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Ce que signifie vraiment l’engouement grandissant pour le naturel
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Paradis artificiel

Paradoxe ! Dans une société marquée par la technologie et les avancées scientifiques, le "naturel" envahit toujours plus notre univers consumériste et comporte-mental.

Gérard Kafadaroff

Gérard Kafadaroff

Gérard Kafadaroff, Ingénieur agronome, fondateur de l’AFBV (Association française de biotechnologies végétales), dernier ouvrage «OGM : la peur française de linnovation» Editions Baudelaire 2013.

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Des produits alimentaires aux cosmétiques, des médicaments aux insecticides, l’offre de produits dits naturels s’élargit, bien soutenue par un marketing dynamique et opportuniste. Naturopathie, homéopathie, aromathérapie et produits bio ont le vent en poupe et bénéficient largement de cette nouvelle passion.

Le « naturel » est tendance. Ses apôtres zélés très présents dans les médias ne prouvent pas pour autant leur connaissance de la réalité de la nature.Cet attrait du naturel devient pour certains un mode de vie marginal se voulant proche d’une nature sacralisée. Ce choix du « naturel » est  naïf et souvent peu raisonné.

Les pesticides, malgré les contrôles rigoureux imposés avant leur mise en marché et les progrès des fabricants et des agriculteurs,  suscitent un rejet sans nuances.

Ainsi le glyphosate, matière active du désherbant Roundup®, fait l’objet de nom-breuses campagnes de dénigrement en vue de son interdiction dans un réel déni des services rendus à l’agriculture et de son bon profil toxicologique reconnu depuis 40 ans. Pourquoi ? Parce qu’une étude* parmi des centaines d’autres prouvant l’innocuité de cet herbicide, l’a imprudemment classé «cancérogène probable»… comme la viande rouge !

Beaucoup de pesticides naturels (substances synthétisées par les plantes pour se défendre contre leurs agresseurs) sont souvent toxiques pour l’homme et couram-ment consommées. Qui en parle ? Pourquoi échappent-ils aux contrôles réglemen-taires ?

Le gouvernement encourage des méthodes de protection des cultures alternatives aux pesticides comme l’agriculture biologique (AB) autorisant l’emploi de pesticides jugés plus naturels. Le sont-ils ? S’agissant du sulfate de cuivre, composé chimique qui s’accumule dans les sols ? Ou des extraits végétaux comme le pyrèthre, neuro-toxique ? Ou l’huile de neem dont le composant majeur, l’azadirachtine, est un per-turbateur endocrinien ?

S'il est admis que les aliments bio contiennent moins de résidus chimiques, ils sont en revanche plus exposés aux contaminants biologiques «naturels» dangereux comme les mycotoxines, les salmonelles ou les bactéries dont une souche mutante et pathogène d’Escherichia coli est à l’origine de nombreux malades et près de 50 décès en 2011 en Allemagne. 

Pourtant l’AB bénéficie d’une étonnante dérogation : elle est soumise à une obliga-tion de moyens mais non de résultats !

Le biocontrôle faisant appel à la lutte biologique au moyen d’organismes vivants an-tagonistes (insectes, virus, …)  ou à des médiateurs chimiques (phéromones) est une autre alternative à la protection chimique des plantes. Méthode séduisante mais limitée dans ses applications, elle présente de nouveaux risques biologiques comme l’invasion de coccinelles asiatiques introduites en France pour lutter contre les puce-rons.

Les OGM restent interdits en France bien qu'adoptés massivement dans le monde et l’absence de problème sanitaire et environnemental depuis 20 ans.

Cependant, chacun consomme en toute quiétude des plantes naturellement trans-géniques comme la patate douce ayant  incorporé des gènes bactériens, ou des plantes ayant subi des modifications génétiques naturelles et aléatoires bien plus importantes que les OGM obtenus par transgénèse.

Ainsi la variété de blé Renan, très utilisée en agriculture biologique, a été créée par l’INRA en faisant appel à des manipulations génétiques plus lourdes et moins pré-cises que celles nécessaires pour obtenir des OGM, … tout en étant exonérée des contrôles draconiens imposés à ces derniers.

Les perturbateurs endocriniens (PE) suscitent de nouvelles inquiétudes sanitaires. Diverses substances chimiques sont incriminées dont  le bisphénol A alors que les PE naturellement présents dans notre alimentation comme l’isoflavone du soja ou le resvératrol du raisin ou du vin attirent peu l’attention.

La radioactivité reste source de peur depuis les accidents de Tchernobyl et Fukus-hima, alors que des médicaments radioactifs  sont utilisés en médecine nucléaire et qu'il existe une radioactivité naturelle du sol (uranium, thorium), des eaux et de l’air (radon) qui inquiète peu la population.

Les nanotechnologies font face à un rejet d’une partie de la population. Plus de 800 produits de consommation courante renferment des nanoparticules. Combien de personnes savent que la première source de nanoparticules présentes dans l’atmosphère est naturelle et provient de l’érosion éolienne et des poussières volca-niques ?

Les innovations techniques ont rythmé l’évolution de l’homme. 

Ce retour nostalgique à la nature est la traduction humaine de la peur face à la puis-sance grandissante de technologies innovantes, complexes, sans cesse renouve-lées et planétaires. Le réflexe est alors de trouver un refuge même illusoire. Cette «nature-attitude» s’accompagne généralement de méfiance ou de rejet, allant jus-qu'à la  condamnation morale de l'artificiel, du synthétique, du technique au détri-ment du recours utile à la science dans le contexte actuel d'explosion démogra-phique. 

Chimie, biologie, physique, ces sciences de la nature sont devenues suspectes dès qu’elles permettent le développement de technologies mises au service de l'homme.

Les médias ont une grande responsabilité dans cette approche des technologies en dramatisant et exagérant leurs risques sans aucune hiérarchisation ou analyse du rapport bénéfice/risque pour les populations. 

Cette pression médiatique exacerbée par des groupes militants contribue à accrédi-ter, durcir et empiler les réglementations renforçant ainsi la peur dans l’opinion pu-blique.

L’intelligence humaine, le génie inventif, les chercheurs sont relégués au second plan. Les experts scientifiques des instances d’évaluation ne sont-ils pas régulière-ment désavoués ou fustigés pendant que de faux lanceurs d’alerte auto-proclamés et d’habiles gourous profitent de la faveur des médias voire des décideurs politiques.

Le réflexe conservateur du «c’était mieux avant» gagne du terrain et engendre le déni de réalité, des choix politiques de  repli sur soi et d’hostilité aux forces d’ouverture sur le monde. 

Non, le meilleur n’est pas derrière nous ! L’évolution de l’espérance de vie et le recul de l’extrême pauvreté dans le monde en sont une preuve irréfutable! L’activisme militant des écologistes et le rôle de médias plus enclins à la communi-cation émotionnelle qu’à la véritable information factuelle contribuent largement  à ce tropisme pour le «naturel» jugé sécurisant.

La nature offre des beautés insoupçonnées, ses paysages, sa flore, sa faune,  elle doit être absolument préservée car fragilisée par la pression d’une population hu-maine qui a quadruplé en un siècle et reste en constante augmentation. 

La nature est aussi la présence de nombreux ennemis vivants pour l’homme, de bactéries responsables de graves maladies infectieuses (tuberculose, choléra, …), des virus mutants (sida, grippe, …), de moustiques vecteurs de virus (paludisme, Zika  …), de protozoaires (toxoplasmose), de chauves-souris vecteurs du virus (ebola),  d’acariens porteurs de bactéries (tiques), de plantes toxiques, envahis-santes, allergènes, de champignons, de l’amanite phalloïde mortelle aux moisissures capables de produire des mycotoxines cancérigènes sur les céréales et les fruits.

La nature est aussi indomptable, capable de décimer des populations lors de grandes catastrophes naturelles (séismes, éruptions volcaniques, inondations, tsu-namis, cyclones, avalanches).

Goûter à la beauté de la nature est louable. Chercher à la protéger est souhaitable.  Mais cette nature est souvent l’ennemi de l’homme. Elle ne peut être adorée sans esprit critique. Elle contraint au développement de moyens de protection faisant ap-pel aux technologies et au génie de l’homme. Le retour au «naturel» qui fleurit aujourd’hui, s’il s’accompagne de peur du progrès scientifique, ne doit pas devenir synonyme de régression, de déclin et amener un regain de croyances.

Dans ses excès, ce retour au "naturel" devient anti-humaniste en condamnant  l’activité humaine au profit de la sanctification de la nature. « …le monde de synthèse dans lequel nous vivons nous garantit une espérance de vie supérieure à 80 ans et cette espérance de vie croît de deux mois chaque année » écrivait en 2006 Yves Cauvin, prix Nobel de chimie.

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