Cet ancien braqueur de banques a réussi à se réinsérer dans la société grâce à l'aide d'un policier de proximité<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
Société
Cet ancien braqueur de banques a réussi à se réinsérer dans la société grâce à l'aide d'un policier de proximité
©Reuters

Bonnes feuilles

Mohamed devient braqueur de banques à 18 ans. Il réussira plusieurs attaques à main armée et croisera les plus grands noms du milieu, notamment un certain Antonio Ferrara, dit « Nino », qui n'est pas encore connu dans les années 90. Il passera huit ans derrière les barreaux. À sa sortie, la réinsertion est douloureuse, et il sombre dans l'alcoolisme avant de se reconstruire. Aujourd'hui il a 45 ans et, avec ce livre témoignage, il veut raconter son parcours pour donner à réfléchir, partager son histoire pour les dissuader de commettre les mêmes erreurs. Extrait de "J'étais braqueur de banques...", de Mohamed Sifaoui, aux éditions du Rocher 2/2

Au bout de plusieurs mois, la lassitude et l’alcoolisme aidant, j’ai commencé à me disputer de plus en plus souvent avec Danièle. Je me faisais aussi arrêter très régulièrement par la police, soit pour tapage, soit pour alcoolisme sur l’espace public. Je me retrouvais ainsi très fréquemment en cellule de dégrisement. Un jour, alors que j’étais en garde à vue, un policier est venu me voir, et j’ai commencé instinctivement à lui raconter certaines de mes péripéties. Quand je lui ai fait part de mon passé de braqueur, il m’a pris d’abord pour un mythomane avant d’aller vérifier dans les fichiers et de constater lui-même que tout ce que je lui racontais était vrai. Le lendemain, après la fin de ma garde à vue, ce policier, Alain, m’a proposé qu’on garde le contact.

Je ne comprenais pas trop l’attitude de ce flic. C’était – en même temps – la première fois que quelqu’un se souciait de moi de manière aussi désintéressée. Ce policier n’avait aucune raison de me montrer autant d’empathie et de m’encourager à m’en sortir. Pour couper court à toute ambiguïté, je lui ai fait savoir que je n’étais pas du genre à faire l’indic. Dès le moment où cet aspect était clarifié et qu’il m’a certifié que ce n’était pas du tout son intention, instinctivement et sans vraiment réfléchir – car me sentant probablement en confiance – je me suis livré et me suis mis à lui raconter à la fois mes galères et mes « hauts faits d’armes» dans le monde du braquage. Quelques semaines plus tard, j’ai reçu par courrier une convocation de la police: «Pour affaire vous concernant» était-il mentionné. Évidemment, je n’avais rien fait de répréhensible, et j’ai donc commencé à m’interroger et à essayer de comprendre les raisons de ce courrier. Le lendemain, inquiet, je me suis rendu au commissariat. En arrivant sur place, on m’a fait patienter à l’accueil avant qu’Alain ne vienne en souriant.

«Qu’est-ce qui se passe, lui ai-je lancé, pourquoi j’ai reçu une convocation ?

– C’est moi qui te l’ai envoyée, je voulais avoir de tes nouvelles.»

Ces marques d’intérêt, totalement inhabituelles, m’ont fait replonger dans la suspicion que j’avais eue au début à son égard. Je lui ai alors, de nouveau, rappelé que s’il comptait faire de moi son indic, c’était peine perdue. Alain m’a rassuré une nouvelle fois en me disant: «Je te respecte encore davantage, car tu as su, malgré les difficultés, garder tes valeurs.»

À la fin de cette nouvelle rencontre, il m’a donné son numéro de téléphone et a noté le mien. Nous avons décidé de rester en contact et une vraie amitié est née progressivement – cela fait huit ans maintenant que nous nous connaissons et nous donnons régulièrement des nouvelles – et je dois dire qu’elle a participé à ma reconstruction et que cette confiance s'est consoldiée au fil des années. Je n’avais pas l’habitude de discuter avec des policiers qui étaient jusqu’alors des ennemis pour moi. Alain a trouvé les mots qui m’ont aidé à dépasser mes angoisses et à éloigner de moi le spectre de la récidive. C’est à lui que, un jour, j’ai signifié mon envie d’écrire un livre pour raconter mon expérience et dissuader peut-être des jeunes de suivre ma voie. Quelques années plus tard, en 2015, il m’a présenté le journaliste Mohamed Sifaoui qui allait m’aider à la fois à trouver un éditeur et à écrire ce témoignage. Je veux le souligner avec insistance, aucun intérêt ne nous lie, Alain et moi, et il n’a jamais dérogé à la moindre règle éthique qui régente son métier. Un jour, il m’a dit clairement: « Si j’apprends que tu veux remonter au braquo, je serai le premier à venir te passer les menottes.»

À chaque fois que je discute avec lui, je ne peux m’empêcher de penser à l’ancien président Nicolas Sarkozy, celui qui avait dit à des policiers de proximité que leur rôle n’était pas de jouer au football avec des jeunes, mais de réprimer et de réprimer seulement. Je voudrais lui dire à quel point il se trompe car, dans mon cas, Alain le policier a contribué spontanément et de manière désintéressée à ma réinsertion dans la société.

Le jour où j’ai commencé à travailler sur ce livre avec mon coauteur, Alain m’a envoyé un texto pour m’encourager une fois de plus: «Dans le monde, il y a les hommes et les autres. C’est peut-être la plus dure épreuve que tu viens de passer, celle de ne pas retomber et celle de faire confiance à un schmitt. Sûrement plus dure que celle de monter au braquo. Ici, pas d’adrénaline, pas de flouze à la sortie, mais la vie, la vraie. Le banditisme, est derrière toi maintenant. Bravo de t’en être sorti. Et dit par un condé, ce n’est pas rien.»

Cela me permet de rappeler aujourd’hui à quel point ce livre, qui lui doit beaucoup, est important à mes yeux, car il m’a permis de réaliser mon premier grand projet de citoyen et d’homme honnête.

Extrait de "J'étais braqueur de banques...", de Mohamed Sifaoui, publié aux éditions du Rocher, le 3 octobre 2016. Pour acheter ce livre, cliquez ici

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !