Celui qui n’avait plus qu’un an à vivre il y a 20 ans : le professeur américain qui avait vaincu son cancer du cerveau grâce à un cocktail de médicaments banals<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
International
La cas du professeur américain qui a guéri de son cancer grâce à un mélange de médicaments banals combiné à un traitement plus conventionnel.
La cas du professeur américain qui a guéri de son cancer grâce à un mélange de médicaments banals combiné à un traitement plus conventionnel.
©REUTERS/Srdjan Zivulovic

Trompe-la-mort

Combattre une tumeur au cerveau à grands coups de médicaments normalement réservés à des pathologies courantes, c'est le pari fou qu'un professeur américain a relevé il y a maintenant vingt ans. Miracle ou véritable avancée scientifique, il est aujourd'hui en pleine forme. Un cas pratique qui ouvre peut-être la porte à un nouveau traitement du cancer.

Nicole  Delépine

Nicole Delépine

Nicole Delépine ancienne responsable de l'unité de cancérologie pédiatrique de l'hôpital universitaire Raymond Poincaré à Garches( APHP ). Fille de l'un des fondateurs de la Sécurité Sociale, elle a récemment publié La face cachée des médicaments, Le cancer, un fléau qui rapporte et Neuf petits lits sur le trottoir, qui relate la fermeture musclée du dernier service indépendant de cancérologie pédiatrique. Retraitée, elle poursuit son combat pour la liberté de soigner et d’être soigné, le respect du serment d’Hippocrate et du code de Nuremberg en défendant le caractère absolu du consentement éclairé du patient.

Elle publiera le 4 mai 2016  un ouvrage coécrit avec le DR Gérard Delépine chirurgien oncologue et statisticien « Cancer, les bonnes questions à poser à mon médecin » chez Michalon Ed. Egalement publié en 2016, "Soigner ou guérir" paru chez Fauves Editions.

 

Voir la bio »

Atlantico : Vingt ans après, un professeur de psychologie américain (lire iciqui avait "soigné" sa tumeur au cerveau par un cocktail de médicaments pris quotidiennement, en plus des méthodes conventionnelles, est toujours en parfaite santé. Dans quelle mesure ces médicaments ont-ils favorisé la disparition de son cancer ? Ont-ils permis d'éviter toute rechute ?

Nicole DelépineIl est toujours difficile d‘affirmer quoique ce soit en médecine sur un cas particulier. La tumeur qui a régressé a été traitée par le cocktail du malade mais aussi par les traitements plus conventionnels. Sa guérison n’est peut-être que la conséquence du traitement traditionnel même si c’est une éventualité rare dans cette pathologie. De plus, la nature de l’agressivité de cette tumeur cérébrale est particulièrement difficile  à affirmer dans chaque cas précis et il n’est pas exceptionnel de rencontrer des patients atteints de tumeur cérébrale réputée incurable et supposée létale en quelques mois et encore en vie voire "guéris" quelques années plus tard. Ces observations certes rares devraient permettre aux cliniciens de rester humbles et de ne pas oser  annoncer sans vergogne des "durées de survie" présumées à un patient ou à sa famille comme une certitude !

Les médicaments utilisés, principalement des traitements contre l'acné, l'insomnie et le diabète, ont-ils tous une efficacité scientifiquement prouvée sur ce genre de maladie ?

Quant à savoir si ces médicaments additionnels ont favorisé la guérison et éviter la rechute, il serait présomptueux de le dire. Mais rien ne permet de l’exclure d’autant que le patient, professionnel de surcroit n’a pas choisi les médicaments au hasard mais bien certains dont on connait une efficacité anticancéreuse potentielle. Les médicaments contre l’acné comme les rétinoides (par ailleurs dangereux et à éviter absolument dans ces indications simples car susceptibles d’effets secondaires graves comme des dépressions avec risque de suicide) sont bien connus pour  leur effet de maturation des cellules cancéreuses. On espère ainsi transformer des cellules malignes en bénignes. Ils font partie du traitement classique de certains cancers comme par exemple le neuroblastome et étaient souvent utilisés en traitement complémentaire d’appoint par les cancérologues français lorsqu’ils avaient encore une certaine liberté de prescription (ce qui a disparu depuis les plans cancer au début de ce siècle).  Ce professeur a par ailleurs utilisé des médicaments connus pour d'autres indications mais très étudiés dans la recherche en cancérologie sur le traitement dit "métabolique" du cancer. La metformine en est un exemple. Notre patient a donc très sérieusement choisi son cocktail sur des hypothèses et des recherches en cours ce qui peut expliquer l’efficacité éventuelle de ces traitements complémentaires. Il est très regrettable que ces nombreuses molécules disponibles et peu couteuses et potentiellement efficaces seules ou en association ne soient pas plus étudiées en clinique pour des raisons de faible potentiel financier en cas d’efficacité (molécules anciennes pas chères et pas de brevet : n’intéressent pas les labos  et les médecins n’ont pas le droit de prescrire  en dehors des schémas venant d’en haut et influencés par big pharma).

Si un autre patient atteint d'une tumeur similaire au même stade de développement prenait les mêmes comprimés, aurait-il les mêmes chances de guérison ?

Rien ne permet de dire le bénéfice que pourrait en tirer un autre patient atteint d’une pathologie similaire. Il conforte néanmoins l’intérêt de recherches ouvertes, créatrices et peu couteuses, à l’opposé de ce qui est imposé en France à l’heure actuelle. Les malades qui s’y lancent en France se font tancer par leur oncologue comme des enfants !

Quels enseignements peut-on tirer de ce cas pratique dans la lutte contre le cancer ?

Cet article a par ailleurs un grand intérêt. D’une part il montre que la liberté thérapeutique existe dans des pays développés sans que cela nuise au malade, bien au contraire. Les médecins y ont le droit de prescrire selon leurs connaissances et leur expérience personnelle sans être menacés de perdre leur "accréditation" c’est-à-dire l’autorisation de traiter des malades atteints de cancer et les patients  peuvent "améliorer" leur traitement sans être menacés du juge ou du psychiatre comme cela se voit trop fréquemment en France. Cette liberté de soigner est déjà perdue en cancérologie et est menacée pour toute la médecine, par la loi de santé 2015 contre laquelle s’élève un fort mouvement unitaire des médecins et tous soignants réunis. Cette loi liberticide si elle était votée s’opposerait à la liberté de prescription des médecins et de choix des patients allant complètement à l’encontre des enseignements médicaux et philosophiques de cet article du Telegraph.

La liberté thérapeutique permet ainsi de stimuler la recherche puisqu‘elle pose des questions et ouvrent des voies inattendues et prometteuses. Cet article rappelle que l’industrie pharmaceutique ne s’intéresse qu’aux drogues brevetées qu’elle peut vendre sans concurrence à des prix exorbitants et abandonne toute recherche sur des produits anciens peu rentables. Etudier des drogues anciennes reproductibles par des génériques ne l’intéresse pas et toute sa communication  vise à les faire oublier et mépriser. Les espoirs suscités par des expériences précliniques ne sont pas reprises en clinique humaine car inintéressantes financièrement. 

Pire, les vieilles drogues efficaces sont traitées de "médecine du pauvre" et abandonnées. Nous le constatons  régulièrement lors des critiques portant par exemple sur l’utilisation du méthotrexate haute dose quand bien même celui –ci permettait en association avec d’autres drogues anciennes de guérir bien plus de malades que ceux inclus dans les protocoles imposés par l’Institut du Cancer. Le plan cancer français inspiré par l’industrie pharmaceutique promeut avant tout les essais de drogues ciblées sur des mutations génétiques à des prix exorbitants cent fois plus chers que l’or. C’est ce que rappelle justement le professeur qui signale qu’en dehors du gleevec utile dans deux types de cancers la quasi-totalité des nouvelles molécules dites ciblées n’ont pas permis de transformer le pronostic des cancers  et sont en train de ruiner tous le systèmes de protection sociale des pays riches.

Il faut relever une anomalie dans cet article sur le coût supposé de la mise au point et développement d’une nouvelle drogue qui s’élèverait à un milliard de dollars. C’est le chiffre qu’avance régulièrement le LEEM (syndicat de l’industrie du médicament) pour justifier ses prix exorbitants. En réalité, le coût d’une nouvelle molécule est évaluée à environ deux cent millions de dollars par les chercheurs indépendants de l’industrie. Ceci est très clairement démontré dans le livre de Peter Goeztche "died medicine". C’est donc avec raison que le NHS, le service de santé anglais, a décidé de ne plus rembourser les nouvelles drogues du fait de leur prix aberrant et de leur activité réelle très discutable. Certains laboratoires annoncent une prolongation de la survie de 40 % omettant de préciser qu’il s’agit d’après leurs chiffres d’un gain réel inférieur à un mois (survie passant de deux mois à deux mois et trois semaines !).

A l’opposé, on peut trouver des raisons d’optimisme dans le "repositionning drug in oncology project", groupement sans but lucratif visant à évaluer l’impact des drogues anciennes dans les maladies dans lesquelles elles n’ont pas été étudiées  et dans la réorientation des fonds de recherche sur le secteur public qui doit redevenir complètement indépendant. A quand un tel groupe autorisé en France ?

Les partenariats public privé imposés et développés depuis vingt ans sont ruineux pour les finances de l’Etat et la confiance des Français qui ne savent plus jamais si l’expert mis en avant est l’employé de l’entreprise privée ou le véritable défenseur de l’intérêt général. Ces conflits d’intérêt devraient être publiés suite à la loi anticorruption de Xavier Bertrand décembre 2011. Malheureusement ils sont dissimulés grâce au décrets d’application publiés par Marisol Touraine  qui ont exclu de la publication tous les contrats entre experts et entreprises privées, contrats "commerciaux". Le secret des affaires est privilégié aux dépens de la santé des citoyens.

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !