Ces innovations technologiques qui pourraient révolutionner l'économie mondiale<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
Economie
Avec l'imprimante 3D, l'industrie entre en concurrence directe avec l'utilisateur.
Avec l'imprimante 3D, l'industrie entre en concurrence directe avec l'utilisateur.
©Reuters

C'est beau le progrès !

François Hollande souhaite renforcer l'aide aux PME par des avantages fiscaux. Mais l'avenir de l'emploi et de l'innovation n'est pas nécessairement dans les PME. Imprimante 3D, nanotechnologies, moteur à hydrogène, gaz de schiste... Ces innovations technologiques pourraient bouleverser le futur de l'économie mondiale.

Frédéric Fréry,Benjamin Jean,Laurent Meillaud,Florent Detroy et Stephan Silvestre

Frédéric Fréry,Benjamin Jean,Laurent Meillaud,Florent Detroy et Stephan Silvestre

Frédéric Fréry est professeur à ESCP Europe où il dirige le European Executive MBA. Il est membre de l'équipe académique de l'Institut pour l'innovation et la compétitivité I7. Il est l'auteur de nombreux ouvrages et articles, dont Stratégique, le manuel de stratégie le plus utilisé dans le monde francophone. Site Internet : frery.com.

Benjamin Jean est juriste spécialisé en propriété intellectuelle et cofondateur de la société Inno³. il travaille essentiellement sur les nouveaux usages et collaborations qui se développent autour de la création et de l’innovation (Open Source, Open Data).

Laurent Meillaud est journaliste, écrivain et consultant spécialisé dans l'automobile et les nouvelles technologies. Il anime le blog Voitures du Futur.

Florent Detroy est spécialiste des matières premières. Il a été journaliste pour le journal spécialisé dans l'énergie Enerpresse. Il est aujourd'hui rédacteur en chef de Matières à Profits, une lettre d'investissements sur les matières premières. Son blog sur la géopolitique des pays émergents : http://energasie.blogspot.com/

Stephan Silvestre est ingénieur en physique appliquée, Professeur à l'ESG Management School et spécialiste des risques énergétiques. Il est membre de la chaire des risques énergétiques de l’ESG-MS et anime le blog Risk Energy.

Voir la bio »

L'imprimante 3D

Frédéric Fréry : Tant qu'elle est confinée aux laboratoires de recherche, une invention ne peut pas être qualifiée d'innovation. C'est seulement lorsqu'elle a un impact sur la société qu'une invention devient une innovation. L'imprimante 3D, qui permet de fabriquer (et de reproduire) des objets en plastique chez soi, pourrait avoir des répercussions économiques et sociales majeures. A la différence par exemple de la voiture à hydrogène dont le développement nécessite des investissements considérables et des connaissances scientifiques de très haut niveau, l'imprimante 3D est une technologie grand public et peu coûteuse. Et lorsque les consommateurs s'emparent d'une industrie, celle-ci connaît des bouleversements considérables. Le développement photo n'a pas survécu aux imprimantes personnelles ; le CD est en train de mourir de l'échange de fichiers musicaux par Internet etc.

Avec l'imprimante 3D, beaucoup d'objets de la vie courante pourraient être fabriqués chez soi. Cela permet d'envisager une réindustrialisation des pays riches qui n'impliquerait pas la reconstruction de nos usines : il s'agirait moins du retour du "Made in France" que de l'émergence du "Made in Home". Mais certains obstacles techniques doivent encore être levés : les plastiques utilisables dans une imprimante 3D sont pour le moment coûteux et peu nombreux et les objets obtenus restent simples.

Benjamin Jean : Avec l'imprimante 3D, l'industrie entre en concurrence directe avec l'utilisateur, qui était jusqu'à maintenant un simple consommateur. Cela revient à mettre entre les mains du consommateur un outil industriel. Pour le moment, il est difficile de savoir quelle stratégie les entreprises vont adopter. Faudra-t-il étendre les droits de propriété intellectuelle pour limiter encore plus les consommateurs ? Ou faudra-t-il limiter l'usage de la propriété intellectuelle aux seules industries ?

L'exemple le plus parlant est celui d'un boulon ou d'une petite pièce dont on aurait besoin. On pourrait soit concevoir le produit, soit télécharger le bon fichier sur son ordinateur et l'imprimer chez soi. Produire en masse des milliers de boulons deviendrait inutile. Il existe une société qui a décidé de mettre tous les petits accessoires de son produit sous licence libre pour que les gens puissent les imprimer de chez eux. Le coût de production était tellement faible au regard du coût d'envoi qu'il était plus intéressant pour l'entreprise de donner la possibilité à ses clients d'imprimer chez eux ces petits composants.

La voiture à hydrogène

Frédéric Fréry : La voiture à hydrogène peut être considérée comme une voiture électrique dont la batterie est remplacée par un réservoir d'hydrogène. Elle n'émet aucun gaz à effet de serre, puisqu'elle ne rejette que de l'eau. Elle utilise pour cela une technologie appelée la pile à combustible, dont le principe théorique remonte au début du 19e siècle et qui équipait déjà les capsules Apollo dans les années 1960. A priori, la voiture à hydrogène est une idée intéressante, puisqu'elle permet à la fois de pallier les inconvénients de la voiture à essence (pollution, raréfaction des hydrocarbures) et ceux de la voiture électrique (coût, poids et capacité des batteries).Cependant, elle n'est pas exempte de limites : l'hydrogène doit être conservé dans un réservoir sous pression, il est hautement explosif au contact de l'oxygène de l'air, et surtout sa fabrication nécessite de grandes quantités d'énergie. Tout dépendra donc de la technologie utilisée pour obtenir l'hydrogène : si celle-ci est "propre", l'impact écologique sera très positif. A l'inverse, si on utilise pour cela de l'électricité obtenue par des centrales à charbon, l'équation environnementale sera discutable.
Laurent Meillaud : Les avantages de la voiture à hydrogène sont nombreux. Elle offre une autonomie de 500 kilomètres qui font passer pour ridicules les 150 promis par les voitures électriques. Le rechargement pourrait se faire dans n’importe quelle station essence à condition de l’équiper et il ne prend que trois minutes, alors qu'une voiture électrique doit être branchée 8h pour être rechargée !

Sur le plan financier, la démocratisation de la voiture à hydrogène lui permettrait d’atteindre des prix tout à fait compétitifs. Il suffirait d’installer 1000 stations de rechargement pour que le réseau français soit couvert, soit deux fois moins que le nombre de stations de GPL aujourd’hui exploitées !

La France compte un véritable champion du monde de l’hydrogène : Air Liquide. Pourtant, les décideurs de l’énergie en France ne semblent pas vouloir si intéresser, si bien qu'Air Liquide qui a proposé de construire dix stations de rechargement d’hydrogène en Allemagne. L’hydrogène se trouve dans l’eau et la nature : la France pourrait devenir productrice d’énergie si elle prenait ce train technologique à temps.  Il existe des moyens pour produire l’hydrogène liquide de manière propre. La voiture à hydrogène est sans aucun doute l’avenir de la voiture écologique.

Les nanotechnologies

Frédéric Fréry : Les nanotechnologies sont déjà là : on les utilise notamment en médecine, en électronique, ou dans le textile. Si vous avez un ordinateur récent, la puissance de son microprocesseur est le résultat d'une nanotechnologie. L'impact social et économique du développement des nanotechnologies peut être considérable. Les progrès médicaux (réparation des cellules, lutte contre le cancer) laissent entrevoir des perspectives remarquables. L'utilisation en énergie s'annonce aussi très prometteuse : il serait possible de stocker l'hydrogène d'une manière beaucoup plus efficace que dans un réservoir sous pression (ce qui retire une partie de ses inconvénients à la voiture à hydrogène).

Cependant, des mouvements de contestation s'opposent au développement des nanotechnologies, en mettant en avant les risques qu'elles présentent pour la santé et l'environnement : quelles seraient les répercussions d'une modification des cellules vivantes par des nanomatériaux ? Serait-on capable de stopper la prolifération de nanomachines capables de se fabriquer elles-mêmes ? Ce débat rappelle celui sur les OGM : on retrouve le principe de précaution sur lequel repose l'interdiction des OGM en Europe. L'impact social et économique des nanotechnologies dépendra donc avant tout d'arbitrages politiques.

Le gaz de schiste

Florent Detroy : Une première erreur serait de penser que les succès économiques du gaz de schiste aux Etats-Unis pourraient être répliqués à l'identique au quatre coins du monde. Le succès américain est dû à une conjugaison de facteurs spécifiques : innovation technologique, marché du gaz déjà développé et code minier adapté. Aucun pays n'offre les mêmes conditions. Toutefois, plusieurs pays considèrent le gaz de schiste comme une opportunité et se sont engagés activement dans son développement. C'est notamment le cas de l'Europe de l'Est qui espère ainsi réduire sa dépendance vis-à-vis des importations russes. A l'inverse, d'autres pays s'opposent fermement à l'extraction du gaz de schiste. C'est le cas de la Russie et de l'Algérie, qui ont d'importantes réserves de gaz conventionnel. L'exploitation du gaz de schiste ferait automatiquement chuter les prix de leurs exportations.

De manière globale, je pense que le gaz de schiste produit un effet "régionalisant" sur le marché du gaz. Il y a quelques années, la hausse de la consommation et le développement du GNL (gaz transportés par méthaniers) laissaient entrevoir une internationalisation du marché du gaz. Avant, il était composé de trois marchés régionaux. En imaginant que l'exploitation du gaz de schiste devienne massive, on va assister au retour de problématiques nationales ou régionales. Jusqu'à il y a peu, la Chine (5,1% de croissance annuelle) se préparait à importer de plus en plus de gaz, par gazoducs (Russie,  Turkménistan et Ouzbékistan) et GNL (Australie et Indonésie). Or la Chine est en train de développer ses propres gisements de gaz de schiste, potentiellement gigantesques. Les pays précédemment cités vont devoir s'adapter à une baisse de la demande.

Stephan Silvestre : Depuis l’interdiction de l’utilisation de la fracturation hydraulique sur le territoire français, les industriels mettent les bouchées doubles pour mettre au point des techniques alternatives à l’extraction du gaz de schiste. Plusieurs techniques sont d’ores et déjà envisagées, à différents stades de maturité.

Les plus avancées consistent à remplacer l’eau par d’autres liquides, comme du GPL (gaz de pétrole liquéfié), du CO2 ou du méthane liquides. Mais elles nécessitent toujours des agents de soutènement, ou "proppants" (du sable ou, maintenant, des granules spécifiques) et leurs adjuvants. La société canadienne GasFrac propose un procédé à base d’un gel de GPL qui ne nécessite pas d’adjuvants. Il existe aussi des techniques de fracturation pneumatique, dite sèche. Le liquide est remplacé par un gaz, de l’air, de l’azote ou du CO2. Mais des proppants et leurs adjuvants sont toujours nécessaires. Une variante prometteuse utilisant de l’hélium et aucun solvant est en cours de test au Mexique.

Mais d’autres solutions émergent. En particulier la fracturation par arcs électriques. Il s’agit de provoquer des ondes de choc dans le sous-sol à partir d’arcs électriques. Il n’y a alors plus besoin ni d’eau, ni de proppants, ni d’adjuvants. Cependant, les fissures obtenues sont encore très petites (quelques mm). Enfin, outre son coût, elle requiert d’importantes quantités d’énergie pour générer les arcs, ce qui pourrait rendre son bilan énergétique assez peu attractif.

Propos recueillis par Ann-Laure Bourgeois

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !