Ces violences sur les personnes âgées causées par le manque de formations adaptées des personnels soignants<!-- --> | Atlantico.fr
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Le tabou de la maltraitance des personnes âgées notamment dans les maisons de retraite est en train de tomber. Le Figaro a révélé que plus de 400 dossiers de violences ont été traités dans ces établissements mais aussi dans les services hospitaliers.
Le tabou de la maltraitance des personnes âgées notamment dans les maisons de retraite est en train de tomber. Le Figaro a révélé que plus de 400 dossiers de violences ont été traités dans ces établissements mais aussi dans les services hospitaliers.
©Reuters

Manque de vocation ?

De plus en plus de personnes âgées subissent des violences dans les maisons de retraite. Plus de 400 dossiers auraient été traités l'année dernière selon le Figaro.

Catherine Sarrazin-Moyne

Catherine Sarrazin-Moyne

Catherine Sarrazin-Moyne est psychopraticienne de formation. Depuis longtemps, elle est accompagnatrice et, depuis un an, visiteuse bénévole VMEH (Visite des malades en établissements hospitaliers et des résidents en maison de retraite).

Elle est l'auteur du livre "Tu verras, tu seras bien... : Enjeux humains et économiques dans les maisons de retraite" chez Yves Michel Editions.

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Atlantico : Le tabou de la maltraitance des personnes âgées notamment dans les maisons de retraite est en train de tomber. Le Figaro a révélé que plus de 400 dossiers de violences ont été traités dans ces établissements mais aussi dans les services hospitaliers. Comment expliquez-vous cette recrudescence des violences à l'égard des personnes âgées ?

Catherine Sarrazin-Moyne : Aujourd'hui, la nécessité est de pouvoir enfin aborder ce problème. Si le tabou commence tout doucement à tomber, on se rend compte qu'il est encore bien ancré dans les établissements qui accueillent les personnes âgées. En effet, quand on voit le chiffre de 400, cela ne paraît pas énorme à comparer de ce qui se passe réellement. Il faut oser dire les choses et regarder la vérité en face pour trouver des solutions. Les personnels de santé choisissent souvent ce métier par vocation mais se retrouvent ensuite dans un engrenage qui conduit souvent à la maltraitance. Il faut savoir que tous nos aînés ont subi un jour ou un autre des petites maltraitances par le personnel de santé.

Les facteurs pour expliquer cette violence sont multiples. Tout d'abord la prise de contact standard du personnel avec les patients et la manière mécanique de les appréhender a tendance à vicier les rapports. Souvent, par exemple, les aides soignants s'expriment en criant, partant du postulat que toutes les personnes âgées sont sourdes, ce qui est absurde. Cela peut-être vécu comme une agression par les résidents. Il existe des stéréotypes sur le regard que l'on porte sur les personnes âgées : ingrates, démentes... On peut donc arriver à des maltraitances en se basant sur ces malentendus. Dans un quotidien, la personne déjà en difficulté va être d'autant plus mise dans une posture de régression.

Existe-t-il une forme de déshumanisation de la personne âgée dans les maisons de retraite et hôpitaux ?

Oui, tout à fait, et cela est dû au fait que le personnel fait son travail de manière routinière. Le principal problème, c'est la demande permanente d'efficacité et de résultat. Cela fait passer à côté de l'humain et des vrais relations à entretenir avec des personnes qui sont dans une situation de faiblesse.

On est sur du technique mais plus dans l'humain, à tous les niveaux. Il y a un vrai manque de communication entre le personnel de santé et les résidents mais aussi avec le personnel administratif. Comment voulez vous alors que ça marche ?

Les personnels soignants sont-ils assez formés pour faire face aux conditions bien spécifiques des personnes âgées (maladie d’Alzheimer, etc.) et à leurs réactions parfois imprévisibles ?


Effectivement, la formation technique existe mais la formation de développement personnel manque à l'appel. Apprendre, oui, mais les personnels doivent aussi apprendre à se connaître et apprendre à connaître la motivation de la profession à laquelle ils se destinent. Cela passe également par la création d'endroit au sein des maisons de retraite où le personnel peut vider son sac. Il y a donc beaucoup de progrès à faire. Et souvent, les violences sont liées à l'angoisse du personnel face à une situation.

La naissance de comités d'éthique, qui commencent à émerger au fur et à mesure, est une très belle avancée dans le sens du développement du personnel. Aujourd'hui, ils ne savent plus à qui se confier et travaillent d'une manière permanente dans l'urgence, faute d'employés.

Comment améliorer la formation des personnels soignants pour régler ces problèmes de violence ?

Il faudrait améliorer les formations en y ajoutant des cours de développement personnel, en mettant de l'humain et beaucoup plus de travaux pratiques pour travailler sur soi-même. Pourquoi pas imaginer des référents extérieurs dans les structures auprès desquelles on peut échanger et mieux comprendre certaines réactions. Un lieu pour prendre du recul en quelque sorte.


Attention toutefois à ne pas faire en sorte que la souffrance du personnel ne soit pas récupérée de façon à les mettre en difficulté, ce que l'on peut imaginer si un infirmier vient se confier et qu'on l'utilise pour le désigner comme faible et incompétent.

Devrait-on étendre les formations précitées à l'intégralité du personnel des maisons de retraite et hôpitaux (administratif, personnel ménager, etc.), ne serait-ce que pour encourager une véritable sensibilisation à pareil problème ?


Absolument. Une maison de retraite, c'est tout le monde. Il ne faut pas confondre avec les hôpitaux, car ce doit être un véritable lieu de vie. Faut-il encore dire que la vieillesse n'est pas une maladie...

Toutes les personnes qui sont dans l'établissement sont parties prenantes de l'humain, de la femme de ménage aux familles en passant par la direction et devraient être sensibilisées à cette question de la maltraitance d'une manière assez libre.

Comme le disait le psychiatre Jean Maisondieu : « La démence de nos personnes âgées est peut-être une réponse à notre indifférence ».

Propos recueillis par Célia Coste

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