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Ces pièges qui pourraient plomber le plan de relance avant même qu’il ne soit mis en œuvre
©Christophe ARCHAMBAULT / POOL / AFP 000_1WS6FW

RELANCE

Jeudi, le premier ministre Jean Castex annoncera le plan de relance de 100 milliards d'euros établi par le Gouvernement. Quelles sont les erreurs à ne pas commettre et volontés du Gouvernement ? Point avec Sébastien Laye.

Atlantico : Considérez-vous que le Gouvernement ait mis en place de vraies orientations économiques  afin de relancer l'économie post-covid ? 

Sébastien Laye : Force est de reconnaitre que la situation sanitaire n'est pas encore assez claire pour définir exhaustivement le monde d'après. J'en veux pour preuve, à cet égard, le report d'une semaine de la présentation du plan, qui ne semble pas lié à des hésitations sur les arbitrages finaux du plan, mais plutot à la collision avec un contexte sanitaire et une rentrée problématique. Ainsi, l'heure n'est semble t il pas encore à la redéfinition des orientations économiques stratégiques. Et celà est regrettable pour deux raisons. La première est que le gouvernement dissimule mal derrière la crise du Covid l'échec de la politique économique et sociale sous le mandat Macron. Ce dernier a peu d'arguments positifs à faire valoir: fin 2019, l'économie francaise reculait de 0,1% bien avant le covid et notre taux de chomage a toujours été largement supérieur à la moyenne européenne. Les prélèvements obligatoires et la dépense publique n'ont pas baissé sous Macron encore une fois ex Covid. La forte récession qui s'abat sur nous est donc bien commode pour masquer cet échec et l'absence de doctrine claire: entre volontarisme énarchique et technocratie socio-libérale voire capitalisme de connvivence affiché, les traits saillants des trois premieres années du mandat resteront flous. La seconde raison tient à ce que ce sont les banques centrales et notamment la BCE plus que les Etats qui ont été au front face à la crise engendrée par les confinements. A cet égard, ces banques demandent désormais depuis plusieurs semaines aux Etats de réagir avec leurs propres plans d'investissement. Or notre gouvernement, depuis le déconfinement en Mai, tarde à mettre en place une véritable stratégie. A mon avis, celà n'est pas uniquement du à la potentielle seconde vague sanitaire: il y a plutot faillite intellectuelle à se réinventer dans un contexte plus rooseveltien ou hamiltonien que le modernisme et mondialisme béat dont se revendiquait Macron en économie.....

Quelles sont les pièges qui pourraient obstruer le plan de relance avec même qu'il ne soit mis en oeuvre ? Quelles sont les erreurs à ne pas commettre ? 

Dans le contexte actuel, comme on le voit avec les plans en préparation dans les autres pays, face à l'écroulement des PIBs, des plans d'investissements sont légitimes. J'insiste sur le terme de plan d'investissement et non juste de relance. Un plan d'investissement dans les infrastructures physiques (routes, ponts, rails, batiments) numériques (data centers, clouds, 5g, IA) et industrielles requièrent de créer des actifs immobilisables, corporels ou incorporels: usines, batiments, mais aussi brevets. Ce qui me déplait fortement dans le plan Castex est qu'on se contente d'appeler investissements ou dépenses de relance des dépenses courantes qu'ont ne fait que requalifier. Par ailleurs, le candidat Macron avait deja promis un plan d'investissements de 60 milliards d'euros en 2017: rien n'a avancé sur ce sujet et l'essentiel de cette promesse est recyclée dans ce nouveau plan. Macron, qui n'a jamais eu de politique de soutien à l'investissement, redécouvre le concept à la faveur de la crise. En réalité, ce plan de relance est un fourre tout où on requalifie d'autres dépenses. Je prendrai deux exemples. Pour faire taire la grogne à l'hopital, l'Etat a accepté de reprendre la dette des hopitaux à son compte pour éviter une gestion trop serrée découlant du poids de la dette: ces 13 milliards de dette hospitalière vont faire partie du plan Castex ! En quoi celà améliorera t il notre souveraineté sanitaire ? Autre exemple, le candidat Macron a vanté les mérites de la flexisécurité du modèle scandinave. Après de timides libéralisations du droit du travail au cours de l'Eté 2017, il a promis un effort massif dans la formation. Or rien n'est venu en la matière, et on recycle les 20 milliards annoncés pour la formation en 2018 dans le plan Castex! Ce Plan permet de requalifier toutes les promesses passées non tenues, qui ne sont que des dépenses courantes sans aucun rapport avec la stimulation de la croissance et de l'investissement:dernier exemple, il pourra couvrir jusqu'à 200 000 emplois aidés, permettant à Macron de faire passer Hollande pour un ultra libéral sur ce sujet.....

Le plan de relance de 100 milliards d'euros est annoncé ce mardi et se décline en plusieurs volets (indépendance, écologie, solidarité et compétences). Pensez-vous que le Gouvernement puisse convaincre ? Ces 4 grandes parties sont-elles selon vous les volontés du Gouvernement, ou au contraire, suit-il les multiples revendications des Français durant ses derniers mois ? 

Les quelques éléments positifs du plan (de l'ordre  de 30 milliards d'après mon estimation, le reste n'étant comme nous l'avons vu que des cache misères) concernent: la rénovation énergétique des batiments que je salue (mais non effective avant fin 2021) mais qui vient sous la pression électorale des Verts, une aide à la réindustrialisation, et surtout sur la pression des entrepreneurs et des industriels un début de baisse des impots de production: quasiment inexistants dans les autres pays, frappant tout nouveau batiment ou usine, ces derniers représentent 70 milliards par an. Le gouvernement prévoit sur plusieurs années de les baisser de 20 milliards. Il faudra une baisse rapide et vigoureuse, compensée pour les collectivités locales, pour frapper les esprits et inciter à la réindustrialisation. Mais dans l'immédiat et dès Avril 2020, j'aurais préféré une mesure de suramortissement pour inciter les entreprises à batir et s'équiper, se remettre à niveau. Ce plan, dans sa partie réelle de 30 milliards, risque de rester anodin à 1,5% du PIB alors que nous vivons une contraction de 10%....
Le problème du Plan est aussi d'arriver tardivement face à la contraction sans équivalent du PIB: songez par exemple qu'il prétend s'appuyer en partie sur les crédits européens alors que l'essentiel de l'aide européenne arrivera en 2022 (pour 2021, le temps de voter le texte, la quote part francaise sera limitée à 2 milliards): ainsi, sur la plupart des mesures, l'économie francaise ne bénéficiera pas de ce plan avant la mi 2021 voire 2022. Il faut revoir la copie et s'orienter vers un plan "commando" de soutien immédiat à la croissance, par une baisse massive de la fiscalité et des investissements en infrastructure certes pilotés par le public mais avec des capitaux privés ou mixtes.

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