Ces troubles financements venus du Moyen-Orient qui se cachent derrière les mobilisations occidentales contre la guerre à Gaza<!-- --> | Atlantico.fr
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Des manifestants se rassemblent lors d'une manifestation en soutien à Gaza à l'université de Columbia à New York
Des manifestants se rassemblent lors d'une manifestation en soutien à Gaza à l'université de Columbia à New York
©BRYAN R. SMITH / AFP

Troublant

Selon un rapport de l'ISGAP, les Étudiants pour la Justice en Palestine (l'un des principaux organisateurs des manifestations à l'Université de Columbia) ont reçu des millions d'associations caritatives ayant des liens présumés avec le Hamas.

Emmanuel Razavi

D’origine iranienne, Emmanuel Razavi est grand reporter, spécialiste du Moyen-Orient. Il collabore avec Paris Match, Franc-Tireur, Politique Internationale, Valeurs Actuelles. Il a réalisé plusieurs documentaires sur le Moyen-Orient diffusés sur Arte, la chaine Planète et M6, qui ont eu un large retentissement. Auteur de plusieurs ouvrages, son dernier livre, « La face cachée des Mollahs » (Cerf, 2024), révèle le visage mafieux et terroriste de la République islamique d’Iran. Il est diplômé en sciences politiques.

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Atlantico : Selon un nouveau rapport de l’Institute for the Study of Global Antisemitism and Policy (ISGAP), l’organisation étudiante Students for Justice in Palestine (SJP) a reçu trois millions de dollars de la part d'associations caritatives ayant des liens présumés avec le Hamas. Le SJP est l'un des principaux organisateurs des manifestations à l'Université de Columbia. Que révèlent ces financements ? Les mobilisations occidentales contre la guerre à Gaza sont-elles financées et soutenues en partie par des financements troubles ?

Emmanuel Razavi : Cette association universitaire pro-palestinienne qui est notamment à l'origine des manifestations à Columbia University aurait en effet reçu près de 3 millions de dollars de financements annuels de la part d’associations auxquelles sont liées des personnalités proches du Hamas. Je ne cesse d’alerter sur ce phénomène depuis plusieurs mois, car il se passe la même chose en Europe. Mais la question est : qui se trouve derrière le Hamas ? Or, il y a parmi ses parrains le Qatar et la Turquie, mais aussi l’Iran. J’ai longuement travaillé des deux dernières années, pour Paris Match, Franc-Tireur, et pour mon livre « la Face cachées des Mollahs », sur les circuits financiers du régime iranien, ainsi que sur ses trafics illégaux et ses circuits de lobbying. Il faut comprendre que depuis 1978, soit plusieurs mois avant l’avènement de la révolution islamique en Iran, l’ayatollah Khomeini s’est attelé à mettre en place un réseau d’influence, notamment dans les milieux universitaires d’extrême gauche. On se souvient ainsi que le philosophe Michel Foucault qualifia Khomeini de « sage », et soutint sa révolution. Jean-Paul Sartre, quant à lui, fit partie d’un comité de soutien à Khomeini. Alors que Khomeini avait écrit dans ses textes son projet d’une islamisation totalitaire de l’Iran, ils en ont fait une totale abstraction. Ce soutien des intellectuels de gauche a servi à légitimer, à peu de frais, la République islamique en Occident, et le moins que l’on puisse dire, c’est que la leçon a été retenue par son successeur Ali Khamenei. Aujourd’hui, des sources de haut niveau en Iran me disent que les services de renseignement de la République islamique d’Iran manipulent pour partie ces manifestations estudiantines, en s’appuyant à nouveau sur les mêmes types de réseaux d’extrême gauche, mais aussi des organisations liées directement ou indirectement aux Frères Musulmans et au Hamas en France. En Europe, les relais de la République islamique sont opérés par des individus, mais aussi par son réseau d’ambassades, qui sont des nids d’agents du régime iranien. Ce qui peut étonner, c’est qu’alors que la République islamique d’Iran dépense des millions pour faire son lobbying dans le monde et notamment aux États-Unis ou auprès de l’Union européenne, c’est sans doute en France qu’elle dépense le moins. En effet, les réseaux d’universitaires et d’étudiants qui reprennent les éléments de langage du Hamas sont convaincus idéologiquement par les thématiques anti-occidentales, antisionistes et anticoloniales des islamistes. Les mollahs y agissent donc à peu de frais en comparaison des services turcs et russes, même s’il est évident que leur action est accompagnée de financements.   


Des pays du Moyen-Orient se cachent-ils derrière ces financements ? D’autres pays à l’international sont-ils aussi impliqués ? Quels sont les objectifs de ces nations via ces financements vis-à-vis des sociétés occidentales ?  

Plusieurs pays sont impliqués aux côtés de l’Iran. La Turquie est par exemple à la manœuvre via ses réseaux au sein de confréries islamistes comme le mili gorus. Le Qatar finance à coups de millions des universités aux États-Unis. Ce qu’il faut analyser, c’est que pour les Mollahs, les barrières entre chiisme et sunnisme sont en train de tomber. L’Iran chiite, ennemi juré d’Israël, a compris qu’il fallait instrumentaliser la question palestinienne pour faire pression sur l’occident. En fait, les Mollahs considèrent que nos démocraties occidentales sont traversées par des crises économiques, sociales et politiques qui les fragilisent, et que c’est le moment ou jamais de les affaiblir pour leur imposer leur logiciel islamiste. Il faut prendre cela au sérieux, car cette convergence entre ces pays qui entretiennent des relations habituellement complexes, et l’organisation islamiste des Frères musulmans qui a beaucoup muté ces dernières années, est le signal d’une attaque massive en terme de stratégie d’influence contre les démocraties américaine et européenne. Lorsque je vous dis cela, je pèse mes mots, car nos fondements démocratiques sont en danger. Les islamistes iraniens ont une expression qui dit à peu près ceci : « d’abord Israël, ensuite l’Occident ». Je pense que cela montre leur projet. Je rappelle que la révolution iranienne a commencé sur le même modèle, avec l’alliance entre les islamistes et les communistes dans les universités. On a vu le résultat, alors que l’Iran était devenu un pays moderne, dotée d’une des meilleures armées du monde. Cela dit, mon enquête m’a aussi montré que les services secrets iraniens avaient partie liée avec les services russes, et qu’ils coordonnaient parfois certaines opération de déstabilisation et d’influence en Europe. Poutine a su aussi utiliser les réseaux des Frères musulmans, dont le Hamas fait partie, à des fins stratégiques.

Des mouvements d’extrême gauche encouragent-ils et participent-ils aussi aux mouvements de protestation en Occident contre la guerre à Gaza ou via des financements ? 

Oui, c’est évident. Écoutez la dialectique antisioniste de ces mouvances d’extrême gauche. Elle est celle des Frères musulmans palestiniens, et très proche de celle de la République islamique d’Iran. Elle flirte en permanence avec l’antisémitisme. On a vu ces derniers temps, à Londres ou au Canada, des gens manifester avec des posters de Khomeini, ou des drapeaux de la République islamique. Aux États-Unis des étudiants ont scandé en persan « mort à l’Amérique ».

Vous croyez que c’est un hasard, si le guide suprême iranien, Ali Khamenei, a soutenu les étudiants qui manifestent dans les universités occidentales ? Je rappelle que le révisionnisme consistant à accuser la démocratie israélienne de génocide, ce qui est une ineptie, est encore une fois assez proche de ce que fit l’extrême gauche en 1978 et 1979. À l’époque elle accusait le Shah d’Iran, qui avait imposé l’égalité entre hommes et femmes, avait généralisé l’accès à la culture et à l’enseignement, et redistribué des terres aux familles les plus défavorisées, de tous les maux. La quasi-totalité de ce qu’avançaient ces militants avait beau être faux, ils sont quand même parvenus à le renverser, avec le soutien de l’Occident. Savez-vous d’ailleurs, qu’une partie des ministres du Shah étaient très ouverts aux idées de la gauche humaniste ? Personne ne le raconte, alors que c´était une réalité. Mais le révisionnisme d’extrême gauche, puis les islamistes, ont effacé tout cela.

Je ne dis pas que tout était parfait dans l’Iran des années 70 en Iran, mais c’était certainement mieux que ce qui s’y passe depuis 45 ans.

Quand j’entends aujourd’hui Mathilde Panot ou Mélenchon, je suis donc inquiet. Leur discours est majoritairement biaisé, pour ne pas dire faux, et donc dangereux car il ouvre la voie à la fracture au sein même de notre démocratie. Ces gens devraient étudier l’histoire de l’Iran. Car une fois parvenu au pouvoir, Khomeini a fait arrêter ses anciens alliés d’extrême gauche et les a fait exécuter. Au regard de cette histoire que je connais bien, je pense que l’extrême gauche est l’idiot utile de l’islamisme. En attendant, il faut prendre très au sérieux la menace que font peser sur nos démocraties les Frères musulmans, leurs parrains étatiques, et leurs alliés d’extrême gauche. Sinon, je le crains, cela finira mal.

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