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Olivier Faure (PS) et Mathilde Panot (LFI) lors d'une manifestation, le 16 octobre 2022.
Olivier Faure (PS) et Mathilde Panot (LFI) lors d'une manifestation, le 16 octobre 2022.
©CHRISTOPHE ARCHAMBAULT AFP

Incitation à la dissolution

Au premier tour du congrès du PS, Olivier Faure a réuni entre 48 et 50 % des votes lors d'un scrutin qui n'a attiré qu'un adhérent sur deux. Jean-Luc Mélenchon, de son côté, n'a attiré qu'un million de téléspectateurs lors de son passage dans L'Evènement, l'émission politique de France 2. Deux éléments qui montrent la faiblesse de la gauche partisane.

Jean Petaux

Jean Petaux

Jean Petaux, docteur habilité à diriger des recherches en science politique, a enseigné et a été pendant 31 ans membre de l’équipe de direction de Sciences Po Bordeaux, jusqu’au 1er janvier 2022, établissement dont il est lui-même diplômé (1978).

Auteur d’une quinzaine d’ouvrages, son dernier livre, en librairie le 9 septembre 2022, est intitulé : « L’Appel du 18 juin 1940. Usages politiques d’un mythe ». Il est publié aux éditions Le Bord de l’Eau dans la collection « Territoires du politique » qu’il dirige.

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Atlantico : Au premier tour du congrès du PS, Olivier Faure a réuni entre 48 et 50 % des votes. son rival, Nicolas Mayer-Rossignol, 30.5- 31,5 % et Hélène Geoffroy, la maire de Vaulx-en-Velin, serait entre 19 % et 21 % selon les sources. Dans quelle mesure est-ce un désaveu pour le premier secrétaire du PS ?  Qu’est-ce ce que ces résultats peuvent dire du destin du PS ? Et pour la ligne anti-NUPES?

Jean Petaux : Il faut être précis sur les termes et sur la procédure. Officiellement le vote du 12 janvier est celui qui porte sur les Textes d’orientation (jadis les « motions »). Le « TO2 » est celui porté par Olivier Faure, le premier secrétaire sortant. Sur les 41.000 adhérents potentiels inscrits pour voter, moins d’un sur deux s’est déplacé. Ce qui est très médiocre en termes de vie démocratique interne.

Un seul exemple… En Gironde, dans la quatrième ville du département, Talence, la commune « historique » du campus universitaire, dirigée par un maire socialiste jusqu’en 1983, passée au RPR puis à l’UDF et au MODEM (allié au RPR puis à l’UMP) et aujourd’hui dirigée par un maire sans-étiquette mais proche d’Emmanuel Macron et de François Bayrou, qui vote « à gauche » à toutes les élections nationales et territoriales sauf municipales, depuis 1983, la section socialiste qui enregistra jusqu’à 250 adhérents au début des années 1980, compte, pour ce vote, 20 adhérents. 12 se sont déplacés pour voter. Le texte d’Olivier Faure a obtenu 7 voix ; celui de Nicolas Mayer-Rossignol 3 voix et celui d’Hélène Geoffroy 2 voix. Voilà où en est le PS aujourd’hui dans une ville située dans une agglomération présidée par le maire socialiste de Mérignac (Alain Anziani), dans un département présidée par un socialiste (Jean-Luc Gleyze) et dans la plus grande région de France, la Nouvelle-Aquitaine présidée par un socialiste (Alain Rousset). Il va bientôt falloir un « compte fil » pour collationner les votes dans cet ancien parti de gouvernement.

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En fait la victoire (relative) de la direction sortante du PS, l’équipe emmenée par Olivier Faure, qui devrait confirmer ce résultat dans une semaine, le jeudi 19 janvier, n’est pas une surprise. Ne sont restés majoritairement au PS, depuis 5 ans, que les « fidèles » de Faure qui adhèrent à sa ligne et ont eu un réflexe de « combattants du dernier carré », défendant la motion de leur leader. C’est tout à fait classique dans ces moments de la vie d’une organisation qui connait alors des comportements parfois peu éloignés de ceux d’une secte. On ne peut donc pas dire qu’Olivier Faure a été désavoué par le vote. Il a recueilli une majorité (quasiment absolue) de suffrages, mais ce sont les voix d’une « armée morte » où un peu plus de 20.000 personnes se sont exprimées. Autrement dit, sur toute la France, il a dû recueillir un peu plus de 10.000 voix. Ce qui était, en nombre d’adhérents, à la fin des années 1970, le chiffre de la fédération du Pas-de-Calais ou des Bouches-du-Rhône… Il est d’ailleurs impossible de connaître le résultat « officiel » de ce vote. Au moment où ces lignes sont écrites, le vendredi 13 janvier 2023 à 22h, le site internet officiel du Parti Socialiste, 24 heures après le vote des militants, n’a toujours pas affiché les résultats de la consultation électorale interne. Le « calendrier du congrès », une des « pages » du site, est plus soucieux de bien respecter l’écriture inclusive dans son texte que de donner les résultats au public… On a le sens de la hiérarchie des priorités et de ce qui est essentiel ou on ne l’a pas…

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La ligne anti-NUPES a perdu son challenge. Ce n’est pas une surprise non plus. La NUPES explosera avant que le PS n’ait compris qu’il aurait mieux fait de quitter, alors qu’il était encore « au sec », un bateau qui va couler dans les prochains mois, et qui passera difficilement « le récif des Européennes ». Pour autant, on a bien vu pour les élections européennes de 2019 un PS se tirer, avec application et méthode, grâce à son premier secrétaire Olivier Faure, coutumier du fait, une première « balle dans le pied », en laissant la tête de « sa » liste au très médiatique, « people-itique » Raphaël Gluksmann, à la tête d’un micro parti qui se résumait à sa très médiatique personne… On peut donc imaginer aussi qu’en 2024, au nom d’une quelconque « unité de la gauche » aussi improbable qu’artificielle, Olivier Faure, toujours premier secrétaire, laisse la tête de liste de son parti à… un cheval ! Néron avait fait pire !...

Le PS est condamné à disparaître, en l’état. Il est dans la situation de la SFIO en 1969. S’il veut renaître de ses cendres il lui faut un congrès de la refondation, comme à Epinay en juin 1971. Un nouveau nom, un nouveau logiciel politique et sans doute, un nouveau premier secrétaire entouré d’une nouvelle équipe… Laquelle équipe aurait, en groupe, du talent et qui serait collectivement intelligente. Ce qui n’est pas le cas de l’équipe sortante. Ce qui ne préjuge en rien des qualités individuelles de chaque membre actuel pris séparément, d’ailleurs.

Dans le même temps, Jean-Luc Mélenchon était l’invité de L'Évènement, l’émission politique de France 2. L’audience, d’à peine 1,03 million de téléspectateurs témoigne-t-elle d’un désintérêt pour l’ancien leader de LFI ? et plus largement pour son parti ?

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Il arrive que même les « meilleurs clients » ne fassent plus recette. Cela dit, à sa décharge, Jean-Luc Mélenchon devait affronter une rude concurrence qui a attiré, en masse, les « gens »… Cette catégorie improbable dont il aime à se réclamer dans ses effets tribunitiens préférés… « Les Disparus de la Forêt Noire » sur TF1, pour les deux épisodes, ont rassemblé entre de 4 et 4,5 millions de téléspectateurs (entre 22 et 24% de part de marché) et le remarquable western spaghetti « Pour une poignée de dollars » sur France 3 a attiré près de 2 millions de téléspectateurs (9,7% de part de marché). Avec son million de téléspectateurs sur France 2, Jean-Luc Mélenchon a réalisé un score moitié moindre que Clint Eastwood dans le western de Sergio Leone. Il y a belle lurette que l’on sait que la musique d’Ennio Morricone résonne plus aux oreilles des Français que les notes de L’Intenationale… Mais c’est surtout que Jean-Luc Mélenchon paie, par sa contre-performance en termes d’audimat, un positionnement parlementaire de LFI qui déplait de plus en plus. Il paie aussi une réaction pour le moins paradoxale, en tous les cas comprise et ressentie comme telle, dans « l’affaire Quatennens » et une séquence « purge » au plus haut niveau de LFI qui rappelle plus les conduites d’un groupuscule trotskyste que le fonctionnement d’un parti dont le leader se voyait (c’était de l’intox certes mais il ne fallait pas le marteler), en juin dernier, « à Matignon ».

Là où le mécontentement majoritaire de l’opinion publique (près de 2 Français sur 3 sont hostiles au projet de loi gouvernemental sur le report de l’âge de la retraite) devrait profiter à toutes les oppositions politiques à ce texte, LFI et son « lider massimo » semblent passer à côté, pour l’instant, de l’Histoire. Eux qui y sont tant attachés, surtout quand il s’agit de « celle des forces de gauche »,  devraient méditer sur ce point. On peut considérer ici d’ailleurs que la musique différente que fait entendre le député de la Somme, François Ruffin, n’est pas dénuée de fondement. Ruffin a le mérite de dire à ses camarades et surtout aux quelques « commissaires politiques » de LFI, professionnels du militantisme, nourris d’idéologie gauchiste, que la démarche « décoloniale » n’est pas, entre autres thèmes qui les excitent,  le grand sujet auquel s’intéressent en ce moment les Français.

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Qu’est-ce que ces éléments, symboliques, laissent présager pour l’avenir de la NUPES?

J’ai déjà répondu à cette question. Le plus probable c’est une dissolution de la NUPES dès lors que l’une (ou plusieurs) des formations coalisées considérera qu’elle a plus à perdre à rester « collé-serré » à LFI qu’à tenter de voler de ses propres ailes. En fait LFI est le type même de formation autocentrée sur son leader. Le fait que celui-ci prenne du champ et ne soit plus physiquement présent dans les couloirs de l’Assemblée ou ne siège plus sur les bancs de son mouvement, amplifie son retrait. Quand Mélenchon aura quitté la scène, LFI connaitra une grave crise, non pas « de croissance » comme dit son fondateur-inspirateur, mais de « décroissance »… On pourrait presque dire de « dégonflage »… C’est le lot des figures charismatiques qui entrainent derrière elles, par leur verbe et leur talent, de fidèles « afficionados ». Leur retraite sonne le glas de leur formation politique. LFI n’échappera pas à la règle… Car on ne peut pas dire que Manuel Bompard soit doté du même rayonnement tribunitien que celui de son mentor qui lui a « donné » sa circonscription marseillaise aux législatives de juin 2022.

La faiblesse de la gauche, à l’heure où la droite est prête à travailler de concert avec le gouvernement pour la réforme des retraites, pourrait-elle être une incitation à la dissolution pour Emmanuel Macron ?

Je ne le pense pas. Certes la gauche partisane est faible mais Emmanuel Macron ne peut pas se permettre de parier sur cette faiblesse pour tenter une opération de « face à face » avec le RN dans les 577 circonscriptions législatives. Il est sans doute trop tôt pour s’engager dans un tel challenge pour le Président de la République. Il lui faut laisser l’Assemblée être entièrement paralysée par le « flibustering » (technique parlementaire visant à bloquer le fonctionnement de l’Assemblée, importée des Etats-Unis et remarquablement mise en scène dans un « classique » du film politique, « Mister Smith goes to Washington » (« Monsieur Smith au Sénat ») (1939) du génial Franck Capa). Alors, peut-être, Emmanuel Macron, appuyant sur le bouton « nucléaire » de l’article 12 de la Constitution, pourra dissoudre l’Assemblée mais il faudrait que parallèlement au blocage politique parlementaire il y ait aussi un blocage social du pays pour que le « peuple » soit convoqué en tant qu’arbitre visant à résoudre la crise… Nous n’en sommes pas là. Le blocage social peut se produire, dans les semaines à venir, en fonction de l’amplification de la mobilisation des opposants au projet gouvernemental sur la retraite, mais, avec le soutien de LR dans le vote parlementaire, le blocage politique est peu probable… Même si une bataille d’amendements s’annonce de la part de LFI, voire du RN, le règlement des travaux de l’Assemblée nationale permettra même de débloquer la situation en envoyant, sans vote, le texte au Sénat. Une CMP (Commission Mixte Paritaire) « bouclera » l’affaire ensuite.  En somme, personne, peut-être en dehors du RN et, dans une moindre mesure LFI (pour des raisons totalement différentes), n’a intérêt à se représenter devant les électeurs…

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