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Cette fièvre anti-libérale qui pollue la droite française
©ALAIN JOCARD / AFP

Culture économique

Du côté des LR, la volonté de se distinguer d’Emmanuel Macron et un certain déficit de culture économique poussent à la confusion grandissante et la critique nécessaire des excès du capitalisme financiarisé et le soutien tout aussi nécessaire à la liberté d’entreprendre et de commerce.

Frédéric Mas

Frédéric Mas

Frédéric Mas est journaliste indépendant, ancien rédacteur en chef de Contrepoints.org. Après des études de droit et de sciences politiques, il a obtenu un doctorat en philosophie politique (Sorbonne-Universités).

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Atlantico.fr : Guillaume Peltier était à Saint-Quentin, dans l'Aisne, le 25 janvier dernier pour débattre avec des militants LR autour de son dernier lire "Milieu de cordée". Une réunion, à laquelle Xavier Bertrand, qui a quitté LR en 2017 était présent. Si sa présence a pu surprendre, son enthousiasme face au livre du numéro 2 de LR étonne aussi.

Guillaume Peltier défend une droite qui serait moins libérale et opposée à un certain type de capitalisme qui selon lui promeut le profit par-dessus tout, la spéculation et les délocalisations sauvages. Xavier Bertrand symbolise quant à lui une droite plus sociale. Leur rencontre et leur alignement sur une pensée -sur certains points au moins- similaire marque-t-elle la montée d'une droite qui serait plus anti-libérale, plus anti-capitaliste ?

Frédéric Mas : On peut reconnaître à M. Peltier de la constance dans l’engagement. Son antilibéralisme le suit depuis ses premiers engagements au sein des courants les plus conservateurs, pour parler par euphémisme, de la droite française jusqu’à maintenant. Ce qui peut étonner, c’est qu’aujourd’hui l’ancien traditionaliste se rapproche de celui qui hier claquait la porte de l’UMP suite à l’élection jugée « trop droitière » de Laurent Wauquiez à la tête de la formation de centre-droit.  

La convergence « sociale » des deux ténors de la droite d’aujourd’hui me semble donc d’abord tactique. Ce sont deux élus locaux implantés dans des circonscriptions du monde rural, durement touché par les aléas de la mondialisation économique. Exprimer sa solidarité à l’endroit des « perdants de la mondialisation » plutôt que du côté des gagnants, dans de telles circonstances, est électoralement plus porteur.

Ensuite, se dire aujourd’hui « antilibéral » à droite comme à gauche, c’est surtout se dire anti-Macron. Le président de la république, étiqueté ultralibéral, bien qu’il soit plus une sorte de rocardien réformiste, est aujourd’hui la cible de toutes les contestations et haines politiques. Politiquement, il serait suicidaire de vouloir être associé à un personnage si détesté. Même les candidats de la République en Marche se sont mis d’accord pour ne pas candidater sous leurs propres couleurs.

Alors que la droite a toujours été plutôt libérale, soutenant la liberté d'entreprendre ou encore allégeant les taxes pour les entreprises, d'où vient cette volonté de s'aventurer sur un terrain qui est traditionnellement celui de la gauche ? Est-ce une forme de populisme apparu en réaction directe à l'arrivée au pouvoir d'Emmanuel Macron, et à la nécessité pour la droite, si elle veut continuer à exister, de se réinventer ? 

Le problème du centre-droit en France est un problème d’identité : son aile centriste a été siphonnée par la majorité présidentielle, et son aile droite se fait débaucher par le rassemblement national. Dans les deux cas, l’extrême droite lepéniste et le centrisme macronien réussissent à mieux occuper les créneaux traditionnellement défendus par la droite modérée, c’est-à-dire la demande d’ordre et de sécurité d’un côté et la compétence économique de l’autre. Notons au passage que si le centre-droit est souvent apparu comme un gestionnaire compétent -à mon avis à tort- comparé à la gauche, il n’a jamais véritablement embrassé l’esprit du libéralisme. Le dernier livre de Pascal Salin sur le « Vrai libéralisme » nous offre un témoignage indispensable sur le sujet.

Quelle place disponible reste-t-il sur l’échiquier politique si le national-populisme et le centrisme macronien occupent le terrain ? Messieurs Peltier et Bertrand semblent penser que le créneau social-démocrate abandonné par un parti socialiste devenu moribond pourrait redonner du lustre au champion LR. Il ne s’agit pas vraiment d’une nouveauté, et l’initiative pointe une fois encore l’incapacité qu’ont la droite comme l’extrême-droite de trouver des idées originales qui ne soient pas de simples copiés-collés de celles de ses adversaires d’hier. Après Marine Le Pen qui défend le programme commun de 1981, voilà des élus de droite qui regardent le mitterrandisme avec les yeux de Chimène. Ce n’est pas vraiment une réinvention.

Une telle forme d'anti-libéralisme de droite peut-il séduire une part de l'électorat français ? A-t-il sa place ? 

La rhétorique antilibérale peut séduire l’électorat jusqu’à un certain point, celui de l’expérience concrète de la fin de la liberté individuelle et de la banqueroute.

Les démagogues qui promettent plus d’argent public alors que les caisses sont vides, l’Etat endetté à hauteur de 98% du Pib et les classes moyennes fiscalement lessivées, plus d’autorité alors qu’ils ont été incapables de s’élever contre l’hyperprésidentialisation du régime, et plus de sécurité après vingt ans de régression dans le domaine des libertés fondamentales au nom de la lutte contre le terrorisme, bénéficient d’un crédit aujourd’hui intact. Ces idées ont donc toutes leurs chances dans la compétition électorale.

Espérons donc que cet « antilibéralisme de droite » soit aussi sérieux que l’empilement de promesses programmatiques du centre-droit de ces 40 dernières années, les promesses n’engageant que ceux qui les écoutent, pour paraphraser un ancien président du conseil sous la quatrième république.

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