Ces vilains petits secrets du pouvoir d'achat français qui pourraient bien... nous exploser au visage<!-- --> | Atlantico.fr
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Les gains de pouvoir d'achat sont importants depuis trente ans.
Les gains de pouvoir d'achat sont importants depuis trente ans.
©PHILIPPE HUGUEN / AFP

Crise économique ?

Les gains de pouvoir d'achat sont conséquents depuis trente ans. Pourtant, la productivité de l'économie française diminue.

Don Diego De La Vega

Don Diego De La Vega

Don Diego De La Vega est universitaire, spécialiste de l'Union européenne et des questions économiques. Il écrit sous pseudonyme car il ne peut engager l’institution pour laquelle il travaille.

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Atlantico : Depuis 30 ans, la productivité de l’économie française diminue. Pourtant, les gains de pouvoir d’achat sont conséquents sur la période. À quoi les devons-nous ? 

Don Diego de la Vega : Les gains de productivité étaient encore élevés il y a trente ans, mais ils sont déclinants. Tellement déclinants que depuis 2008 ils sont quasi nuls, on peut même considérer qu’ils sont négatifs depuis trois ans. C’est valable pour globalement tous les pays riches mais nous sommes à un stade avancé. Normalement, les gains de productivité sont liés à une hausse de pouvoir d’achat. Donc la question qui se pose est effectivement qu’est ce qui permet d’obtenir des hausses du pouvoir d’achat. Les réponses sont temporaires. Parmi elles, il y a évidemment les transferts publics. La redistribution permet de stabiliser le pouvoir d’achat. Par ailleurs, les mouvements récents se sont progressivement faits au détriment de la rentabilité des entreprises. Le facteur travail a dû probablement grignoter le capital. Le capital a été trop naïf et trop gentil.  Comment le facteur travail arrive-t-il à défendre sa position alors que tous les éléments structurels semblent lui être défavorables : robotisation, etc. Une explication est que la mondialisation a reculé depuis le Covid. Sauf que le phénomène est antérieur au Covid. Cela peut aussi être en creux par un système d’offre très particulier : de très mauvaises qualifications et un très mauvais matching pourraient permettre d’obtenir des hausses de salaire en dépit du bon sens et du contexte économique. Il est difficile de savoir exactement ce qu’il en est. La réglementation, la fiscalité et d’autres choses temporaires ont permis un certain maintien du pouvoir d’achat. La baisse de l’euro a été salutaire pour le pouvoir d’achat français, même si ça désavantage ceux qui font leurs courses à New York.

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À quel point l’énergie bon marché a-t-elle pu contribuer aux hausses de pouvoir d’achat ?

J’ai tendance à ne pas y accorder trop d’importance. L’électricité et le gaz représentent quelque chose comme 5,5% du panier de la ménagère. Évidemment quand la situation actuelle le fait passer de 5 à 10%, c’est très important et c’est une vraie taxe. Certains diraient que l’énergie influence tout le panier. C’est vrai, mais comme d’autres facteurs.

Quel est le facteur le plus important en ce cas ?

Ce sont les gains de pouvoir d’achat via le commerce international. Les dix produits qui ont le plus augmenté ces dix dernières années sont des produits liés au service produit par des entreprises domestiques ; tandis que les dix produits dont le prix baisse, alors même que la qualité augmente, ce sont des produits échangés au niveau international. Et concrètement, ce sont des produits fabriqués par des Chinois, Taiwanais et Californiens. Aucun produit fabriqué chez nous n’a vu son rapport qualité prix s’améliorer. Le problème, ce sont les grippages du commerce international. C’était déjà le cas en raison d’Obama, ça ne s’est pas amélioré avec Trump et Biden est en train de détruire la filière des semi-conducteurs en renforçant les sanctions contre la Chine. Toutes les atteintes au commerce international et les différents chocs agissent comme des chocs protectionnistes. Et ils impactent très fortement notre pouvoir d’achat. Car la quasi-intégralité de nos gains de pouvoir d’achat sont liés à cela. Si on retire la main d’œuvre asiatique, qui ne coûte rien, que nous n'entretenons en rien, il ne nous reste plus rien. Si l’on porte atteinte au commerce international, comme on le fait par de nombreux moyens depuis des années, c’est vraiment problématique. On peut compenser temporairement par des boucliers tarifaires et autres mais à terme on ne pourra pas compenser un choc de démondialisation.

Josep Borell a estimé dans un discours que la Chine et la Russie constituaient la base de la prospérité européenne depuis des années. Est-ce vrai ?

La Russie, très peu. Même si les conséquences de la guerre en Ukraine et de notre positionnement présentent une perspective de rendements face aux risques limités. Mais bien plus que la Russie, c’est la Chine qui a contribué à notre prospérité. C’est aussi le Vietnam désormais, puisque les Coréens s’en servent comme d’un sous-traitant. Et les Coréens remplissent eux-mêmes ce rôle pour nous occidentaux. Dans tout ce qui est utile aujourd’hui, il n’y a rien de français et quasiment rien d’européen si ce n’est ASML et deux ou trois autres acteurs. L’Europe est cliente, pas donneuse d’autres. Nous bénéficions du progrès technique des autres. C’est triste mais c’est ce qui a offert nos gains de productivité. Daniel Cohen l’écrivait déjà dans Richesse du monde, pauvreté des nations. Donc il ne faut surtout pas toucher à cela et ensuite essayer de mieux s’insérer dans le commerce international. Et ce d’autant plus que les rares atouts français sont liés à l’international : le luxe et LVMH en tête et le tourisme, même si on traite mal les gens. On a encore quelques champions mondiaux, mais ils font la grande majorité de leurs profits à l’étranger. Et nos deux champions des superprofits, CMA-CGM, et Total. Il n’y a pas plus mondialisé. Les surprofits de Total se font à 99% à l’étranger puisqu’il n’y aucune matière première en France. La France qui va bien est celle qui est ouverte sur le monde. On fait une politique du convoi au nom de la nation. Mais pour ceux qui tirent le convoi, il est de plus en plus dur d’avancer. Et ceux qui sont à l’arrière sont de plus en plus lourds à tirer et, en plus, se plaignent. 

Allons-nous au-devant d’une catastrophe avec la tendance actuelle de restrictions à la mondialisation ?

Il est certain que c’est une source d’inquiétude. Ce n’est pas la seule mais c’est une menace importante. La situation est très vulnérable. Les Américains ont, de manière transpartisane, des velléités protectionnistes. Les écologistes, y compris modérés, ont pour beaucoup un discours qui devient rapidement protectionniste, favorable à une démondialisation. Quand on regarde la weaponisation du dollar, les tensions sur Taiwan, il y a de quoi être inquiet. Et on ne peut pas y faire grand-chose car cela se joue majoritairement à Washington. Pourtant, les Chinois ont très peu réagi face aux attaques des Etats-Unis, sur les semi-conducteurs, sur Tiktok, etc. C’est embêtant d’avoir des Américains qui ne sont plus favorables au libre-échange. Le consensus libre-échangiste s’est étiolé à cause de Washington. Il résiste encore mais il ne faudrait pas que cette tendance se poursuive. D’autant que les européens seraient les dindons de la farce. 

Il n’est pas donc encore certain que cela explose ? 

Non, ce n’est pas gravé dans le marbre. Le consensus peut changer à Washington. Il va y avoir des tests dans les prochains mois. Le géant chinois Alibaba menacé d'expulsion des bourses américaines, si c’est le cas, ce serait un très mauvais signe. Mais il semble qu'il y ait une tendance globale à vouloir gêner les Chinois autant que possible. On dit agir au nom de la protection de données contre Huawei ou Tiktok, mais on laisse faire Instagram et les GAFAM. Le spatial a toujours lié les êtres humains, ça pourrait être une manière de rétablir des relations avec les Chinois, avec les Russes. Les échanges universitaires sont aussi un très bon moyen de réaménager des espaces de coopération. Jusqu’à il y a peu, il y avait 700 000 étudiants chinois aux Etats-Unis, mais depuis quelques années, ils réduisent les quotas. Ça ne peut être que négatif.

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