions et L'Ethiopie avec 70 millions, etc. Le contrat d’équipement des FAMA dont nous parlons a été signé en décembre 2020, il est entré en rigueur en juin 2021. Vladimir Poutine a donc raison de dire qu'il y a bien des Russes présents sur les territoires maliens.

S’agissant de la SMP Wagner, sa présence est aussi avérée au Yémen, en Syrie, en Ukraine (depuis l’annexion de la Crimée en 2014 et la guerre « hybride » qui s’y déroule dans le Donbass), au Venezuela, et très certainement dans le Caucase, où ll est tout à fait possible qu'il y ait des supplétifs de Wagner qui soient utilisé aux côtés des forces russes assurant le cessez-le-feu conclu en novembre 2020 entre l'Arménie et l'Azerbaïdjan, au Haut-Karabagh, sans, néanmoins que cela ait été officiellement confirmé.

Nous pouvons d'autant moins douter du lien entre Wagner et la Russie, qu'il existe le même lien entre les entreprises de service de sécurité et de défense (ESSD) ou sociétés militaires privées Blackwater (devenu Academi), Relyant, Constellis, Dyncorp International et les Américains ;  Executive Outcomes pour les britanniques ; Frontier Services Group (FSG) pour la Chine ; SADAT pour la Turquie, Dyck Advisory et Paramount Group pour l’Afrique du Sud…etc. 

Évidemment que ces sociétés sont domiciliées dans des pays et ont des affiliations par rapport aux contrats qui leur sont « octroyés » par les états dont ils sont originaires, en adéquation avec les opérations militaires de stabilisation des états avec lesquels ils contractent, ainsi que de celles de maintien de la paix onusiennes. Ce n'est ainsi guère étonnant que l'on trouve en Syrie, des supplétifs de Wagner qui ont pu prêter main forte au déploiement des 5000 soldats Russes à partir de septembre 2015. 25% des revenus pétroliers syriens transitent ainsi - depuis 2016, à travers la société « écran » Evro Polis, liée à Wagner et à son PDG, Evgueny Prigojine.

Il n'est pas étonnant, non plus, que l'on trouve des supplétifs Wagner qui ont été utilisés dans l'annexion de la Crimée en 2014, et le sont encore dans la continuité des actions menées par la Russie dans le Donbass. Il semble se confirmer que plusieurs dizaines de mercenaires biélorusses et ukrainiens de Wagner aient déjà plié bagage de RCA, au gré de la tension et risque de conflit entre la Russie et l’Ukraine.

Un communiqué du gouvernement malien du 25 décembre dernier évoquait des formateurs russes dans la zone, que faut-il en déduire ?

Il faut juste prendre le gouvernement de transition au pied de la lettre. 

Oui, il y a bien des Russes présents sur le territoire malien. Qu’ils soient 200 ou 400, comme certaines sources l’indiquent n’a guère d’importance. Ce qui est bien plus important, c’est que ces derniers - soient-ils issus des rangs de Wagner ou qu’il s’agisse de formateurs militaires russes sont dorénavant engagés aux côtés des forces armées maliennes (FAMA). Ils seraient actuellement déployés à Ségou, à 200 km au Nord de Bamako, ainsi que dans la région de Bandiagara et de Bankass, dans la région de Mopti, dans le cercle de Koro, précisément, là où opèrent déjà les milices d’autodéfense Dana Amassagou, supplétifs des FAMA contre les groupes armés terroristes, notamment le Groupe de Soutien à l’Islam et aux Musulmans (GSIM).  Certains bruits insistants évoquent tant l’explosion d’un véhicule blindé russe qui aurait fait des victimes - que la capture de deux ressortissants russes. 

L’on a bien, évoqué, le chiffre de 10 millions de dollars par mois que couterait cette « externalisation » et « russification » de certaines fonctions militaires (formation, entraînement, protection) au profit du groupe Wagner, sans que l’on sache réellement comment le Mali, désormais sous lourdes sanctions de la part de la Communauté Economique des Etats d’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) et de l’UE, pourra « honorer » son contrat. Cela se ferait-t-il au « prix » de l’obtention de licences d’exploitation minière (notamment aurifère), comme ce fut le cas avec Wagner en RCA ? 

On le comprend, beaucoup d’incertitudes planent encore sur la présence russe au Mali. Ce qui est certain, c’est que c’est bel et bien vers un scénario centrafricain que la « génération de force » et « montée en puissance » des moyens militaires (officiels ou officieux) russes nous entraîne au Mali. Il convient ainsi de se rappeler que les autorités centrafricaines avaient, elles aussi, mal compris et pas accepté la décision française de mettre fin à l’opération militaire française Sangaris (5 décembre 2013 - 31 octobre 2016). Il convient ainsi de rappeler de l’amertume exprimée par les présidents et autorités placées à a tête de la transition centrafricaine, qu’il s’agisse de Catherine Samba-Panza, Alexandre-Ferdinand N’Guendet ou encore du président de l’Assemblée nationale, Karim Meckassoua…

Cela n’est pas sans rappeler, quelque peu, les propos peu amènes du premier ministre malien, Choguel Kokalla Maïga, à la tribune de l’Assemblée générale de l’ONU, en septembre dernier, quant à la décision française de redéploiement de l’opération Barkhane. Ce dernier avait parlé d’une « France qui lâchait  le Mali en plein vol ». 

Comparaison n’est pas raison, certes, entre le Mali et la RCA, aurait-on presque envie de dire. Pourtant, en RCA, c’est grâce et dans la foulée du départ des militaires français que la Russie renforçait son assise politico-économico-militaire à Bangui. 

Le départ des militaires français du Mali (opération Barkhane et Task Force Takuba), que le président Emmanuel Macron, a prévu d’annoncer, mercredi 16 février, à Paris, en présence de plusieurs chefs d’état sahéliens, africains et européens, à la veille du 6ème Sommet UE-UA (17-18 février, à Bruxelles) risque de produire le même effet démultiplicateur, qui devrait voir le nombre de Russes augmenter significativement, à l’aune du départ des troupes françaises du Mali. 

Quel intérêt à la Russie à agir dans l’ombre derrière Wagner ? Cela témoigne-t-il d’une stratégie à grande échelle pour le continent ?

Exactement le même intérêt qu'on eu les Américains à utiliser « leur » SMP, notamment Blackwater et Dyncorp International plutôt que des forces officielles dans certaines opérations en Irak et en Afghanistan, voire en Libye. Cela permet de donner l'impression que les victimes civiles des actions cinétiques (il y en a, hélas, toujours) ne sont pas officiellement imputables au contigent américain, et, qu’en parallèle, les éventuelles pertes « amies » au sein des SMP américaines ne sont pas comptabilisables sur le quota américain, eu égard au fait que ces dernières ne portent pas l'uniforme américain. Les Américains justifient souvent la non signature du Statut de Rome, en 2002, créant la Cour Pénale Internationale (CPI) en brandissant une « extra-territorialité » judiciaire qui les arrangent bien et qui rend non condamnable tout ressortissant américain, hors tribunaux américains, en cas de crimes de guerre. 

L’on se souvient aussi, de l’habile tour de « passe-passe », du Pentagone, qui avait failli voir le contingent américain présent en Afghanistan, avant la chute de Kaboul, le 15 août dernier, être minoré de 1000 « contractors » américains agissant en marge des 2500 Gi’S « officiellement » répertoriés !

Ce fut sensiblement la même chose avec Wagner, en Ukraine, en 2014 et en Libye, en 2017. Cela devrait l’être au Mali !

On le perçoit déjà, du reste, alors que les actions antiterroristes menées depuis quelques jours par Wagner, s’accompagnent déjà de deux sous-traitants pris en otage par les groupes armés terroristes, vraisemblablement le GSIM d’Iyad Ag Ghali.

Il y aurait aussi eu un véhicule qui a sauté sur un engin explosif improvisé (IED), il y a quelques jours, près de Bandiagara, alors que l’on ne sache toujours pas s'il y a eu des morts ou des blessés. Tout ceci confirme, en tout état de cause, l’avantage pour Moscou, de faire la guerre par « dérivation », et par personne « interposée ». L’Iran ne fait-elle pas la même chose avec ses « proxies », à l’instar du Hezbollah au Liban, les milices Hachd-al-Chaabi en Irak et les rebelles houthis au Yemen. ? La dimension économique et religieuse en plus, évidemment…

La Russie ne fait pas la guerre sur le continent africain, la Russie ne lutte pas contre le terrorisme, sauf à travers les accords de défense et les coopérations militaires évoquées précédemment, en même temps, elle est perçue bien plus efficace dans son action menée en Libye, en Centrafrique, au Mali, contre les forces en lice, qu’il s’agisse des milices libyennes proches des Frères musulmans, des groupes rebelles centrafricains ou encore des mouvements terroristes ou insurgés au Mozambique.

Est-ce que la présence de Wagner nuit aux Français ?

La présence de Wagner nuit d'abord à l'armée russe !  

Le ministre russe de la Défense, Sergueï Choïgou a été très clair en disant que parfois, Wagner faisait de l'ombre à l'armée russe, et que l’on ne pouvait « résumer » l'armée russe à la guerre hybride menée par Wagner. Lorsque vous êtes militaire, le fait que l'on résume vos actions à celle d'un mercenariat n'est jamais très valorisant, surtout dans de le contexte de la reprise probable des conflits de haute intensité, à l'image d'une Russie, disposant désormais d’une avance technologique manifeste (missiles hypersoniques, capacités sous-marine, bombardiers stratégiques…) et  qui a la capacité de projection de forces à hauteur de plusieurs corps d’armées, comme les 125 000 hommes amassés aux frontières de l’Ukraine tend à le démontrer. 

La France qui se prépare à « gagner la guerre avant la guerre », tel que la nouvelle vision stratégique dévoilée - en octobre dernier - par le chef d’état-major français, le général Thierry Burkhard, le précise, partage sans le doute le même avis. 

L’on ne peut guère comparer les centaines de mercenaires de Wagner avec le « dimensionnement » de l’opération Barkhane - avec ses 5100 militaires (réduits à 2500 en 2023, voire moins) les 3 drones - désormais armés - , les 7 avions de combat, dont 2 Rafales, 19 hélicoptères, plusieurs centaines de véhicules blindés – dont ceux de nouvelle génération Griffon, disposant d’une capacité de projection et dans le domaine de l’Intelligence, la Surveillance et la Reconnaissance (ISR) grâce - il convient de le rappeler - à l’apport de nos partenaires américains et britanniques…

Il faut en conclure que la présence trop « ostentatoire » de Wagner peut paradoxalement gêner l'image d'une Russie qui se voudrait une grande puissance militaire « globale », dont l’ambition de renforcer les coopérations sécuritaires et militaro-industrielles bilatérales en Afrique participe.

Il convient aussi de rappeler que Wagner, comme toute société militaire privée (SMP), opère dans le cadre du phénomène mondial de l’externalisation et de la privatisation de la sécurité, comptant jusqu’à 1 500 de ces sociétés, à travers le monde, employant près d'un million de personnes. Ces SMP rapporteraient un chiffre d'affaires considérable, que le Secrétariat Général de la Défense et la Sécurité Nationale (SGDN) avait estimé, en 2010, entre 100 milliards à 200 milliards de dollars. C'est donc un « business » avant tout, et les Russes s'emploient à prendre le leadership de ce secteur, en cherchant à concurrencer et à devancer les Américains, dans ce domaine. Alors que l’on évoquait - certes, en filigrane -  mais quasi exclusivement le cas de Blackwater, en Irak et en Afghanistan, dans les années 2000-2010, il est logique que l’on parle désormais - avec insistance - de Wagner. Il est d’ailleurs, utile que les critiques que l'on faisait contre les Américains et leurs mercenaires en Irak et en Afghanistan soient les mêmes que l'on fait, aujourd’hui, aux Russes, qu’il s’agisse de la Syrie, de l’Ukraine, de la RCA et sans doute du Mali, demain…

De là, à dire que Wagner nuit aux opérations françaises serait un bien grand mot, d'abord parce qu'elles n'opèrent pas dans les mêmes régions. La France s'est redéployée à partir de ses six bases du Nord du Mali (Tombouctou, Tessalit et Kidal ayant désormais été remises aux FAMA) vers les bases du sud du pays, en l'occurrence Gao, Ménaka et Gossi. Or, ce n'est pas précisément là où Wagner opère, pour l’instant. Actuellement, il n'y a pas - encore - eu de risque de rapprochement « physique » des acteurs sur le terrain, comme l’on pourrait le craindre, à l’instar du théâtre syrien, au cours duquel plusieurs incidents entre les forces américaines et russes ont circulé sur les réseaux sociaux.

Pour l'instant, il n'y a pas encore ce risque-là dans les zones d’actions respectives de Barkhane, tout comme celles de la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation au Mali (MINUSMA)  et de Wagner, notamment dans le Macina et le Gourma et plus largement la région des trois frontières entre le Mali, le Burkina-Faso et le Niger. Il convient, de rappeler que Wagner ne lutte pas contre la France, que les ennemis visés sont les mêmes : les groupes armés terroristes du Groupe de Soutien à l’Islam et aux Musulmans (GSIM) et l’Etat Islamique dans le Grand Sahara (EIGS) et que le « contrat » de Wagner ne concerne que le Mali, et non les pays limitrophes, même si le récent coup d’état militaire au Burkina Faso aurait donné quelques idées à Wagner d’offrir ses « services » au colonel Paul-Henri Sandaogo Damiba…

D’ailleurs, il n’y a guère de différence entre l’action menée par Wagner et les FAMA, d’une part, et celle menée par l’opération Barkhane et les forces armées maliennes, d’autre part, notamment dans le cadre du Partenariat Militaire Opérationnel (PMO). On pourrait même davantage parler de concurrence, que les Français jugent inamicale, mais qui ne les vise pas.
Par conséquent, le président Vladimir Poutine a parfaitement raison de ne pas infirmer ni d'affirmer la présence de Wagner, parce qu'in fine, cela pourrait donner une image d'une armée française qui dépérit, à mesure que la Russie essaie de s’imposer comme une alternative crédible. En infirmant ainsi, les dires du Colonel-président malien, Assimi Goïta et du Premier ministre, Choguel Kokalla Maïga, le président russe semblait vouloir même ménager, sur ce point, en tout cas, son interlocuteur français, au cours du marathon diplomatique qui s’est déroulé, à Moscou, mercredi dernier, à l’aune de la menace de conflit en Ukraine.

Il convient cependant d'ajouter que la France met en place, depuis plusieurs semaines, une stratégie délibérée et assumée visant à décrédibiliser Wagner par rapport à son ancrage en Centrafrique. Le 13 décembre dernier, le fondateur de Wagner a été ciblé, Dimitri Outkine, un ancien membre des forces spéciales russes (Spetsnaz) dont le nom de guerre « Wagner » a donné le nom à la SMP russe qui avait été créée initialement sous le nom de « Groupe Slave ». Huit personnes, issues de la direction de Wagner, dont son propriétaire, Evgueny Prigojine, parfois surnommé le « cuisiner du Kremlin », eu égard au contrat de catering de la Présidence russe, ont également été ciblées par ces sanctions européennes. Il en va de même, avec Valery Zakarov, le conseiller russe pour la sécurité du président centrafricain, Faustin-Archange Touadéra.

La critique des forces armées françaises et des services de renseignements français s’est faite plus précise ces derniers jours, par le truchement  d’un rapport de la DGSE mettant en exergue près de 200 exactions (pillages de ressources, vols, obtention illégales de licences d’exploitation minières au profit de concussions commises par les autorités de RCA, occupations illégales d’habitations, arrestations arbitraires, actes de tortures, viols, exécutions extra-judiciaires…) qui auraient été commises par Wagner depuis 2016. 

La France ne pouvant le faire au Mali, pour l'instant, par manque de preuves avérées, concentre ainsi ses critiques sur Wagner en Centrafrique. Implicitement, la Russie préfère aussi remettre les fautes sur cette société plutôt que sur son armée. C’est logique et compréhensible.

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