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Ce que la diminution des inégalités mondiales depuis 6 décennies révèle de destructeur pour les démocraties occidentales
©Reuters

Journée internationale pour l'élimination de la pauvreté

Alors que les inégalités globales et internationales tendent à diminuer, la progression des inégalités intra-nationales fragilise les démocraties occidentales

Nicolas Goetzmann

Nicolas Goetzmann

 

Nicolas Goetzmann est journaliste économique senior chez Atlantico.

Il est l'auteur chez Atlantico Editions de l'ouvrage :

 

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Atlantico : Dans un tweet datant de ce 15 octobre, l'économiste Branko Milanovic publiait un graphique (ci-dessous), utilisant les dernières données disponibles de la banque mondiale, et indiquant : "Diminution des inégalités mondiales et internationales (1952-2016)". Comment expliquer de tels chiffres "globaux" et internationaux" dans un contexte de progression des inégalités au sein des différents pays, notamment occidentaux ? 

Evolution des inégalités dans le monde

Nicolas Goetzmann : Nous assistons en effet à un double phénomène. D'une part, la diminution des inégalités internationales, c’est-à-dire les inégalités de richesses entre les pays, et la diminution des inégalités "globales", c’est-à-dire entre les plus riches et les plus pauvres de la planète, c'est à dire sans tenir compte des nations. A l'inverse, les inégalités inter-étatiques ont évolué différemment sur cette même période. Elles ont baissé entre l'après-guerre et la fin des années 70 et ont recommencé à progresser, fortement, lors de la période dite "néolibérale" qui a débuté au début des années 80 et qui est toujours en vigueur. Et un phénomène important est en train de survenir dans le paysage économique en raison de cette double tendance inversée, notamment souligné par l'économiste suédois Göran Therborn : alors qu'en 2000, 80% des inégalités entre les ménages dépendaient de la nation dans laquelle vous viviez, il y a aujourd'hui un renversement de tendance qui indique que c'est la classe sociale, et non plus la nation, qui pourrait prendre le relai de ce principal déterminant. Maintenant que la richesse des nations est en train de converger, ce sont les classes sociales qui sont en train de prendre le dessus. Du point de vue occidental, cette rupture se manifeste clairement dans un sens politique, aussi bien en France, qu'aux États Unis, ou ailleurs, entre les défenseurs de l'une ou l'autre classe, mais rarement dans un sens d'unification, ce qui produit cette scission au sein même des pays.

Quelles sont les principales causes de réduction des inégalités "globales" et internationales ?

Ici encore, la tendance est double. Il y a bien sur la très forte progression économique de la Chine, de l'Inde, ou d'autres pays émergents, qui ont eu pour effet de faire diminuer de moitié la proportion de personnes vivant dans une situation d'extrême pauvreté (de 30 à 15% de la population mondiale depuis le début du nouveau millénaire), mais il faut également tenir compte du très net ralentissement économique des pays occidentaux. Comme le rappelle Branko Milanovic ; toujours selon les derniers chiffres de la banque mondiale ; en 2016, 86 pays (comptant pour une population totale de 5.6 milliards d'individus) sont à leur pic historique de PIB par tête, alors que 79 pays (pour une population totale de 1.6 milliard d'individus) sont en dessous de leur pic de PIB par habitant. Il n'y a donc pas qu'une cause "positive" de la réduction des inégalités qui serait uniquement à chercher dans le développement des pays émergents, il y a aussi un phénomène de régression que l'on peut constater en occident, notamment suite à la grande crise de 2008.

​Ces tendances peuvent-elles réellement être contenues ? Freiner les inégalités peut-il conduire à freiner la croissance elle-même ?

Tout dépend des actions qui sont menées pour y parvenir. Le constat le plus urgent à prendre en compte est celui de la trop faible demande mondiale, qui se caractérise par des niveaux de chômages élevés en Europe, ou des salaires qui stagnent un peu partout en occident, ou des salaires encore trop déconnectés de la productivité en Chine. Ce frein qui pèse sur le facteur travail, de façon globale, est la première cause de cette situation. Concernant les pays occidentaux, cette situation découle largement de politiques monétaires trop timides au cours de ces dernières décennies. Le chômage a été utilisée comme la seule variable d'ajustement, avec une protection trop aigue du capital par une obsession anti-inflationniste qui a fini par se révéler destructrice. Cette cause principale d'une croissance sous optimale en occident a conduit les pays à démanteler l'État social qui avait pu voir le jour au lendemain de 1945. Ce qui a eu un effet de double peine pour les catégories populaires. Il est donc possible de lutter contre les inégalités tout en soutenant la croissance, c'est d'ailleurs la méthode la plus efficace, et cela passe par une relecture des politiques monétaires occidentales (ce qui a d'ailleurs été le thème d'une conférence qui s'est tenue en ce début du mois d'octobre au Peterson Institute avec des grands noms de l'économie ; dont Mario Draghi et Ben Bernanke). La théorie économique pour sortir de cette situation est donc désormais, en partie du moins, sur la table. Il ne reste qu'aux politiques d'en tirer les conclusions qui s'imposent.

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