Cette culpabilité du survivant qui s’installe chez certains rescapés du Covid <!-- --> | Atlantico.fr
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Un membre du personnel soignant s'occupe d'un patient atteint du Covid-19.
Un membre du personnel soignant s'occupe d'un patient atteint du Covid-19.
©Anne-Christine POUJOULAT / AFP

Effet psychologique de la maladie

Des semaines ou des mois après leur guérison, des patients atteints du Covid-19 souffrent encore d'un mal-être psychologique lié au choc de la maladie. Cela peut parfois aller jusqu'à un sentiment de culpabilité ou à un trouble de stress post-traumatique.

Thierry Baubet

Thierry Baubet

Le Professeur Thierry Baubet est psychiatre, chef de service psychiatrie addictologie à l'Hôpital Avicenne de Bobigny. Il est également membre du Collectif Du Côté de la Science

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Atlantico : Est-il possible que des patients Covid-19 développent un sentiment de culpabilité après avoir survécu à la maladie ? Comment se traduit-il ? 

Thierry Baubet : Oui, c'est une réalité et c'est même assez fréquent. Je n'utilise pas vraiment le terme de culpabilité du survivant qui est plutôt utilisé quand des personnes ont survécu alors que des proches ayant été confronté à la même situation qu'elles sont morts. Dans le cas du Covid, dans la majorité des cas, le sentiment de culpabilité fait partie de ce qu'on appelle le trouble de stress post-traumatique (PTSD). Ce trouble peut être très sévère et très invalidant. On l'observe chez des personnes qui ont pensé qu'elles allaient mourir ou même qui ont vu leur mort en face. Cette expérience que l'on retrouve dans les agressions physiques, sexuelles, les maladies graves ou toute autre situation traumatisante entraîne plusieurs phénomènes dont des flash backs, un état d'hyper-alerte permanent et une perturbation des émotions où la culpabilité tient une place essentielle. Cette culpabilité ne s'explique pas par des raisons subjectives. 

La culpabilité est un symptôme fréquemment décrit après les passages en réanimation. Pour le Covid, autour de 20% des patients développent des syndromes post-traumatiques dont un symptôme de culpabilité. Des personnes moins malades, pas hospitalisées mais qui étant isolées chez elles et voyant leurs symptômes empirer, ont aussi pensé qu'elles allaient mourir. Celles-ci aussi ont pu développer un syndrome post-traumatique.

Il y a également le cas des personnes qui s'interrogent pour savoir s'ils ont contaminé leurs proches. Sont-ils à l'origine des morts survenus dans leur famille ? C'est un autre tabou, lourd à porter, qu'il faut aussi traiter.

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Ce genre de maladie infectieuse n'a pas de sens. Comme la foudre, elle peut s'abattre sur n'importe qui. Cela relève d'une forme d'arbitraire. La culpabilité est aussi la première étape d'une reconstruction d'un sens. Se dire : "J'y suis pour quelque chose dans tout ça". On l'entend souvent au début d'une thérapie et ça s'estompe au fil de la prise en charge. 

Quelles conséquences durables peut avoir ce phénomène ?

Cette perturbation des émotions peut se mesurer sur le très long terme. On a beaucoup parlé des morts et des endeuillés - à juste titre. Mais il y aussi l'effet psychologique de la maladie qui peut durer des années s'il n'est pas pris en charge. Une population vraisemblablement très importante a développé des troubles psychiques peu ou pas diagnostiqués. C'est autant de personnes qui vont avoir du mal à retourner au travail, à socialiser, etc. Les conséquences sont majeures et constituent une partie du problème des Covid longs.

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