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Ces mauvais calculs de la baisse des allocations chômage des cadres à laquelle pense le gouvernement
©PHILIPPE LOPEZ / AFP

Arbitrages douloureux

Le député LREM Aurélien Taché propose la possibilité d'une "dégressivité" des allocations chômage pour les cadres aux hauts revenus.

François Taquet

François Taquet

François Taquet est professeur en droit du travail, formateur auprès des avocats du barreau de Paris et membre du comité social du Conseil supérieur des experts-comptables. Il est également avocat à Cambrai et auteur de nombreux ouvrages sur le droit social.

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Atlantico : En France, un haut cadre peut toucher au maximum une allocation de 6.624 euros brut par mois. En revanche, selon l'UNEDIC, les cadres sont très peu nombreux à toucher le chômage (env 3%). Que pourrait vraiment apporter une "dégressivité" des allocations chômage pour cette catégorie de la population ?

François Taquet : Il convient tout d’abord de fixer le débat : il y a en France 4,3 millions de cadres, soit 16,7% de la population active. Jusqu’à présent, le système est financé par les cotisations salariales et patronales. Un cadre finance donc davantage le système d’assurance chômage. Et si celui-ci, suite à un licenciement ou une rupture conventionnelle, souhaite bénéficier des prestations du régime, il est confronté à deux obstacles : en premier lieu, il est indemnisé sur la base d'un "salaire journalier de référence" calculé à partir des salaires bruts perçus au cours des derniers mois 12 derniers mois sans que ceux-ci  ne puissent excéder quatre fois le plafond de la Sécurité sociale (soit 13.284 € par mois) ; on comprend de suite que cette limite vise à limiter les indemnisations des hauts revenus…c’est-à-dire des cadres. En deuxième lieu, et sauf exceptions, un salarié n’est pas pris en charge par le régime de suite après la rupture, mais après plusieurs délais qui se cumulent : délai de carence de 7 jours, différé d'indemnisation congés payés et surtout différé d'indemnisation spécifique calculé en fonction de l’indemnité de licenciement versée pouvant aller jusque 150 jours (c’est-à-dire 5 mois) et qui vise particulièrement les cadres. En résumé : les cadres cotisent beaucoup pour des prestations qu’ils sollicitent peu (taux de chômage de l’ordre de 3%) et pour lesquelles les pouvoirs publics ont mis des obstacles pour l’obtention. Une dégressivité ne pourrait qu’aggraver la situation des intéressés !

Cette catégorie de salarié cotise en réalité plus à l'assurance chômage que ce qu'elle coûte en indemnisation. Dès lors, en baissant leurs allocations, qu'adviendra-t-il de leur cotisation ? Ne serait-ce pas légitime pour eux de demander à ce que les cotisations baissent également ? Quel pourrait-être le risque de cette mesure ?

Votre question appelle quelques remarques. Nous sommes dans un système fondé sur le risque et la solidarité et qui jusqu’à présent est simple puisqu’il repose sur des cotisations sur l’ensemble des salaires. Un salarié qui ne sollicite pas l’assurance chômage doit cependant payer des cotisations ; de même, si les prestations diminuent le salarié ne serait pas fondé à refuser une hausse de cotisations (comme on l’a souvent constaté dans le passé).  Le problème est qu’à partir du 1° octobre,  les salariés ne seront plus redevables d’aucune cotisation au titre de l’assurance chômage et que le gouvernement a l’idée de supprimer les cotisations patronales. Le système ne sera plus financé par les cotisations mais par la CSG….La comparaison cotisations versées – prestations reçues sera donc beaucoup plus difficile à réaliser.

Qu'est-ce que cette proposition nous apprend sur la vision du gouvernement concernant la réforme de l'assurance chômage à venir ?

Il est très compliqué de savoir l’orientation que le gouvernement entend donner à l’assurance chômage. Beaucoup d’idées ont été lancées (bonus malus, dégressivité pour l’ensemble des salariés, aujourd’hui, dégressivité pour les cadres…). En pleine période estivale, le gouvernement lance des ballons d’essai pour tester l’opinion publique. Il y a quelques semaines, c’était la prise en charge partielle des arrêts de maladie par les employeurs. Aujourd’hui, c’est une déclaration fracassante d’un député  pour instaurer une dégressivité à partir de six mois pour « des gens qui ont de très hauts revenus ». Cela ne fait pas très sérieux tant les propos sont vagues et ne concernent que 1100 personnes qui ont touché l’indemnisation maximale en 2017… C’est dire qu’il s’agit d’un coup d’épée dans l’eau qui ne résoudra aucun problème ! Le devenir de l’assurance chômage mérite sans doute mieux que du bricolage ou des déclarations d’amateur !

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