Ces États américains qui accusent Meta et Mark Zuckerberg d’avoir failli à la protection des enfants<!-- --> | Atlantico.fr
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Mark Zuckerberg, patron de Meta.
Mark Zuckerberg, patron de Meta.
©JIJI PRESS / AFP

Pratique mensongère

Le PDG et son équipe ont encouragé les efforts de Meta pour attirer les jeunes utilisateurs et ont trompé le public sur les risques, selon les poursuites engagées par les procureurs généraux des États.

Fabrice Epelboin

Fabrice Epelboin

Fabrice Epelboin est enseignant à Sciences Po et cofondateur de Yogosha, une startup à la croisée de la sécurité informatique et de l'économie collaborative.

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Atlantico : Comment les décisions stratégiques de Mark Zuckerberg et les pratiques de Meta ont-elles évolué depuis les premières préoccupations concernant l'impact sur la santé mentale des utilisateurs, en particulier chez les adolescents et les jeunes, jusqu'aux récentes poursuites judiciaires et aux demandes de réglementations accrues ?

Fabrice Epelboin : A ma connaissance, il n'y a pas d'évolution significative. Mark Zuckerberg a passé son temps à mentir sur ce dossier et il est coincé entre des enfants qui sont de plus en plus addicts à sa plateforme et les effets secondaires des réseaux sociaux.

Quel est l'impact potentiel des algorithmes de Meta sur le comportement des adolescents, notamment en ce qui concerne l'addiction en ligne et les risques de sécurité tels que le harcèlement et l'exploitation sexuelle ou bien encore l'introduction de fonctionnalités telles que Instagram Stories et les filtres de beauté ?

Il y a des choses qui ont été documentées dans des rapports internes de Facebook et qui ont fuité à travers le travail de la lanceuse d'alerte Frances Haugen. Il est avéré que Facebook et les réseaux sociaux du groupe Meta ont un impact dramatique sur les adolescentes. Cela se traduit par de l'anorexie, de la dysmorphie et énormément d'impacts psychologiques extrêmement négatifs, qui sont les tourments de l'adolescence mais ils sont multipliés et amplifiés par Facebook. Il y a quelque chose qui est commun aux réseaux sociaux et auquel Facebook n'échappe pas, il s’agit des systèmes de filtres. Ces outils incitent les adolescents à projeter un imaginaire plus que la réalité. Cela a toujours produit un décalage assez spectaculaire sur toute une génération. Tout le monde joue à ce jeu là. Cela a forcément des impacts monstrueux. Il y a également la propagation de la haine à travers les réseaux sociaux. Ce sujet est extrêmement délicat car les premiers à dénoncer la propagation de la haine sont également les premiers à y contribuer, sans réellement s'en rendre compte. Tous les jours sur Twitter, des personnes se plaignent de la propagation de la haine et passent leur temps à insulter les gens après avoir interagi avec plusieurs d'entre eux. Ils ne réalisent absolument pas la gravité de leurs propos. Cela constitue un problème de responsabilité individuelle. L’algorithme a bon dos. Cela concerne avant tout un problème de responsabilité.

Comment les révélations sur la connaissance par Meta de la présence d'enfants de moins de treize ans sur Instagram, malgré les politiques strictes, affectent-elles les arguments juridiques et les obligations de l'entreprise en matière de protection des mineurs ?

Il n'y a pas de moyens techniques de vérifier l'âge des utilisateurs, sauf à entrer dans un système à la chinoise. Il va falloir que le juridique et le système judiciaire respire et écoute les spécialistes de la technique. Le juridique ne peut pas impacter la technique. La technique c'est du scientifique. Le juridique, c'est du vent. Il y a le même problème en France avec l'interdiction des réseaux sociaux aux moins de quinze ans ou aux moins de dix-huit ans. Pour la pornographie, c’est aux moins de dix-huit ans. Tout cela implique que l’on fiche, que l’on surveille les utilisateurs. Tels sont les ordres et le cadre à appliquer. En réalité, cela a des effets secondaires absolument problématiques qui sont bien pires encore que le fait que les adolescents accèdent à du porno. Même si on mettait en place ces outils techniques, cela ne changerait absolument rien. Au contraire, il n'y aurait plus la moindre idée des circuits de distribution de la pornographie. Ce serait encore pire parce que, au moins sur Pornhub et les autres plateformes de pornographie, il ya certaines limites qui sont respectées (il n’y a pas de pédophilie et pas de zoophilie). Si demain, les restrictions seront encore renforcées, les conséquences risquent d’être dramatiques. Les enfants n'auraient plus aucun filtre et surtout, ils seraient obligés, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui, d’avoir des interactions sociales pour accéder à la pornographie. C'est une porte ouverte à quantité d'abus colossaux.

En quoi les récentes poursuites judiciaires et les critiques à l'égard de Meta pourraient-elles influencer la réglementation future des médias sociaux, notamment en ce qui concerne la protection des enfants et la responsabilité des entreprises de la Tech ?

Le premier effet kiss cool des récentes pressions sur Facebook a été une surcensure. Des gens comme moi avaient annoncé que l'augmentation diverses et variées de la course à la réglementation allait pousser les réseaux sociaux vers deux situations qui s’illustraient bien à travers Facebook et Twitter. D'un côté, Facebook minimise son risque juridique, censure absolument tout. Typiquement, tout ce qui va émerger sur un post à propos de Gaza est absolument infaisable. Sur Facebook, il y a quelques exceptions et c'est rarissime. Il n'y a plus d'expression politique possible sur Facebook et tout sujet qui peut porter à une controverse est systématiquement éliminé en termes de visibilité. De l'autre côté, vous avez des individus comme Elon Musk qui, eux, prônent la liberté d'expression, et qui prennent le risque ou qui couvrent la menace de procès éventuels contre certains utilisateurs. Ils considèrent que le droit à la liberté d'expression les protège et que Twitter est un outil qui est censé apporter la liberté d'expression aux gens. Cela l'a toujours été. Il y a eu une interruption de cette mission entre 2018 et 2020 sur Twitter. Mais Twitter, depuis le départ de ses anciens dirigeants, est un outil dont la vocation première était d'exporter la liberté d'expression aux quatre coins de la planète. Cela explique en grande partie pourquoi Twitter n’a jamais gagné d'argent. Ce n'était pas le but du jeu.

Est-ce que Meta a échoué en matière de sécurité des enfants ? 

Meta est coincé. Meta est une entreprise cotée en bourse. Cela pose des contraintes extrêmement lourdes. Etre moins nocif pour les enfants supposerait d'être moins addictif. Etre moins addictif supposerait moins de revenus. Avoir moins de revenus supposerait un effondrement du cours de bourse. Certains observateurs vont chercher des intentions maléfiques de la part de Mark Zuckerberg. Or, c'est tout bêtement une question financière. Facebook, du simple fait d'être cotée en Bourse, est soumis à des contraintes. Si Elon Musk a sorti Twitter de la bourse, c'est bien pour ne pas avoir à subir cela et la logique financière. 

Meta pourra-t-il prendre des mesures ou faire semblant de prendre des mesures pour se donner une bonne image ? 

Je pense que Facebook a beaucoup bénéficié de la façon dont la presse est obnubilée et obsédée par Elon Musk. La presse a totalement oublié l'affaire Cambridge Analytica. Comme Elon Musk est devenu le grand méchant, cela a permis à Facebook de se racheter une image. Twitter a endossé le rôle du méchant, alors que si on regarde les choses en face, Twitter est le seul à avoir mis en place un système efficace de lutte contre les fake news. Il n'y a que les Community notes à ce jour qui ont fait leurs preuves et Twitter est le seul à avoir ouvert son code. Il faut regarder la façon dont cela fonctionne. La presse se choisit des méchants. Cela est aussi lié au fait que Twitter ait mis en place une intelligence artificielle qui se destine à remplacer la presse et qui est assez efficace. Il est donc assez facile de comprendre l'intérêt égoïste de la presse. 

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